Après l’annonce par les États-Unis de nouvelles sanctions contre le futur gazoduc russe Nord Stream 2, la Commission européenne a décidé de négocier directement avec Moscou sur ce projet, bien que cela ne soit prévu par aucun document juridique, a indiqué à Sputnik Steffen Ebert, porte-parole de Nord Stream 2.«Nous considérons cette démarche de la Commission européenne comme politiquement motivée.
Un accord avec la Russie que veut la commission est parfaitement superflu. Les structures régulatrices et les départements juridiques à Bruxelles ont également constaté qu’il n’y avait aucun vide juridique dans ce cas précis, et que toutes les procédures étaient bien respectées», a déclaré l’interlocuteur de l’agence.
L’expert allemand Roland Goetz s’est dit du même avis, en rappelant par ailleurs que les directives du marché gazier européen ne pouvaient être appliquées ni au premier ni au deuxième Nord Stream.«On ne comprend pas pourquoi une telle procédure devrait être appliquée à Nord Stream 2, alors que pour le premier Nord Stream et les autres projets similaires, notamment Transmed entre la Tunisie et la Sicile ou Galsi entre l’Algérie et la Sardaigne, elle ne l’a pas été», s’est étonné M.Goetz.
L’argument officiel majeur de la Commission européenne est que Nord Stream 2 «mine la sécurité énergétique de l’Europe».Selon la spécialiste allemande en énergie Kirsten Westphal, c’est justement la Pologne qui s’oppose plus que les autres en Europe au projet Nord Stream 2, tout en poursuivant d’ailleurs ses propres intérêts.
«Pour le gouvernement à Varsovie, Nord Stream 2 est en outre une sorte de ressource en politique extérieure», a-t-elle notamment relevé dans une interview accordée au Spiegel Online.
Les observateurs constatent que les nouvelles sanctions de Washington contre la Russie incitent l’Europe à acheter du gaz américain cher au lieu du gaz russe bon marché. Selon les médias, l’Allemagne accuse les Américains d’essayer de stopper le pipeline Nord Stream 2 entre la Russie et l’UE pour leur permettre d’exporter leur propre gaz naturel liquéfié vers l’UE, et la rendre ainsi dépendante des États-Unis.Défendu par Berlin, Nord Stream 2 est vivement critiqué par plusieurs pays de l’est de l’Europe, Pologne en tête, dans un contexte de tensions géopolitiques entre l’UE et Moscou depuis le conflit ukrainien de 2014. Force est toutefois de reconnaître que Nord Stream 2, en pratique, enterre pour de bon les deux milliards annuels de revenus du transit gazier de l’État ukrainien en faillite.Le projet Nord Stream 2 prévoit la construction de deux tuyaux de gazoduc reliant le littoral russe à l’Allemagne, via la mer Baltique.
Sa capacité totale sera de 55 milliards de mètres cubes par an. Le chantier doit être terminé avant la fin 2019. Le coût du projet est évalué à 9,5 milliards d’euros.En avril 2017, les entreprises énergétiques Engie, OMV, Shell, Uniper et Wintershall ont conclu un accord avec le géant gazier russe Gazprom sur le financement du projet Nord Stream 2. Aux termes de l’accord, les partenaires européens investiront 50 % du coût total du projet de 9,5 milliards d’euros. Ainsi, la contribution de chacune des sociétés s’élèvera à 950 millions d’euros.