Je vous livre aujourd’hui la traduction d ‘un excellent article de Martin Feldstein (professeur d’économie à Harvard et ancien conseiller économique de Reagan de 82 à 84), publié le 27 février 2016 sur Project Syndicate.

Vous pourrez voir, à travers ce papier, la montée des inquiétudes de l’élite économique du pays concernant l’endettement américain. Évidemment, la dette est hors de contrôle même si cela n’est pas dit de cette façon-là ; néanmoins, certaines conséquences prévisibles de cette endettement sont expliquées et elles seront loin d’être agréables à supporter.

Charles SANNAT

“Mettre un terme à l’explosion de la dette fédérale américaine”

« Le Bureau du Budget du Congrès américain (CBO, US Congressional Budget Office) vient juste d’annoncer la mauvaise nouvelle : la dette nationale augmente plus vite que le PIB pour se diriger vers des ratios que l’on associe habituellement à des pays comme l’Italie ou l’Espagne. Cela confirme mon opinion que le déficit fiscal est le problème économique à long terme le plus sérieux de la classe politique américaine.

Il y a une décennie, la dette fédérale (note : l’auteur prend en compte la « debt held by the general public », qui ne prend pas en considération la dette détenue par les caisses de retraite, les trusts et autres organismes publics américains) était de seulement 35 % du PIB. Aujourd’hui, ce chiffre a plus que doublé et devrait atteindre 86 % d’ici 2026. Mais ce n’est que le début. Le déficit budgétaire annuel projeté pour 2026 s’élève à 5 % du PIB. S’il reste à ce niveau, le ratio de la dette pourrait augmenter jusqu’à 125 %.

Cette projection part pourtant du principe que les taux d’intérêt sur la dette nationale augmenteront lentement pour atteindre une moyenne inférieure à 3,5 % en 2026. Mais si le ratio dette PIB des États-Unis est vraiment bien en marche pour dépasser les 100 %, les investisseurs aux États-Unis à l’étranger pourraient commencer à craindre, à juste titre, que le gouvernement a vraiment perdu le contrôle de son budget.
Confrontés à cette explosion de la dette, les porteurs d’obligations étrangers pourraient commencer à se demander si les États-Unis ne chercheront pas à utiliser une astuce pour réduire leur valeur réelle en dopant l’inflation ou en taxant les intérêts générés par les Treasuries. Dans ce cas, les investisseurs exigeront une prime de risque, soit des taux plus élevés. Ce qui ne ferait que creuser davantage le déficit, et donc le ratio d’endettement.

Cette dette nationale élevée et grandissante handicape l’économie américaine de nombreuses façons. Le paiement des intérêts exige des impôts plus élevés ou un déficit budgétaire plus important. En 2016, les intérêts sur la dette nationale s’élèveront à presque 16 % des rentrées fiscales émanant de l’impôt sur le revenu. D’ici 2026, les projections concernant les intérêts de la dette nationale évoquent un ratio de 31 %, même dans un scénario de hausse modeste des taux tel qu’envisagé par le CBO.

Les investisseurs étrangers possèdent aujourd’hui plus de 50 % de la dette gouvernementale, et ce pourcentage devrait continuer d’augmenter. Même s’ils sont aujourd’hui prêts à accepter de nouvelles émissions obligataires lorsque le principal et les intérêts d’obligations existantes arrivent à échéance, le jour viendra où les États-Unis devront rembourser leurs intérêts en exportant plus de biens et de services qu’ils en importent. Doper les exportations nettes exigera un dollar plus faible afin d’améliorer la compétitivité des produits américains, tandis que les biens importés seront plus chers pour les consommateurs, ce qui signifie une baisse du niveau de vie des Américains. (…)

Il est important de trouver des solutions pour réduire le déficit budgétaire et minimiser le ratio futur de dette. La bonne nouvelle est qu’une réduction relativement modeste du déficit pourrait remettre ce ratio sur les bons rails, vers des niveaux bien plus bas. Par exemple, réduire le déficit à 2 % du PIB permettrait d’obtenir un ratio de dette de 50 % à terme.

Réduire les déficits exige la baisse des dépenses gouvernementales ou l’augmentation des revenus, ou les 2. Aucune de ces options n’est politiquement aisée, mais elles ne sont pas impossibles. (…)

Aucune décision concernant la baisse des déficits n’aura lieu avant l’élection présidentielle. Mais cette problématique devrait être l’une des priorités de l’agenda du nouveau président qui prendra possession de la Maison Blanche l’année prochaine. »

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