2016, une parenthèse du marché baissier ou le début d’un nouveau marché haussier ?
La grosse question est de savoir si la progression de 2016 est simplement une parenthèse de la baisse de 4 ans et demi que nous avons connue depuis 2011 ou le début d’une nouvelle phase du marché haussier qui a démarré en 1999, lorsque l’or est passé de 300 $ l’once jusqu’à 1900 $ en août 2011. Nous estimons que le sentiment actuel, l’opinion des médias dominants et l’analyse technique sont extrêmement négatifs, comparables à la situation de fin 2015, juste avant la forte hausse qui s’en est suivie. Nous pensons qu’en vertu de la négativité ambiante, c’est une hausse substantielle qui nous attend. Si ce scénario devait se matérialiser, la correction de la seconde moitié de 2016 aura établi un plus bas plus élevé et durable à partir de la hausse qui a démarré fin 2015 et serait le précurseur de la poursuite du marché haussier séculaire qui a commencé en 2000.
Les données fondamentales de l’offre et de la demande d’or physique restent positives et sont même renforcées par le régime actuel de prix des métaux précieux trop bas, qui ne justifient pas l’augmentation de la production. Le rendement mondial des mines a atteint son pic, il devrait désormais baisser jusqu’à 2020, peut-être jusqu’à la moitié de la prochaine décennie. Comme indiqué sur le graphique ci-dessous, les découvertes de filons sont à un plus bas de 25 ans alors que les délais de mise en exploitation des nouveaux filons ne cessent de s’allonger pour atteindre aujourd’hui presque 20 ans.
La demande physique continue d’afficher une croissance séculaire constante, surtout en Asie. Rien que la demande de la Turquie, de l’Inde, de la Chine et de la Russie a dépassé la production minière mondiale depuis 2013, ce qui signifie que les stocks d’or des coffres occidentaux se vident pour répondre à la demande.
Deux développements récents, largement ignorés par les médias, vont significativement développer davantage la demande et l’utilisation de métal physique. Le premier, c’est le nouveau standard or conforme à la charia, qui a été approuvé en décembre 2016. (…)
Nous pensons que cela va mener à la création de produits d’investissement, comme des ETF or pour le monde islamique (25 % de la population mondiale), un marché qui doit encore être pénétré. Si les estimations du potentiel de ce marché varient fortement alors qu’il n’en est qu’à ses balbutiements, cela représente selon nous un gros atout pour la demande d’or physique future.
La Chine se positionne pour dominer le marché mondial du pétrole grâce au yuan garanti par l’or
Le second point est l’incorporation de l’or en tant que monnaie de règlement pour faciliter les échanges entre les nations productrices de pétrole et le plus gros importateur d’hydrocarbures, la Chine. La Russie, l’Arabie saoudite et l’Iran vendent la majorité de leur énergie à la Chine en yuans convertibles en or via le SGE. Ce flux représente un pourcentage significatif et en progression du commerce pétrolier mondial, le plus important des matières premières (note : pour comprendre ce mécanisme, qui est en train de provoquer le détricotage du pétrodollar, lire notre dossier sur la mort du pétrodollar, et ce qui le remplacera).
La Chine se prépare à réévaluer fortement le prix de l’or
Nous pensons que ce développement a des implications négatives pour le système du pétrodollar, qui fut à la base de la dominance du billet vert sur le commerce mondial depuis les années 70. (…)
La chute du COMEX et du LBMA va s’accélérer
Nous pensons que l’expansion de l’utilisation de l’or en tant que devise de paiement va également accélérer la chute des institutions traditionnelles basées sur le papier que sont le COMEX et le LBMA, tout en diminuant grandement l’influence des flux spéculatifs papier dans le processus de valorisation. (…)
Malgré des pronostics indubitablement positifs quant à la hausse de l’or sur base des flux physiques, les mouvements du prix à court et à moyen terme seront plus influencés par les positions des investisseurs sur les marchés papier du COMEX et autres que par les évolutions du marché physique. (…) Ces prises de position sont extrêmement volatiles, principalement dictées par des perceptions macro-économiques très changeantes. Ces revirements sont accentués par les traders à haute fréquence, qui représentent environ 2/3 des volumes du COMEX. Contrairement aux traders humains qui prennent des positions sur base d’une analyse macro-économique spéculative, le trading à haute fréquence se moque des fondamentaux, se contentant de surfer sur les tendances et d’amplifier ainsi les baisses comme les hausses.
La hausse de l’or durant la première moitié de l’année 2016 fut provoquée par les flux spéculatifs, la baisse qui s’en est suivie par leur retrait. (…) Il nous semble que la situation est mûre pour le retour de cet intérêt spéculatif en 2017.
Selon nous, ces prises de positions spéculatives sont dictées par la perception des perspectives économiques des marchés, en prenant très peu en compte les fondamentaux spécifiques à l’or. Ces paris hautement spéculatifs sont sujets à de gros renversements de tendance. Par exemple, nous avons connu un virage à 180° concernant les attentes de croissance suite à la victoire surprise de Trump, que l’on a également considérée comme cruciale pour l’or. Comme l’a observé Eric Pomboy de Meridian Macro, durant les quatre séances qui ont suivi l’élection, environ 6200 tonnes d’or (2 millions de contrats) ont été échangées au COMEX. Cela équivaut à deux années de production d’or selon les statistiques du WGC. (…) Ce furent uniquement des transactions papier, il est impossible de bouger autant d’or physique en si peu de temps. (…)
Des risques toujours présents
Selon nous, les risques systémiques qui existaient avant l’élection présidentielle ne se sont pas subitement volatilisés. L’un des plus importants est l’énorme bulle du marché obligataire. Juste derrière, les valorisations des actions sont toujours à des niveaux extrêmes d’un point de vue historique.
Les attentes démesurées envers Trump nous rappellent l’euphorie qui avait suivi la victoire étincelante de Reagan en 1980. Pourtant, ces attentes très élevées ne furent pas satisfaites avant des moments très pénibles sur les marchés. (…)
L’exemple de 1982 montre que les tentatives sérieuses de réparer les erreurs du passé ne se font pas sans dommages collatéraux. Selon nous, la quantité de travail nécessaire sur les fronts fiscaux et monétaires est bien plus importante qu’à l’époque de Reagan. De plus, les « Reaganites » avaient l’avantage d’avoir des marchés obligataires et actions sous-évalués à leur entrée en fonction, soit tout le contraire d’aujourd’hui. Nous pensons donc que le sentiment spéculatif pessimiste pour l’or à de très grandes chances de s’inverser en 2017.
Conclusion
En conclusion, il y a actuellement une pénurie d’or physique, en vertu du prix actuel, qui promet de se creuser. Cette pénurie est masquée par l’offre en or papier qui n’est pas adossé à du métal. En cas de transparence complète, cette pénurie imposerait un cours de l’or bien plus élevé, basé sur une valorisation qui ne serait plus encadrée par les transactions papier. L’éviscération progressive des mécanismes papier de valorisation de l’or et de leurs institutions est un processus bien réel. Elle se matérialise par le transfert inexorable des lingots des coffres occidentaux vers l’Asie, qui se fait un plaisir de l’acheter à prix cassé et qui est utilisé dans un contexte politique et institutionnel bien plus favorable. (…) Plus le temps passe, plus l’écart entre les fondamentaux réels (physiques) et imaginaires (spéculatifs) continue de se creuser. Et plus cela dure, plus la possibilité de le voir se résoudre de façon explosive augmente. En bout de course, nous nous attendons à voir l’or physique éclipser son bien faible équivalent papier.
Source : article de John Hathaway, publié le 23 mars 2017 sur KWN