La brusque chute du pétrole est liée au coronavirus au départ… c’est le premier effet de ce nouveau virus. La Chine à l’arrêt, la demande de pétrole chute. Les cours du pétrole suivent.

Puis, le temps passe. L’OPEP et les pays producteurs tentent de s’accorder pour baisser la production afin que les cours se maintiennent.

Finalement, c’est l’échec et la guerre russo-saoudienne. C’est la seconde étape, et les cours du pétrole s’effondrent une deuxième fois.

Vous trouvez-ci dessous une analyse. Ce n’est pas la vérité, c’est une des façons de voir cette situation.

Charles SANNAT

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Responsabilité dans le krach pétrolier: «Tout dépend de l’angle sous lequel on se place»

Au lendemain d’une brusque chute des prix du pétrole, pour lequel Moscou et Riyad ont été désignés comme responsables, le géopoliticien Philippe Sébille-Lopez revient dans un entretien accordé à Sputnik sur les causes y ayant conduit et évalue les motivations et intérêts des acteurs majeurs du marché du brut.

Donald Trump a réagi lundi 9 mars sur son compte Twitter à la baisse record des prix du pétrole: «C’est bon pour les consommateurs, les prix de l’essence sont en baisse». Cette déclaration suit celle où il fait porter la responsabilité de la crise pétrolière à la Russie et à l’Arabie saoudite, à leur désaccord. Dans son analyse pour Sputnik, le géopoliticien Philippe Sébille-Lopez, spécialiste des hydrocarbures et directeur de Geopolia (cabinet d’études, conseil et formation en géopolitique et intelligence économique), précise que «par rapport au choc pétrolier auquel on assiste, chaque pays va avoir sa vision des causes de la crise».

«Quand M.Trump accuse l’Arabie saoudite et la Russie du choc actuel, on peut dire que c’est une des causes», précise Philippe Sébille-Lopez. «Si on remonte plus loin dans le temps, l’autre cause, c’est la forte hausse de la production des pétroles de schiste américains. Tout dépend de l’angle sous lequel on se place».
Pour l’expert, l’Arabie saoudite répond au refus de la Russie, de son côté la Russie a refusé parce que, depuis un certain nombre d’années, «à chaque fois que la production de pétrole de schiste américain augmente, c’est l’Opep plus la Russie et une dizaine de pays qui réduisent leurs quotas de production».

En se plaçant du point de vue de Moscou, Philippe Sébille-Lopez considère que son refus peut se justifier par le fait que la Russie voit la situation des pétroles de schiste américains comme «bien moins bonne qu’elle n’était lors de la dernière grosse baisse des cours du brut entre fin 2014 et 2016». La situation «moins bonne» s’explique par le fait que les compagnies pétrolières américaines officiant dans le domaine du pétrole de schiste «ne versaient à l’époque aucun dividende aux actionnaires et aux capitaux investis». Mais depuis les années 2018-2019, ces compagnies pétrolières sont obligées de verser ces dividendes aux investisseurs suite aux pressions des investisseurs.

«Le rapport de force aujourd’hui avec le pétrole de schiste américain n’est plus du tout le même qu’après le précédent choc pétrolier [de] 2014-2016», détaille Philippe Sébille-Lopez.

Mais qu’attend les grosses compagnies américaines, telles Exxon ou Cheron qui ne sont arrivées que récemment dans le secteur du pétrole de schiste? Comme l’explique Philippe Sébille-Lopez, elles bénéficient d’un avantage: elles ont des projets ailleurs et ne dépendent donc pas exclusivement d’une source de revenus.

«Comme [ces acteurs, ndlr] avaient beaucoup investi dans ces pétroles de schiste, ils vont avoir une année très difficile. Ils pourront en partie compenser par ce qu’il se passe ailleurs. La baisse est globale, cela va être très, très délicat pour ces compagnies».

Les seuls qui vont gagner à court terme, ce sont évidemment les consommateurs de carburant particuliers.

Les projets coûteux de Mohammed ben Salmane

Le directeur de Geopolia rappelle que pour le budget saoudien, «il faut un baril à plus de 80 dollars» et que tous les programmes de réformes économiques, ainsi que certains projets un peu pharaoniques du prince Salmane «ont besoin de beaucoup d’argent et d’investissements». Par conséquent, un baril à un prix au-dessous des 80 dollars requis par le budget saoudien pour engager ses réformes «va affaiblir l’économie saoudienne et les moyens d’action du prince Mohammed ben Salmane (MBS)».

Un point important: en février, MBS et la compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures Aramco ont décidé de se lancer dans la production de gaz de schiste sur un très gros gisement, parallèle à celui de Gawhar, historiquement le plus gros gisement pétrolier au monde.

«Ce gisement sera le second plus gros gisement de gaz de schiste dans le monde et les Saoudiens ont l’intention de le mettre en production, rappelle Philippe Sébille-Lopez. Cela va coûter plus de 100 milliards de dollars».
Un autre point important à prendre en compte, pour le géopoliticien: «le Koweit et l’Arabie saoudite ont réglé un contentieux datant de 2015 et désormais ce qu’on appelle “la zone neutre” -entre le Koweit et l’Arabie saoudite- pourrait être remise en activité et produire un demi-million de barils par jour».

L’incertitude demeure face à l’intention saoudienne de produire 12 millions de barils, puisque «cela ne se fait pas comme cela, il faut quelques mois,» précise l’expert.
«Est-ce que les Saoudiens ont réellement l’intention de le faire? On ne le sait pas du tout,» remarque Philippe Sébille-Lopez.
En proposant un raisonnement et calcul arithmétique simple: si on compare les prix d’un baril à 60 et à 50 dollars, en tenant compte d’un million de barils par jour d’exportation supplémentaire côté saoudien, «on perd de l’argent».

«Donc, l’intérêt de l’Arabie saoudite, ce n’est peut-être pas non plus de faire descendre les prix, conclut l’expert. Parce qu’ils vont perdre de l’argent tout en produisant plus».
L’expert n’exclut pas non plus que la propagation du coronavirus ait également un impact sur la baisse des prix du pétrole, en une phase qui «prend en gros à peu près 3 à 4 mois», après le passage «en Europe, dans les Amériques et se termine en Asie».

La situation actuelle dépendra, en gros, de la durée d’activité coronavirus et du rapprochement «inévitable à terme», entre Riyad et Moscou, estime l’expert.

«À un moment, les deux vont se dire: on a obtenu ce qu’on voulait ou partiellement ce qu’on voulait», assure-t-il, ajoutant que l’Arabie saoudite va se rendre compte que finalement elle n’est pas vraiment gagnante dans cette histoire.

Ce qui reste à savoir, souligne-t-il, c’est quand l’entente sur un quota suivra.

Source Agence russe Sputnik.com ici

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