CE QUE L’ON VOITIl est toujours très intéressant de comparer les titres de différents médias relatant un même fait ou événement. Une affaire d’actualité retient particulièrement mon attention, celle de « la taxe sur les dividendes ».

  • Pour Challenges.fr du 16 octobre 2017 : « Comment cet avocat a fait perdre 10 milliards d’euros à l’État avec la taxe dividende ». En invalidant dans sa totalité la taxe sur les dividendes à 3 %, le Conseil constitutionnel a déclenché une bombe budgétaire. Voici les coulisses du plus gros imbroglio fiscal de l’histoire;
  • Pour Contrepoint.org du 1er novembre 2017 : « Le contribuable paiera pour les mauvaises décisions de l’État ». Taxe sur les dividendes : Bercy, soutenu par Matignon et l’Élysée, a commis une erreur gravissime. Les responsables doivent rembourser. Tout comme Jérôme Kerviel ;
  • Pour LeParisien.fr du 31 octobre 2017 : « Taxe dividendes : 300 grandes entreprises paieront la surtaxe exceptionnelle ». Toutes ces entreprises « ont plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires », a souligné Bruno Le Maire, invité du journal télévisé de France 2 ;
  • Pour LesÉchos.fr du 31 octobre 2017 : « Taxe dividendes : le remboursement par les grandes entreprises ne sera pas compensé ». Cette contribution exceptionnelle demandée à 300 grandes entreprises devrait prendre la forme d’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés pour un montant de cinq milliards d’euros.

Aux « Unes » de ces différents journaux, on croit comprendre qu’un « nouveau scandale » réside dans le fait qu’un avocat aurait mis à jour une « bombe budgétaire » relative à une « taxe dividende » dont seraient responsables… « Bercy, Matignon, l’Élysée » et qui coûterait « 10 milliards d’euros » … à l’État, ou aux entreprises ou aux contribuables… on ne sait pas trop !!!

Vous connaissez depuis longtemps mon approche : ses faits, rien que des faits. Je demande pardon par avance aux lecteurs juristes, mais, pour une plus grande compréhension, je n’entre pas dans le détail de toutes les actions et procédures de cette affaire.

  • 16 août 2012, dans le cadre de la Loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958, le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT, sous la présidence de François HOLLANDE, instaure une « contribution additionnelle de 3 % » sur la distribution des dividendes versés par les entreprises.
  • 27 juin 2016, le Conseil d’État (CE), suite aux recours faits par de nombreuses sociétés concernées par cette nouvelle taxe :
  • 30 septembre 2016, en réponse à la saisine du CE, le Conseil constitutionnel (décision n°2016-571 QPC) déclare cette différenciation contraire à la constitution.
    • Il laisse au parlement, jusqu’au 1er janvier 2017, la possibilité de modifier la législation pour remédier à cette différence de traitement.
  • 6 mai 2017, proclamation de l’élection du nouveau président de la République qui « hérite » de cette affaire qui représente un enjeu financier de 6 milliards d’euros.
  • 17 mai 2017, en réponse à la saisine du CE, la CJUE (affaire 365/16) déclare contraire à la directive européenne « mère -filiale », le principe de cette contribution.
    • Cela signifie l’annulation partielle de la contribution additionnelle de 3 %
  • 27 septembre 2017, le gouvernement d’Édouard PHILIPPE, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, tire les leçons de la décision de la CJUE en supprimant cette taxe et en provisionnant dans le budget 2018, un montant de 5,7 milliards d’euros sur cinq ans pour les remboursements.
  • 6 octobre 2017, dans le prolongement logique de la décision de la CJUE, le Conseil constitutionnel décide (n° 2017-660 QPC) l’invalidation totale de la taxe de 3 % sur les dividendes
  • 18 octobre 2017, en tant que porte-parole du gouvernement, Christophe CASTANER, prend acte de la décision du Conseil constitutionnel. L’État devra rembourser aux grandes entreprises, le montant de cette taxe juridiquement indue :
    • « L’amateurisme juridique a conduit à faire le plus grand cadeau fiscal jamais fait aux entreprises de ce pays »… 
    • « La fourchette est entre 8 et 10 milliards, le risque maximum est de 10 milliards »…
    • « Le ministre de l’Économie travaille à des modalités de remboursement, cela pourra trouver sa place dans la loi de finances rectificative »…
    • « Celles et ceux qui donnent des leçons sont responsables d’une dette de l’État égale à 4 ou 5 années d’ISF ».

Voilà résumée cette « abracadabrantesque » affaire. L’accès aux sources d’information, comme vous le savez, est une de mes « marques de fabrique ». Celles-ci vous permettront d’étayer une opinion personnelle pertinente. Je vous livre mon analyse de cette lamentable affaire.

Le gouvernement AYRAULT, sous la présidence HOLLANDE, instaure une taxe supplémentaire touchant le versement des dividendes, sans s’assurer sérieusement de la force juridique de ce texte. Il en résulte une mise en cause de la part des entreprises concernées. C’est le gouvernement actuel qui « hérite de cette « bombe fiscale ». La mise en cause juridique du texte aboutit à son invalidation et donc à la demande de remboursement des montants versés par les entreprises. Bien évidemment, le budget de l’État étant déjà « ric et rac »… Il va bien falloir trouver un « payeur » pour rembourser les sommes indûment perçues. J’ai comme l’idée… que cela pourrait bien être « VOU ZÉ MOI » ☹☹ ☹.

Une citation de notre Ce cher François Marie AROUET me vient à l’esprit : « Le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d’hommes inutiles. »

CE QUE L’ON NE VOIT PAS

Allez, c’est mon « quart d’heure de citations ». Tout comme j’ai clos la première partie de ce billet, je commence la seconde en citant, non pas « le petit Nicolas », mais notre immortel… le GRAND Nicolas  : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. » Comment faire pour qu’un tel fiasco ne se reproduise pas ? Ne devrait-on pas, préalablement à la publication et la mise en œuvre d’une nouvelle taxe ou impôt, se poser la question de leur constitutionnalité ? N’y a-t-il pas suffisamment de fonctionnaires compétents dans l’administration fiscale, pour « bétonner » les textes ? En creusant un peu le dossier m’apparaît un total manque de bon sens, à tous les niveaux. Vertu qui manque également à nos politolôôôgues et autres côôômmentateurs politiques, qui se bousculent pour « envahir » l’espace médiatique.

  • En 2012, la « brillante idée » de la taxe sur les dividendes aurait été suggérée au ministre de l’Économie Pierre MOSCOVICI ainsi qu’au ministre délégué au budget Jérôme CAHUZAC, par Christian ECKERT, alors rapporteur général de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et futur secrétaire d’État au budget du futur ministre de l’Économie Michel SAPIN. C’est Emmanuel MACRON (inspecteur des finances) qui était alors secrétaire général adjoint, conseiller en charge des questions fiscales auprès du président François HOLLANDE, de 2012 à 2014, puis ministre de l’Économie de 2014 à 2016. Pourquoi, bien que d’énôôôrmes doutes sur la constitutionnalité et la compatibilité avec le droit européen ont été émis par les fonctionnaires de Bercy l’encontre de cette nouvelle taxe, tout ce bôôô monde, a laissé faire ? Fort heureusement, aujourd’hui, il en est fini des errements du passé. Le changement est « en marche ». Les choses ont changé. Nous avons affaire à des personnes « nouvelles et responsables », me croyez-vous, ou pas ?
  • Mais… « J’oubliais de vous mentionner un petit détail. » Les 6 milliards taxés indûment sont devenus 10 milliards à rembourser aux entreprises !!! Par la grââââce des intérêts de retard… qui, pour une fois, sont à la charge de l’administration fiscale. Pour le gouvernement, pas question de constituer ce montant par une augmentation de NO ZIN-POTS. C’est bôôôôcoup trop dangereux politiquement. Puisque les entreprises lésées dans cette affaire ont refusé les z’arrrrrangements proposés par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le MAIRE, celui-ci réfléchit à « L’idée de mettre en place une contribution exceptionnelle sur les très grosses entreprises » car « Face à cette situation exceptionnelle, ils peuvent comprendre que nous leur demandions un effort ». Nous sommes là dans la situation où l’État, pour rattttraper son incompétence, veut faire payer une deuxième fois « ses victimes » !!!
  • Notre ministre ne fait pas que « réfléchir ». Il a aussi l’habitude du combat politique en dénonçant « Il y a eu une décision de mettre en place cette taxe par la précédente majorité, par nos prédécesseurs, par ceux qui dirigeaient les finances publiques de l’État et leur responsabilité est engagée ». Pour faire bonne mesure et dans un efffffort de transparence, il commande un rapport à l’inspection générale des finances (IGF). Nous savons tous parfaitement que ces documents ne servent qu’à augmenter la pile de ces écrits qui sont si rarement suivis d’effets. Cela étant, la lecture des 72 pages du rapport remis le 13 courant au ministre, est particulièrement édifiante.
  • Il est ici utile de rappeler qu’Emmanuel MACRON est inspecteur des finances et que l’auteure du rapport est Marie-Christine LEPETIT, membre du même corps en tant qu’inspectrice générale des finances. Avec l’honnêteté qui caractérise nos hauts fonctionnaires, dans le préambule de son rapport, elle précise :

« Les lecteurs doivent savoir que j’ai pu être influencée dans cette enquête par mes fonctions antérieures en qualité de directrice de la législation fiscale (de janvier 2004 à mars 2012) et que j’ai personnellement été partie prenante à la genèse du sujet, puisque j’avais sollicité au début de l’année 2012 l’autorisation d’ouvrir une consultation de place pour remplacer la retenue à la source sur les dividendes versés aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents, dont l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) paraissait certaine ; cela n’a pas été possible avant le changement de majorité. Cette situation a été discutée avec le déontologue de l’Inspection générale des finances (IGF) ; il a été convenu de renforcer les processus de relecture internes pour tenter de limiter les risques de biais d’analyse. »

  • J’invite mes lecteurs qui seraient intéressés par davantage de développements sur cette affaire à se reporter à l’excellent billet (comme à son habitude) d’Éric VERHAEGHE sur son blog « Décider et entreprendre. La voix des entreprises ».
  • Il est particulièrement « amusant » de constater que c’est un « modeste avocat » qui s’est sérieusement « attelé » à cette affaire, pour le compte de son client, une entreprise concernée par cette nouvelle taxe : Nicolas JACQUOT, avocat associé du cabinet Arsène TAXAND, « accessoirement » premier cabinet d’avocats d’affaires exclusivement spécialisés en fiscalité… Celui par qui « le scandale est arrivé ». C’est un ancien élève d’HEC et de l’ENA… dans la même promotion que Bruno Le Maire !!! Comble de « l’amusement », cet avocat a commencé sa carrière au ministère des Finances avant de devenir conseiller en charge de la fiscalité dans « quelques » cabinets de ministres de l’Économie : Nicolas SARKOZY, Hervé GAYMARD puis Thierry BRETON de 2004 à 2007. Un « novice » aux yeux des membres du corps de l’inspection des finances.
  • Mon sentiment est que Bruno Le MAIRE prend un grand risque politique à « chatouiller » le président MACRON en ayant demandé ce rapport. Si celui-ci prend bien soin d’apporter une réflexion technique sur le sujet, il écarte toute responsabilité politique. Il aurait pourtant été « intéressant » qu’il dévoile les coulisses du dossier, car une question de cette importance n’est évidemment pas « décidée par Bercy ». Quel rôle a joué « l’Élysée », qui a influencé l’arbitrage politique ? Il est évident que ce rapport « ne pouvait (devait) pas » répondre à ces questions.

NE SOYEZ PLUS DES PIGEONS, DEVENEZ SEREINS

En quoi tout cela me concerne ? De toute manière, je ne peux rien faire à mon niveau. Et mes sous dans tout ça ? … « Soit le changement que tu veux voir dans ce monde » (GANDHI).

Notre État tentaculaire sert ses intérêts propres et les servira toujours en premier, quoi qu’il arrive, même au mépris du droit. Mais quand serons-nous enfin capables de comprendre que notre État, les États sont des voyous et d’en tirer les conclusions ??? Je le répète : nous n’avons que la démocratie que nous méritons.

Si cette affaire est la dernière en date, ce n’est pas la seule. Souvenez-vous d’un autre scandale que je vous ai révélé, celui relatif aux promesses non-tenues pour ce qui est de la transition de la loi DUFFLOT à la loi PINEL.

Allez, puisque je vous dis à la fin de chacun de mes billets que je vous aime, c’est une nouvelle occasion de vous le prouver. Je ne reviendrai pas sur « l’escroquerie intellectuelle » qu’est le fonds de garantie des dépôts bancaires. J’ai déjà longuement écrit sur le sujet. La réflexion n’est pas le monopole de nos hommes politiques. La Banque centrale européenne (BCE) réfléchit, elle aussi !!! Elle a communiqué, le 8 de ce mois, le fruit de ses réflexions et analyses, dans un document de 58 pages. Ce document est une suite « logique » aux difffficultés rencontrées par la Commission européenne en octobre dernier, pour rallier l’Allemagne à un projet visant à renforcer la stabilité financière de la zone euro. Il s’agit d’instaurer « une progressivité » dans le mécanisme de mise en œuvre de la garantie des dépôts bancaires. Mais si, vous vous en souvenez certainement. C’est la fameuse (ou fumeuse ?) garantie, à hauteur de 100 000 €, que « notre argent » ne serait pas impacté par une défaillance bancaire en zone euro. Le document de la BCE mentionne notamment :

  • « The competent authority could, for example, allow depositors to withdraw a limited amount of deposits on a daily basis consistent with the level of protection established under the Deposit Guarantee Schemes Directive (DGSD)34, while taking into account potential liquidity and technical constraints »
    • Ce qui donne, en français : « L’autorité compétente pourrait, par exemple, permettre aux déposants de retirer quotidiennement un montant limité de dépôts compatible avec le niveau de protection établi par la directive sur les systèmes de garantie des dépôts (DGSD) 34, tout en tenant compte des liquidités potentielles et contraintes techniques. »
  • L’exposant 34 de la phrase ci-avant nous précise : « As an example, Article 8(4) of this Directive provides that, during a transitional period, depositors should have access to an appropriate amount of their covered deposits to cover the cost of living within five working days of a request ».
    • Et donc, en français : « À titre d’exemple, l’article 8, paragraphe 4, de cette directive prévoit que, pendant une période de transition, les déposants devraient avoir accès à un montant approprié de leurs dépôts couverts pour couvrir le coût de la vie dans les cinq jours ouvrables suivant la demande. »

Mon amour à votre endroit me pousse à vous faire partager un de mes « vieux réflexes » d’ancien sapeur-pompier de Paris : « Il n’y a pas de fumée sans feu »… En conséquence, il me semble de plus en plus judicieux de réfléchir à alléger, autant que faire se peut, votre « dépendance bancaire ».

Chers lecteurs, prenez bien soin de vous. Je vous aime et vous salue.