Ce qu’il se passe au Venezuela n’est rien de moins qu’une autre bataille dans la terrible guerre pour l’énergie et le pétrole que se livrent les grandes puissances, emmenées notamment par les États-Unis qui considèrent l’Amérique du Sud comme leur zone d’influence naturelle.
L’enjeu, c’est les dernières gouttes de pétrole alors que d’ici une petite dizaine d’années, l’Arabie, principale productrice, sera à sec.
L’objectif, pour les pays occidentaux, est de s’approprier les réserves vénézuéliennes en faisant revenir ce pays dans le giron américain plutôt que de le laisser dans l’axe sino-russe.
D’ailleurs, lorsque l’on regarde les réactions ci-dessous côté russe, on ne semble pas franchement ravi de voir la situation actuelle au Venezuela.
Charles SANNAT
Juan Guaido Venezuela : un changement de gouvernement peut-il être avantageux pour Moscou et Pékin ?
Juan Guaido, qui s’est autoproclamé « Président par intérim » du Venezuela, a déclaré le 31 janvier que « le changement de gouvernement » dans son pays était dans l’intérêt de la Russie et de la Chine. Sollicitée par Sputnik, une experte de la Chambre de commerce et d’industrie russe indique que « personne » ne peut en bénéficier à court terme.
Dans une interview accordée à Reuters le 31 janvier, Juan Guaido, « Président par intérim » autoproclamé, a déclaré que la Russie et la Chine pouvaient profiter du « changement de gouvernement » au Venezuela.
« Ce qui convient le plus à la Russie et à la Chine c’est la stabilité du pays [du Venezuela, NDLR] et le changement de gouvernement. [Nicolas] Maduro ne protège pas le Venezuela, il ne protège pas les investissements de qui que ce soit et il n’est pas un bon partenaire pour d’autres pays », a-t-il lancé.
Ioulia Potemkina, membre de la Chambre de commerce et d’industrie de la Fédération de Russie, interrogée par Sputnik, estime qu’à court terme, personne ne peut bénéficier de la situation au Venezuela.
« On peut dire avec une certitude de 100 % que, compte tenu de l’expérience historique de n’importe quel État ou territoire, les événements révolutionnaires […] à court et à moyen terme font subir des pertes économiques », précise-t-elle, mettant en garde contre une vision en noir et blanc des événements au Venezuela.
Elle indique que c’est, en premier lieu, les intérêts du Venezuela, mais aussi ceux de tous ses partenaires, qui seront lésés.
« Lorsqu’il y a un clivage et une transformation révolutionnaires, à court terme il y a des dégâts pour toutes les parties, dont les États-Unis, puisqu’ils devront y investir plus pendant une certaine période », ajoute-t-elle.
Selon l’experte, il est plus difficile d’évaluer quelles pourraient être les conséquences à long terme, puisqu’elles dépendront de nombreux éléments.
Déclaration « politique » et « populiste »
D’ailleurs, Ioulia Potemkina indique qu’il ne faut pas « prendre au sérieux » les propos de M. Guaido, qu’elle qualifie de « politiques ».
« La personne qui veut accéder au pouvoir peut dire beaucoup de choses afin d’obtenir le résultat désiré […]. Personnellement, j’estime que cette déclaration […] n’est pas bien fondée du point de vue économique », évalue-t-elle.
Le changement de régime au Venezuela, poussé par l’Occident, est-il imminent ?
En ce qui concerne la protection des investissements au Venezuela, Mme Potemkina indique que des dispositions en ce sens existent déjà.
« C’est une sorte de phase populiste qui témoigne du fait que M. Guaido, qui s’est déjà assuré du soutien formel, veut obtenir le même [soutien, NDLR] de la part de la Russie et de la Chine, étant bien conscient que la Russie et la Chine sont des acteurs importants sur la scène internationale », ajoute-t-elle.
Plusieurs domaines concernés
En soulignant que les importations vénézuéliennes en Russie ont augmenté ces dernières années, Mme Potemkina émet l’hypothèse qu’elles pourraient désormais diminuer « de plusieurs fois » et que le rétablissement des relations commerciales pourrait prendre « du temps ».
« Je ne pense pas que les importations des marchandises vénézuéliennes augmentent si le régime change [au Venezuela, NDLR] », précise-t-elle.
Elle indique que ce n’est pas seulement l’économie, mais aussi les échanges humanitaires et culturels entre la Russie et le Venezuela qui peuvent être concernés par la crise politique dans ce pays sud-américain. Elle a rappelé le rôle du Fonds de développement national chargé des échanges universitaires russo-vénézuéliens.
« J’ai parlé à mes collègues il y a deux jours et ils m’ont dit que cette année aucun étudiant vénézuélien ne viendra chez nous. Il s’agit d’un autre indicateur des pertes », conclut-elle.
Pendant les présidences d’Hugo Chavez et de Nicolas Maduro, la Russie a renforcé sa coopération avec le Venezuela, notamment, dans les domaines militaire et énergétique. La compagnie pétrolière russe Rosneft a des intérêts dans cinq entreprises conjointes avec la société nationale vénézuélienne PDVSA. D’après le groupe de médias russe RBK, le géant russe a prêté environ six milliards de dollars à son partenaire vénézuéliens. En décembre dernier, Rosneft a déclaré que la dette de PDVSA avait diminué jusqu’à 3,1 milliards de dollars.
Le 27 janvier, Washington a annoncé des sanctions contre PDVSA qui prévoient le gel des actifs de la compagnie pétrolière et l’interdiction de toute opération avec l’entreprise.
L’opposant Juan Guaido, renvoyé le 22 janvier du poste de président de l’Assemblée nationale vénézuélienne sur décision de la Cour suprême, s’est autoproclamé le lendemain « Président en exercice » du pays et a prêté serment pendant une manifestation à Caracas. Donald Trump l’a reconnu comme « Président par intérim ».
Nicolas Maduro a estimé que les États-Unis avaient essayé d’organiser un coup d’État au Venezuela et a rompu les relations diplomatiques avec ce pays le 23 janvier. Il a qualifié M. Guaido de Président non constitutionnel.
Depuis le 4 février, 19 pays membres de l’UE ont reconnu Juan Guaido comme « Président par intérim » du Venezuela.
Source Agence russe Sputnik.com ici