Nommé le 17 mai dernier au poste de ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin a pris la suite de Michel Sapin, lors de la passation de pouvoir qui a eu lieu le 18 mai à Bercy. Illustration de « l’ouverture politique pragmatique » d’Emmanuel Macron, ce nouveau ministre était, en son temps, coordinateur de la campagne de Nicolas Sarkozy et vice-président de la région Hauts-de-France. Il est toujours intéressant de retenir le nouveau nom qui détermine le champ de compétence des ministères, lors des changements de gouvernements. Michel Sapin était le ministre de « l’Économie et des Finances ». Gérald Darmanin est le ministre de « l’action et des comptes publics ».Comme indiqué dans le Décret n° 2017-1082 du 24 mai 2017, il est, entre autres, responsable de l’ensemble des comptes publics et de la stratégie pluriannuelle des finances publiques. Nouveauté par rapport à son prédécesseur, « en matière d’action publique, il prépare et met en œuvre la politique de transformation de l’État ». Dans l’étendue de sa sphère de compétences, il a autorité sur « le service à compétence nationale dénommé TRACFIN ». Geste politique significatif, il a, dès le 26 mai, effectué sa première visite aux agents de ce service de l’administration fiscale.TRACFIN : acronyme de « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins », c’est un des services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) du ministère de l’Économie et des Finances. Il est chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Créée par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, cette « cellule de renseignement financier » est devenue service à compétence nationale par le décret n° 2006-1541 du 6 décembre 2006. Ce service travaille en étroite collaboration avec le groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental indépendant, créé en 1989 lors du sommet G7 tenu à Paris. Le « réseau GAFI » couvre 183 juridictions engagées dans la lutte contre la délinquance financière internationale. Au niveau communautaire, TRACFIN est engagé dans les travaux du comité sur la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme au sein de la Commission européenne.Pour remplir sa mission, TRACFIN dispose de pouvoirs étendus qui sont définis aux articles L 561-25 et suivants du code monétaire et financier :

  • Droit de communication auprès des professionnels impliqués dans la lutte anti blanchiment, de même qu’auprès des administrations d’État, des collectivités territoriales et des établissements publics.
  • Droit d’opposition à la réalisation d’une opération financière qu’elle jugerait douteuse.

La liste des professionnels concernés par le dispositif antiblanchiment ne cesse de s’allonger. Actuellement :

  • Pour ce qui est des professions financières : les banques et établissements de crédit, les établissements de paiement, les instituts d’émission, les assureurs, les entreprises d’investissements, les changeurs manuels.
  • Pour ce qui est des professions non-financières : les intermédiaires immobiliers, les responsables de casinos, les responsables des groupements, cercles et sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris, des pronostics sportifs ou hippiques (Française des Jeux, PMU…), les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d’antiquités ou d’œuvres d’art, les experts comptables, les commissaires aux comptes, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs et mandataires judiciaires, les avocats, les commissaires-priseurs judiciaires, les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les sociétés de domiciliation, les agents sportifs, les personnes autorisées à la gestion et à la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre.

Pour simplifier, on peut dire que tout professionnel intervenant dans un ou des échanges financiers, sous quelque forme que ce soit, est soumis à la « règlementation TRACFIIN ». On s’imagine facilement que ses banquiers et ses conseillers financiers soient « naturellement » soumis à cette réglementation, mais ils ne sont pas les seuls. Sont aussi concernés : son notaire, ses avocats, son expert-comptable, son commissaire aux comptes, son assureur, son huissier, son agent immobilier, sa société de domiciliation. La réglementation est « très bien faite » car elle met à la charge du professionnel concerné, deux obligations :

  • un devoir de vigilance, c’est-à-dire qu’il doit s’assurer de l’identité de son client, de la provenance et d’une destination licite, des fonds ou de l’opération en question ;
  • une déclaration de soupçon à TRACFIN s’il « sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner que les sommes ou opérations proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, ou participent au financement du terrorisme ».

Si l’intermédiaire ne respecte pas la réglementation, il est lui-même passible de sanctions (article L 561-40 du code monétaire et financier) qui vont de l’avertissement, en passant par le blâme, puis l’amende, jusqu’à l’interdiction d’exercer. De plus, si un de ses clients est reconnu coupable d’une infraction qui n’a pas fait l’objet d’une déclaration de soupçon de sa part, il est considéré comme complice et donc pénalement sanctionnable.

Dès lors, on « comprend mieux » le zèle de certains banquiers quant aux renseignements « personnels « qu’ils vous demandent parfois.

CE QUE L’ON NE VOIT PAS

Le 30 mai dernier, la BNP vient de se voir infliger par la commission des sanctions de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) un blâme et une « amende record » de 10 millions d’euros. Ce qui est très intéressant, quand on lit attentivement cette décision, c’est que le motif des sanctions n’est pas le défaut de déclaration de soupçons, mais que « les effectifs de BNP Paribas dédiés au traitement des propositions de DS (déclarations de soupçons) n’étaient pas suffisants pour respecter les obligations déclaratives du groupe à Tracfin ». Autrement dit, la BNP n’a pas affecté suffisamment de personnel pour « mieux fliquer » ses clients.

Tiens, tiens… Il me revient en mémoire que le « patron » de l’ACPR est le gouverneur de la banque de France qui est, actuellement… François Villeroy de Galhau. Les lecteurs assidus de mes billets se souviennent que, dans celui du 27 mai dernier, j’ai attribué la mention « très bien » à la progression de la carrière du « père François »… Pas le pape, l’ancien directeur général de… la BNP !!

Figurez-vous qu’à l’époque des faits sanctionnés, « François BNP » était le directeur général en charge des services « défaillants » de la banque. Ceux à qui « François ACPR » reproche des manquements à la stricte observation de la réglementation TRACFIN. « Amusant » non ? Ni coupable ni responsable, bravo l’artiste !

ET MES SOUS DANS TOUT ÇA ?

Cette amende de 10 millions d’euros, devinez qui va la payer ? Les clients de la BNP, sous la forme de « frais divers et variés » ! Au risque de passer pour un rabâcheur… DÉ-BAN-CA-RI-SEZ-vous !

Ce que voit Alex Andrin

Ils ne sont « ni responsables ni coupables »,
S’étant organisés pour être intouchables.
Alors qu’ils nous imposent une réglementation
Dont ils « contrôlent » eux-mêmes la stricte application.
Tout cela, bien sûr, pour notre « sécurité »,
Leur seul but est la fin de nos liquidités.
Gardez confiance, je vous aime et vous salue.

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