Je vous reproduis ici la note de l’agence Standard and Poor’s qui se nomme désormais S&P Global. Nous perdons notre deuxième A et nous n’en n’avons maintenant plus qu’un, bien loin de nos trois A d’origine. L’analyse est sans appel. Nous sommes dans une crise politique qui trouve sa source avant tout dans une crise des finances publiques avec des politiques qui ne disposent que d’un seul bouton « + » de dépenses et sont totalement incapables de reprendre le contrôle de déficits et de la dette. Source S&P ici

La note de la France a été abaissée de « AA- » à « A+ » en raison des risques accrus pesant sur la consolidation budgétaire ; perspectives stables.

Malgré la soumission cette semaine au Parlement du projet de budget 2026, l’incertitude sur les finances publiques françaises reste élevée. Bien que, selon nous, l’objectif de déficit budgétaire général des administrations publiques d’ici 2025, fixé à 5,4 % du PIB, soit atteint, nous pensons qu’en l’absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, la consolidation budgétaire sur notre horizon de prévision sera plus lente que prévu. Nous prévoyons que la dette publique brute atteindra 121 % du PIB en 2028, contre 112 % du PIB à la fin de l’année dernière. En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de « AA-/A-1+ » à « A+/A-1 ». La perspective est stable. Action de notation. Le 17 octobre 2025, S&P Global Ratings a abaissé ses notes de crédit souveraines à long et court terme, non sollicitées, en devises et en monnaie locale, de la France à « A+/A-1 », contre « AA-/A-1+ ». La perspective est stable.

En tant que « notation souveraine » (au sens du Règlement 1060/2009 de l’UE sur les agences de notation), les notations de la France sont soumises à certaines restrictions de publication énoncées à l’article 8a du Règlement, notamment la publication selon un calendrier préétabli (voir « Calendrier des dates de publication des notations souveraines, régionales et locales EMEA 2025 : Mise à jour de mi-année », 2 juillet 2025). En vertu du Règlement, les écarts par rapport au calendrier annoncé ne sont autorisés que dans des circonstances limitées et doivent être justifiés en détail. En l’occurrence, la raison de cet écart est la récente série de motions de censure au Parlement français, qui entravent l’assainissement des finances publiques françaises.

Perspectives

Les perspectives stables pour la France mettent en balance la dette publique croissante et le faible consensus politique sur le rythme de la consolidation budgétaire avec les atouts du pays en matière de crédit, notamment son économie riche et équilibrée, son épargne privée élevée, son secteur financier important et liquide et son appartenance à la zone euro.

Scénario pessimiste

Nous pourrions abaisser notre note sur la France si sa situation budgétaire se détériore au-delà de nos prévisions ou si les perspectives de croissance économique se dégradent significativement.

Scénario positif

Nous pourrions relever les notes si le déficit budgétaire de la France se réduit beaucoup plus rapidement que prévu et si la croissance économique s’accélère, favorisant ainsi une baisse du ratio dette publique nette/PIB.

Raisonnement

Le 14 octobre, le Premier ministre nouvellement reconduit, Sébastien Lecornu, a soumis un projet de budget pour 2026 à l’Assemblée nationale. Le Parlement a jusqu’au 23 décembre pour débattre et amender la législation. L’adoption d’un budget d’ici la fin de l’année permettrait de mieux comprendre comment la France gérera sa dette croissante, qui devrait atteindre 121 % du PIB fin 2028, contre 112 % fin 2024. Néanmoins, nous estimons que l’incertitude sur les finances publiques demeure élevée à l’approche de l’élection présidentielle de 2027. La décision du nouveau gouvernement de suspendre la réforme historique des retraites, initialement introduite en 2023, en est un exemple.

Nous prévoyons que l’incertitude politique affectera l’économie française en freinant l’activité d’investissement et la consommation privée, et donc la croissance économique. S&P Global Ratings prévoit une croissance économique réelle de 0,7 % cette année, avec une reprise modérée en 2026, les consommateurs et les entreprises épargnant davantage et dépensant moins en prévision d’éventuelles hausses d’impôts. D’autres risques pèsent sur nos prévisions de croissance, notamment compte tenu de la possible répercussion de la hausse des coûts d’emprunt publics sur le coût de financement du reste de l’économie française.

Nous pensons que, grâce à la discipline budgétaire au niveau de l’État (gouvernement central) et à une meilleure collecte des recettes depuis le début de l’année, le gouvernement est en bonne voie pour atteindre son objectif de déficit budgétaire général de 5,4 % du PIB pour 2025. Cependant, compte tenu de la probabilité de modifications du projet de budget 2026, nous prévoyons que les déficits resteront élevés au cours des trois prochaines années. Cela est notamment dû au déficit budgétaire primaire relativement élevé (déficit budgétaire global, hors paiements d’intérêts), qui, en l’absence d’efforts supplémentaires d’assainissement budgétaire, ne s’améliorera que lentement sur notre horizon de prévision. La longue maturité de la dette publique française (environ 8,5 ans), la faible inflation et le coût encore maîtrisable de la nouvelle dette n’impliquent que des augmentations très lentes des dépenses d’intérêts sur l’horizon de notation.

Nos notes de crédit souveraines sur la France restent soutenues par l’économie riche et équilibrée du pays, son épargne privée élevée, son secteur financier important et liquide et son appartenance à la zone euro.

Profil institutionnel et économique : L’instabilité politique freine les progrès en matière d’assainissement des finances publiques françaises

La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Ve République en 1958. Depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron est confronté à deux parlements sans majorité absolue et à une fragmentation politique croissante, entraînant le renouvellement de six Premiers ministres en trois ans. Cette situation est inédite, car le scrutin majoritaire à deux tours pour les élections législatives est conçu pour favoriser des majorités larges et stables en éliminant les petits partis au premier tour et en encourageant le vote stratégique au second. De plus, même si des élections législatives anticipées devaient être convoquées et aboutir à une majorité claire à l’Assemblée nationale, rien ne garantit que cela faciliterait la mise en œuvre d’un plan crédible d’assainissement budgétaire à moyen terme ou de réformes économiques. L’approche serrée de l’élection présidentielle de 2027 jette le doute sur la mise en œuvre cohérente d’une telle stratégie, et sur la capacité de la France à atteindre son objectif de déficit budgétaire de 3 % du PIB d’ici 2029.

L’absence de visibilité sur le plan d’assainissement budgétaire pèse sur la croissance économique française. Selon l’Insee, l’indice de confiance des consommateurs a baissé depuis le début de l’année, ce qui pourrait indiquer une baisse de la consommation en 2025 et 2026. Le taux d’épargne des ménages français, à 18,6 % du revenu disponible brut (RNB) fin 2025, est parmi les plus élevés de l’OCDE et supérieur de 3 points de pourcentage (ppt) à son niveau d’avant la pandémie. Cette prudence en matière d’épargne pourrait, selon nous, expliquer la faiblesse de la croissance économique française cette année, ainsi que le retard des investissements des entreprises. Nous prévoyons une croissance économique réelle de 0,7 % en 2025, suivie d’une légère reprise en 2026, à environ 1,0 %.

Cela dit, l’économie française reste diversifiée. Avec un PIB de 3 200 milliards de dollars, la France est la septième économie mondiale. Les services – dont l’informatique, la santé, l’éducation, les transports, le design, les arts, l’immobilier et le tourisme – représentent plus de 80 % de la valeur ajoutée brute et dominent l’économie française plus que celle d’autres grands pays européens. Un secteur manufacturier relativement plus restreint pourrait protéger la France de certains effets délétères de la montée du protectionnisme mondial sur la croissance.

Bien que la population française vieillisse, elle le fait plus lentement que la plupart des économies européennes. Le taux de croissance démographique global est positif (0,3 % en moyenne prévu pour les cinq prochaines années). Depuis 2017, le solde migratoire s’établit en moyenne à un peu moins de 160 000 par an, ce qui explique 0,2 point de pourcentage de la croissance démographique française de 0,3 % – le solde résiduel de 0,1 point de pourcentage représentant le taux de croissance naturelle hors immigration.

Flexibilité et profil de performance : la consolidation budgétaire à moyen terme est menacée

À notre avis, les plans d’assainissement budgétaire du gouvernement sont modestes, les dépenses publiques devant augmenter d’environ 1 % en termes réels en 2025. Néanmoins, jusqu’à présent cette année, les autorités ont maintenu une ligne stricte sur la croissance des dépenses au niveau des États, et la vigueur des recettes s’est améliorée. Nous prévoyons donc que l’objectif de déficit budgétaire général des administrations publiques de 5,4 % du PIB en 2025 (avec un déficit budgétaire primaire de 3 % du PIB) sera atteint.

Pour 2026, nous prévoyons une légère amélioration du déficit budgétaire des administrations publiques, qui devrait s’établir à 5,3 % du PIB. Le projet de budget 2026 inclut des propositions – la désindexation des retraites et autres transferts sociaux l’an prochain, ainsi que la réduction des allégements fiscaux sur les retraites – qui, si elles restent inchangées dans la version finale, pourraient porter le déficit budgétaire primaire à 2,4 % du PIB l’an prochain, soit une réduction de 0,6 point de pourcentage. Nous pensons que d’importantes mesures supplémentaires d’assainissement budgétaire seront nécessaires sur notre horizon de prévision pour inverser la trajectoire ascendante de la dette publique actuellement prévue.

En 2024, la France a enregistré un léger excédent courant (pour la deuxième fois en deux décennies). Les exportations de services, d’un montant de 370 milliards d’euros, ont atteint un niveau record, et l’excédent des services s’est élevé à 2 % du PIB. Bien que la position extérieure globale nette du pays signifie qu’il est techniquement débiteur extérieur net d’environ 25 % du PIB, il a constamment dégagé des bénéfices nets grâce à cette position depuis 1997. Cela suggère que la valeur économique et la valeur de marché des investissements directs étrangers de la France à l’étranger sont nettement supérieures à leur valeur comptable (qui est basée sur le coût d’acquisition historique de ces actifs). Nous estimons que les non-résidents détiennent environ 55 % de la dette publique française.

L’adhésion à l’Union monétaire européenne (UEM) confère à la France une monnaie de réserve, mais elle impose également des contraintes aux décideurs politiques nationaux. Plus précisément, l’adhésion à l’UEM exclut tout ajustement compétitif des taux de change avec les principaux partenaires commerciaux de la France (les membres de la zone euro représentent 50 % de l’ensemble des échanges commerciaux français). Les contraintes de flexibilité monétaire restreignent également la marge de manœuvre budgétaire du pays, étant donné que les membres de l’union monétaire ne mutualisent pas les risques budgétaires. Ils gèrent plutôt des budgets nationaux, où les dépenses et les recettes sont déterminées par des gouvernements élus au niveau national, et le financement s’effectue par l’émission de dette nationale. Depuis la crise de la dette européenne, les divers mécanismes de soutien de la Banque centrale européenne ont limité la propagation de la volatilité des obligations souveraines, ce qui explique, selon nous, la volatilité relativement contenue des spreads français par rapport aux bunds allemands, malgré une impasse politique sans précédent.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.

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Charles SANNAT

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