L’ubérisation est un concept nouveau.

L’ubérisation c’est la modernité.

En réalité l’ubérisation est vieille comme le monde.

L’ubérisation c’est la précarisation peut-être 2.0 comme il faut dire, mais cela reste de la précarisation.

L’idée derrière l’ubérisation c’est le paiement à la tâche de micro-entrepreneur réduit à l’état d’esclave par le maître qui impose les tarifs et donne (ou pas) du travail à ses journaliers qui doivent se plier à toutes les demandes et autres exigences du maître.

Il n’y a là rien de nouveau depuis les esclaves de l’antiquité qu’ils soient de Rome ou d’Athène de Sumer à Babylone ou ailleurs.

Depuis le fond des âges le paiement à la tâche et journalier a été la norme « sociale ».

C’est la révolution industrielle somme toute récente à l’échelle géologique qui a permis la création et le développement du « salariat ». Avec la fin des usines, l’automatisation, la mondialisation et la pression exercée pour toujours plus de compétitivité le totalitarisme marchand dans son évolution en arrive logiquement à détricoter le droit social et les formes de travail salarié dont il n’a plus du tout besoin puisqu’il n’a plus d’usine à faire tourner.

La société de services qui se développe sous vos yeux implique donc une immense mutation vers le tout précarité et le tout « entrepreneuriat ».

C’est cela l’ubérisation sociale de la société et ce mouvement aura un impact fondamental sur vos vies actives et celles de vos enfants.

C’est d’ailleurs ce que montre cet article du Monde consacré aux chauffeurs d’Uber à San Francisco.

A San Francisco, les chauffeurs Uber manifestent : « A chaque course, je consolide leur richesse à mes dépens »

« Les conducteurs ont fait grève et protesté dans une dizaine de villes. Ils ont peur de faire les frais de l’introduction en Bourse de la société.

Ils ne sont pas nombreux mais ils font du bruit. Devant le siège de Uber, au 1455 Market Street, Lauren Swiger s’époumone au son des cuivres du Brass Liberation Orchestra, le groupe de musiciens activistes de San Francisco. « Uber ! Uber ! You’re no good ! Treat your drivers like you should » (« Uber vous êtes nuls ! Traitez correctement vos chauffeurs ! »).

Deux jours avant l’introduction en Bourse du géant des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), prévue vendredi 10 mai, la manifestante est venue protester contre la rémunération « de misère » des conducteurs. « Vendredi, il va y avoir des tas de millionnaires supplémentaires, lance-t-elle au micro. Et nous, nous en sommes réduits au salaire minimum. »

Les chauffeurs de San Francisco sont en grève pour douze heures. Le même mouvement se déroule à New York, Los Angeles, San Diego, Chicago, Philadelphie, Washington et au-delà des frontières américaines, à Londres, et jusqu’au Brésil et en Australie.

Les intermittents de la conduite ont peur de faire les frais de l’opération Wall Street. « Uber et Lyft essaient de montrer aux investisseurs qu’ils peuvent être rentables, dénonce Jeff Perry, 38 ans, un grand blond en short chaussé de tongs. En fait, à chaque course, je consolide leur richesse à mes dépens. »

Mustafa Al Hafidh, 32 ans, conduit pour Uber depuis deux ans. « Le tarif c’était 99 cents [88 centimes d’euro] par mile [1,6 km], note-t-il. Maintenant c’est seulement 68 cents. » Domicilié à une heure et demie de San Francisco, il travaille jusqu’à soixante heures par semaine. Avec l’augmentation des prix à la pompe, l’assurance et l’entretien du véhicule à payer, il a vu son revenu baisser de 50% alors que, dans la région, l’immobilier continue de flamber. Fin avril, après avoir effectué 2 500 courses, il a reçu une prime de 100 dollars pour assiduité. « Cent dollars pour que je me taise », siffle-t-il »…

C’est cela la réalité de l’ubérisation de la société.

C’est cela la réalité de la soumission moderne non plus à un patron, mais à un donneur d’ordres.

La seule solution pour évoluer dans le précariat c’est la montée en gamme comme pour les entreprises traditionnelles prises sous le feu de concurrents qui ont des coûts de fabrication par exemple nettement moins élevés.

La montée en gamme personnelle passe par une formation permanente et systématique, par le fait d’investir en vous et de vous renouveler en permanence. Ne le cachons pas, c’est épuisant et c’est la raison pour laquelle si peu d’adultes se forment une fois entrés dans la vie active. C’est pourtant la seule solution. Elle demande beaucoup d’efforts. Elle est du coup considérablement discriminante.

Charles SANNAT

Source Le Monde ici

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