Et j’ai donc une espèce de tendance maladive à ne m’intéresser qu’aux choses dont personne ne parle ou, encore mieux, aux non-dits.

Je vous donne un exemple : il y a quelques années, je siégeais au conseil de l’une des grandes sociétés françaises de réassurance. Le PDG, certainement l’un des hommes les plus intelligents que j’ai rencontré dans ma vie, fit un jour une remarque dont je me souviendrai toujours. Il venait d’y avoir une grande catastrophe naturelle et le conseil s’inquiétait de l’impact que ce désastre allait avoir sur notre bilan. Tous les éléments propres à nous rassurer ayant été fournis, nous le fûmes, et l’un d’entre nous posa la question de l’effet que tout cela aurait sur nos concurrents. Le Président nous dit alors qu’il ne savait pas vraiment, mais qu’il surveillait celui de ces concurrents qui ne communiquerait pas très rapidement sur le sujet. Sa logique était la suivante : celui qui allait être en difficulté ne dirait rien, ce qui serait un signe qu’il connaissait des problèmes. Le silence de la victime en un sens était ce qui comptait, et il y avait une énorme information dans l’absence d’information. Ce paradoxe apparent me remplit de bonheur tant je trouvais cela malin.

Et donc, en suivant cette remarquable logique, le lecteur, devant la cacophonie financière actuelle, doit se poser la question : dans l’univers financier d’aujourd’hui, de quoi ne parle-t-on pas ou très peu, tant il est probable que l’actif dont personne ne parle est probablement l’un de ceux qui va avoir l’une des meilleures performances dans les années à venir ?

Et je suis arrivé à la conclusion, après quelques recherches, que sans doute l’actif le plus « silencieux » à l’heure actuelle était le bon vieux métal jaune, c’est-à-dire l’or.

Et là, je dois faire une confession.

Intellectuellement, je n’aime pas l’or.

Pour moi, acheter de l’or c’est enterrer son talent (voir la parabole des talents dans les Évangiles). Il n’en reste pas moins que j’ai l’impression aujourd’hui que le mauvais serviteur, à la place d’enterrer son talent comme il le devrait, est en train d’acheter des Bitcoins ou des ETF sur la Mongolie inférieure, et tout cela ne laisse pas de m’inquiéter.

Et donc j’ai décidé de regarder l’or et voici le fruit de mes réflexions.

Commençons par un petit rappel du discours de la méthode pour tout investisseur rationnel (mais si, mais si, il y en a …).

  • Première étape, vérifier que l’actif à acheter est bon marché.
  • Deuxième étape, conceptualiser un scenario qui permettrait à cet actif de monter sans que ce scenario soit millénariste. Je veux dire par là qu’acheter de l’or parce que l’on s’attend à la fin de la civilisation n’est pas bien raisonnable.
  • Troisième et dernière étape : s’assurer que le marché n’est pas en contradiction avec moi. Comme le dit le proverbe boursier, « celui qui essaie d’attraper des couteaux qui tombent se retrouve souvent avec les mains en sang ».

Première étape : la valeur

Objectivement, l’or n’est pas cher par rapport aux marchés des actions en général et du marché américain en particulier, comme le démontre le graphique suivant.

Nous sommes plus bas qu’en 1929, juste avant le krach, au même niveau qu’à la fin des années 60, où le prix de l’or était bloqué, mais nous n’avons pas encore tout à fait atteint les sommets d’imbécillité de la période de l’Internet, ce qui peut tout à fait arriver… Mais il semble bien que nous ayons ici une répétition régulière de « retours à la moyenne ou à la médiane » (ligne orange). Et donc si nous retournons à la moyenne pour la sixième fois en un peu plus d’un siècle, celui qui aurait acheté de l’or et vendu des actions US fera environ 2 fois mieux sur son or que s’il était resté investi en actions US (ne pas oublier que l’or ne verse pas de dividendes au contraire des actions).

Deuxième étape : le scénario favorable à l’actif choisi

Que le lecteur veuille bien considérer le graphique suivant.

Depuis 1981 et l’élection de François Mitterrand, les taux longs français ont baissé de … 96 %, et la dernière partie de cette baisse de 2,5 % à 0,8 % est due à la frénésie acheteuse de la BCE dirigée par un banquier central italien, une vraie contradiction dans les termes.

Voilà qui a permis à notre État de financer ses déficits budgétaires sans grandes difficultés.

Apparemment, les banques centrales américaines, japonaises, anglaises, suédoises, qui ont fait du grand n’importe quoi depuis la grande crise financière, sont en train d’essayer de mettre au régime leurs économies en réduisant la création de « liquidités ». On peut espérer donc que nous rentrons dans une période où les taux d’intérêts vont à nouveau être déterminés par le rapport entre l’offre et la demande d’épargne. Mais mettre au régime sans alcool un patient qui souffre de cirrhose du foie marche rarement. Le retour à la normale se passera peut-être sans accident, peut-être pas. Une crise de démence éthylique n’est pas à exclure.

Et comme notre pays a un déficit extérieur couplé à un déficit budgétaire, ce qui est un signe imparable que nous souffrons d’une insuffisance d’épargne, il serait très, très étonnant qu’un tel pays puisse continuer à emprunter sur le long terme à moins de 1 %. Mais si nous devons emprunter à 3 % ou 4 %, l’État Français sera en situation de faillite instantanément…  D’où grosse crise, et l’or devrait passer cette crise sans doute mieux que les obligations françaises…

Mon scénario est loin d’être impossible et je considère donc la deuxième condition comme remplie. Venons-en à la troisième étape, la confirmation par le marché.

Troisième étape : confirmation par le marché

L’or a clairement casse sa moyenne mobile à quatre ans, ce qui dans le passe a été trois fois sur cinq un bon signal et deux fois sur cinq un signal qui n’a entraîné aucun dégât.

La confirmation par le marché est satisfaisante.

Conclusion

Les lecteurs qui gèrent leurs portefeuilles doivent donc :

  1. Vendre toutes leurs obligations de la zone EURO ;
  2. Vendre lentement mais sûrement une partie de leurs positions actions ;
  3. Acheter tranquillement de l’or (ou, pour ceux qui y connaissent quelque chose, ce qui n’est pas mon cas, des mines d’or), l’idée étant de monter à 20 % ou 25 % du portefeuille dans les quelques mois qui viennent ;
  4. Faire monter les positions cash ne me paraît pas complètement idiot, et comme je l’ai écrit la semaine dernière, je mettrais volontiers ce cash en yen japonais.
  5. Avoir 20 % en or, 20 % en cash ne me paraît pas stupide en ce moment.

Et bien sûr, on reparle de tout ça dans 18 mois au plus tard.

Source IDL ici

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