J’écris ces lignes le dimanche.

En allant chercher le pain samedi avec mon jeune garçon, nous avons aperçu les « gilets jaunes » faisant des traversées de passages piétons devant le grand centre commercial Leclerc du coin. Point de blocage brutal, les gilets jaunes laissant passer leurs congénères de l’espèce humaine pour aller accéder au ravitaillement, mais un ralentissement du flux entrant dans la structure commerciale. Lutte symbolique et pacifiste.

Plus loin, les gendarmes assuraient la protection des locaux et de la surface de vente. Vous rentrez ainsi dans votre supermarché accueilli par la maréchaussée. Interdiction de prendre des photos à l’intérieur. Ce n’est pas grave. Nous décrirons.

Le contraste est terrible entre les gilets jaunes qui manifestent dehors sur un rond-point en traversant un passage clouté et les centaines de clients à l’intérieur du magasin qui consomment, paniers pleins, chariots qui débordent. Faut-il les condamner? Evidemment que non.

Ce paradoxe est également un des marqueurs aussi bien de ce mouvement que de ses complexités. Tour à tour, vous êtes gilet jaune, vous êtes consommateur, acheteur.

Il n’y a finalement que des bonnes raisons pour faire ou ne pas faire. Les commentaires ou courriels que je reçois sont à ce titre très éclairants. Prenons justement l’exemple de la consommation et du Black Friday.

Je suis le premier à dire qu’il n’y aura pas de développement durable sans diminution de notre consommation et sans que nous changions notre modèle de consommation de masse. Il ne s’agit pas forcément de décroissance ou de moins de confort, mais de plus réparer, de moins changer de mieux réutiliser. Bref. Certains vous diront ok, luttons contre la consommation et la TVA. Alors faisons le Black Friday, car pourquoi payer plus cher en versant plus de TVA un truc que je peux avoir en promo ? Le raisonnement se tient.

Le mouvement des gilets jaunes est et restera par nature un mouvement hétérogène et paradoxal, au même titre que la population française est paradoxale dans ses choix et très ambivalente dans ses convictions. Vous avez d’un côté des gens qui sont à droite quand il faut payer les impôts, et à gauche quand ils ont un problème.

Toute cette complexité ressort en plein jour et s’exprime en dehors des clivages politiques habituels. Sur les ronds-points, vous avez des gens de la France plutôt Front nationale, vous avez également les gens de gauche très représentés, et vous avez toute la droite « filloniste », ou anciennement UMP, totalement oubliée dans les analyses, très nombreuse, plutôt modérée et qui a la furieuse impression de n’avoir pas été représentée comme il le devait.

Pour ceux qui connaissent un peu la révolution française, le pays a là aussi été tiraillé entre des courants très nombreux qui ont cherché à prendre le pouvoir et se sont entre-tués pour y arriver. Cela a donné une époque révolutionnaire connue sous le nom de terreur. Pas franchement engageant, et échapper à ce genre d’avenir funeste doit être la préoccupation de tous.

Pour le moment, on voit bien à quel point les gens sont unis et d’ailleurs expriment tous un besoin de lien, d’humanité, de communion et d’être ensemble. Ce mouvement est très complexe et pluriel, et il risque de nous occuper encore longtemps au moment où le président semblerait s’orienter vers la confirmation de la hausse des taxes dès le 1er janvier et la mise en place d’une nouvelle haute autorité à la transition machin-chouette qui va vraisemblablement « coûter un pognon de dingue sans servir à grand-chose ».

Les violences envers les gilets jaunes ont été moins nombreuses et le nombre de blessés, également en baisse. Il y a eu pourtant encore beaucoup trop d’automobilistes violents qui ont forcé des barrages et provoqué des blessures inutiles. Gilbert Collard a notamment diffusé une vidéo que je ne relaierai pas ici, mais que vous pouvez aller voir sur le compte Twitter de l’intéressé. Vous y verrez une scène édifiante où un véhicule va chercher à au moins 5 reprises à écraser du « gilet jaune ». Cela montre à quel point encore une fois, il faut être prudent. Le match piéton/voiture est toujours perdu par le piéton.

Les protestations non violentes et la préservation de la vie sont les seules solutions acceptables.

Charles SANNAT

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