Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Au-delà des techniques de propagande où les chaînes de télé ont retransmis en direct et toute la journée les violences « terribles », « monumentales », « considérables » qui se sont déroulées sur les Champs-Élysées, et qui dans tous les cas, pour moi qui prône la non-violence à la Gandhi, sont inacceptables, il n’en reste pas moins que les « gens », le « peuple », les « Gaulois réfractaires », les « illettrés » et autres sans-dents arrivent encore à s’échanger quelques messages sur les réseaux sociaux qui finiront bien pas être éteints un jour. Que se dit-il ?
En substance, que des centaines de milliers de Français ont manifesté à travers la France et plutôt dans le calme… et que cela n’a pas été montré ou très peu montré.
Il se dit aussi que s’il y avait beaucoup de fumée sur les Champs-Élysées, chaque année, en une journée, à la Saint-Sylvestre, ce sont des centaines de voitures qui brûlent.
Castaner a déjà perdu
La stratégie gouvernementale est assez visible et assez lisible. Il s’agit d’une stratégie de communication/répression, pas d’une stratégie politique avec un grand P.
En quoi consiste-t-elle ? En gros, il faut décrédibiliser le mouvement en montrant sa radicalité parisienne montée en mayonnaise. Ensuite, il faut cacher la forte mobilisation et le fort soutien populaire en profitant de l’absence de chiffres « officiellement » « officieux » portés par des « organisateurs » officiels. Du coup, ce sont uniquement les chiffres du ministère de l’Intérieur qui sont communiqués et rabâchés.
Enfin, il s’agit d’augmenter progressivement la répression sur le terrain, et ce week-end, j’ai été assez estomaqué et saisi par la violence et le comportement d’un gendarme dont j’ai cru qu’il allait nous casser la figure à mon dangereux fils réfractaire de 6 ans et à son père sur les lieux d’un blocage en tout point pacifiste devant un centre Leclerc où des gilets jaunes traversaient encore et encore la route sur le passage piéton pour tenter avec désespoir de trouver un travail en traversant la rue de manière totalement insolente, exquise et pacifiste comme le conseillait « notre » président.
Castaner a déjà perdu, parce que vu le mal-être de la population, la réponse ne peut pas s’articuler qu’autour d’une stratégie communication/répression et maintien de cap (aspect ne dépendant pas de lui).
La répression est passée de molle au premier week-end à modérée ce week-end, et elle sera sans doute forte la semaine prochaine.
Castaner lui-même l’a dit. « Ils » ciblent les centres commerciaux. Ils ciblent la TVA, ils ciblent la consommation.
Inadmissible.
Impensable.
Dire non renvoie l’autre à ce qu’il est véritablement, à sa vraie nature.
Les Français se rendront compte que l’État protège uniquement le totalitarisme marchand, et c’est là une défaite à venir redoutable pour le gouvernement. Sa vraie nature apparaîtra au sens véritable et sa vocation, présentée comme populaire (Macron a dit devant les maires que les vrais populistes c’étaient eux, c’était lui), risquerait de ne pas apparaître aussi séduisante. Un gouvernement réduit à le servilité d’intérêts privés qui ne sont pas ceux du peuple est la négation même de la raison d’être d’un gouvernement, et de l’action publique ou politique.
Pour la police, la gendarmerie et la justice, l’écueil sera rapidement le même. Ils apparaîtront rapidement non plus comme la police de la population, mais la milice privée des intérêts marchands.
Il sera difficile de poursuivre très longtemps l’hypocrisie française.
Macron a déjà perdu
Dans tous les cas, Macron, et c’est triste, a déjà perdu. Personne ne doit souhaiter l’échec de nos dirigeants, pourtant leur politique est vouée à échouer parce qu’elle n’est pas menée pour le bien des gens, mais contre eux.
Vous savez, j’ai parlé, beaucoup, sur tous les ronds-points autour de chez moi et de ma campagne normande. Ils ne sont pas forcément révélateurs de toute la France, mais tout de même. Ce que j’entends, ce que je vois, ce n’est jamais, jamais une demande d’augmentation.
Le peuple ne demande pas à gagner plus, il demander à être taxé moins. Il veut vivre mieux. Cette population, que j’ai beaucoup écoutée, dit qu’elle ne s’en sort plus ou qu’elle a peur de ne plus s’en sortir.
Ils ne veulent pas d’augmentation, ce qui est le cas des revendications catégorielles et syndicales. Ils veulent une diminution de la pression fiscale et des prix. C’est suffisamment symbolique et rare pour être souligné. C’est d’ailleurs encore un indice de la différence entre un mouvement social et un mouvement révolutionnaire.
Macron a déjà perdu la bataille des cœurs. Ce président est honni. Détesté. Pourquoi ? Pourquoi, lui qui est aussi brillant et intelligent, sombre-t-il politiquement ainsi ?
La première raison c’est qu’il a oublié trop rapidement qu’il n’a pas été choisi ni élu par le peuple dans un mouvement d’adhésion, mais parce que la population française, dans sa grande majorité, est de nature conservatrice. Les Français veulent garder les équilibres et n’ont pas forcément l’aspiration au chaos… jusqu’au moment où ils font une révolution.
Les Français n’ont pas voulu tenter l’aventure hasardeuse du Front national. Dans leur immense majorité, ils ont préféré ce qu’ils ont espéré comme étant une forme de stabilité avec Macron, que de renverser la table avec Le Pen. Macron n’a pas été un choix d’adhésion, il faut donc, dans un tel cas, faire preuve d’une grande modestie.
La seconde raison est comportementale. La France est conservatrice. Voir « notre » président se faire mettre un doigt par des jeunes braqueurs, cela a choqué la France comme a pu l’écrire Onfray dans une tribune au vitriol. Homme en bas résille se trémoussant sur le perron du Palais, ou encore ce qui a été pris comme des insultes répétées et qui se retrouvent systématiquement sur les banderoles ou les gilets jaunes au feutre noir.
« Les Gaulois réfractaires », « on vient te chercher », « illettrés », « bouffeurs de gasoil » ou encore “ça coûte un pognon de dingue et ça ne sert à rien” tout y passe sur ces phrases présidentielles ou de l’entourage qui ne passent pas. Pourtant, tout n’était pas faux, tout n’était pas à jeter.
La troisième raison, c’est que la politique menée par le président est une politique de grècification de la France où le peuple est la seule contrepartie possible pour maintenir la solvabilité de la France et l’illusion que nous pourrons payer la dette. Le gouvernement n’a pas d’autre choix que de mener cette politique s’il souhaite évoluer dans le même cadre. Nous n’avons plus notre souveraineté. Nous ne faisons plus nos lois, nous ne battons plus monnaie. Nous n’avons aucune marge de manœuvre. Nous sommes condamnés à mourir à petit feu pour la Commission européenne de Bruxelles et pour la BCE, ou nous serons contraints de sortir de l’Europe.
C’est ce nœud gordien que Macron, l’Européen, l’européiste, ne pourra jamais trancher et qui fait qu’il ne pourra qu’imposer au peuple, à son peuple, toujours plus de souffrances, de taxes, et d’impôts.
La quatrième raison, c’est un mouvement régional et « rural ». Les nouvelles vont plus vite en province, les rumeurs aussi, les éruptions y sont plus dangereuses et moins prévisibles. Tous les changements qui arrivent d’ici le premier janvier mettront de l’huile sur le feu, même si le mouvement venait à s’essouffler d’ici les fêtes. Jamais Macron n’a attendu avec autant d’impatience les fêtes de Noël. En janvier, les taxes augmenteront à nouveau, cela aura un impact très fort également sur les agriculteurs ou sur les routiers. Bref, alors que la France a été bloquée par la grève de la SNCF, elle l’est à nouveau par le mouvement des gilets jaunes, la croissance sera durablement affectée, les déficits plus importants.
La cinquième raison est sans doute la plus grave. Les taux d’intérêt vont monter, les marchés financiers en sont aux prémices du krach et n’arrivent pas, pour le moment, à repartir de l’avant. Macron risque de devoir faire face, dès début 2019, en plus à une crise financière et économique.
Je ne vous ai même pas ici parlé des aspects sociaux ou de la menace terroriste.
Notre pays est assis sur un baril explosif. Je sais bien que beaucoup voudraient que cela « pète » ! Je me permets de les renvoyer gentiment à l’idée de marche.
De la marche du sel de Gandhi qui a permis l’indépendance de l’Inde et l’émancipation de la colonisation anglaise, aux marches du lundi à Leipzig, qui ont duré d’octobre 1989 au mois de mars 1990, et qui provoqueront l’effondrement du mur de Berlin, les mouvements non violents ont marqué l’histoire.
N’oublions pas, dans un autre registre, Lech Walesa, ou Nelson Mandela.
À la fin du chemin, les dirigeants doivent choisir entre tirer ou se tirer.
Tout l’enjeu des prochaines semaines est le suivant. Soit le gouvernement réussit à casser ce mouvement et à faire rentrer les gilets jaunes à la maison, soit ce mouvement a le potentiel, s’il reste non violent, de faire tomber la République, en tout cas la « Ve »,dont les institutions ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes avec une séparation des pouvoirs qui miettes à miettes, s’est réduite à néant. Les pouvoirs sont trop concentrés.
L’histoire est souvent ironique. En Marche va mourir sous les marches. C’est ce que l’on appelle rater la marche.
Ce qui est sûr, c’est qu’il reste un peu moins de 4 années de mandat qui risquent de sembler terriblement longues. Comment pourra-t-il gouverner après cela ?
Dans tous les cas, ne cédez jamais aux provocations, à la violence et préservez la vie.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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