Voici la traduction d’un article étranger qui revient sur les dernières déclarations de la gouverneuse de la FED. Les promesses n’engagent que ceux y croient.
Cette fois-ci ne sera pas différente des fois précédentes. Rien n’est réglé, mais vous n’en aurez la certitude que lorsque vous serez à nouveau ruinés.
Charles SANNAT
Je pense que la citation suivante de Janet Yellen, issue de la séance de questions-réponses qui a eu lieu à l’université du Michigan cette semaine, à propos des leçons que je pensais que nous avions tirées de la crise financière est intéressante :
« Tout d’abord, nous supervisons les banques, et d’autres sociétés financières, afin de nous assurer qu’elles opèrent de façon saine et sûre. Deuxièmement, nous surveillons les menaces potentielles d’instabilité financière. Nous ne voulons pas d’une autre crise financière, nous voulons parer les menaces susceptibles d’en générer une. Nous avions un système qui ne surveillait pas les banques et qui ne contrôlait pas le risque de façon appropriée. Elles avaient trop de capitaux et utilisaient des effets de levier trop importants. »
Suis-je bête.
Si parler ne mange pas de pain, la réalité est que la FED a favorisé une nouvelle augmentation de la dette en mettant en place, et en faisant perdurer, des politiques « accommodantes » pendant bien trop longtemps. Le graphique ci-dessous additionne les dettes des entreprises, des consommateurs et des banques. Je n’ai pas inclus la dette gouvernementale afin que l’on puisse se concentrer sur le taux d’endettement de l’économie. J’ai ajouté le PIB à titre de comparaison.
Il est intéressant de noter qu’entre 1959 et 1983, il fallait environ un dollar de dette pour créer un dollar d’activité économique. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné auparavant, la dérégulation du secteur financier, en combinaison avec la baisse des taux d’intérêt, a débouché sur une explosion de la dette. Comme indiqué ci-dessous, cette explosion de la dette, qui a permis d’atteindre des niveaux de vie excessifs, a débouché sur la détérioration à long terme des taux de croissance.
Si nous ajoutons la dette gouvernementale, les crédits étudiants ainsi que les aides sociales dans l’équation, le problème est bien pire encore.
Cependant, le point que je souhaite mettre en évidence est que le niveau de dette de notre système a de nouveau battu le record de la dernière crise financière. Comment les choses pourraient-elles mal tourner ?
Il y a une croyance qui affirme que les bilans des banques et des entreprises sont en bien meilleure posture aujourd’hui qu’en 2007. Si je ne contredis pas cette affirmation pour les banques, l’annulation de la règle 157 de la FASB leur a permis de valoriser leurs actifs comme bon leur semble, ce qui a énormément amélioré la santé apparente de leur bilan.
La question qu’il faudrait tout simplement poser à Madame Yellen est la suivante :
« APRÈS LES TRILLIONS INJECTÉS DANS LE SYSTÈME FINANCIER POUR LE RENFLOUER, ET L’AFFIRMATION QUE SA SANTÉ EST BONNE, POURQUOI LA RÈGLE 157 DE LA FASB EST TOUJOURS SUSPENDUE ? »
La réponse est simple : la santé du système financier n’est pas aussi bonne qu’on nous le dit. Mais je m’égare…
Alors que les niveaux de dette augmentent, le service de la dette siphonne le capital à destination des investissements productifs. De plus, l’utilisation de la dette pour une consommation immédiate, qui pèse pour 70 % de la croissance économique, représente de la consommation future qui ne sera pas.
Autrement dit, les individus utilisent la dette pour consommer aujourd’hui de la consommation future. Cependant, vu que l’accumulation de la dette est « finie », il arrive tôt ou tard un moment où l’excès de dette est résolu par un défaut, une annulation ou une faillite, comme on a pu le constater durant la dernière crise financière. C’est cette accumulation de dette qui a généré cette illusion dangereuse de la liquidité. Cependant, il y a peut-être des signes montrant qu’elle arrive à sa fin.
Le graphique ci-dessous montre les crédits bancaires ainsi que les réserves des banques à la FED. La baisse abrupte est quelque peu inquiétante. Les réserves à la FED des banques commerciales ont baissé de 20 % depuis le pic de 2,79 trillions de 2014 à 2,23 trillions actuellement. Comment on peut le voir aussi, cette baisse correspond aussi au déclin des taux des obligations sur 10 ans. La baisse récente des taux, de 2,6 % il y a un mois à 2,3 % ce jeudi, signifie probablement que la baisse des réserves se poursuivra à la prochaine mise à jour.
De plus, le changement sur un an des crédits bancaires montre qu’ils ont baissé d’une fourchette étroite de 7,6 à 8 % (entre janvier 2015 et septembre 2016) à 3,8 % aujourd’hui, soit au niveau qui a précédé les deux dernières récessions. (…)
Comme mon ami économiste canadien Gerry O’Brien l’a relevé :
« Les tendances qui se détériorent dans l’activité bancaire commerciale sont importantes, surtout dans le contexte des indications de la FED affirmant qu’elle considère la réduction de la taille de son bilan cette année. Sa marche visant à relever les taux, et désormais à baisser les liquidités, suggère une réduction rapide qui devrait atteindre les actions et les taux cette année. »
Ne sous-estimez pas l’importance de ce paragraphe.
Si on observe les évolutions à long terme du bilan de la FED, il semble seulement s’être stabilisé en comparaison avec les augmentations massives du passé. Bien sûr, au vu de la hausse récente du marché depuis l’élection, nombreux sont ceux qui ont estimé que le retrait des liquidités de la FED a été remplacé par des bénéfices en hausse et des perspectives de croissance plus roses.
Minute papillon.
Si nous y regardons de plus près, nous voyons que le processus de réinvestissement de la FED (note : chaque titre qui arrive à échéance est remplacé par l’achat d’un nouveau, par exemple si une obligation à un an expire, la FED en rachète une) continue de fournir du support aux actifs en fournissant des liquidités, même si elles sont moins importantes que par le passé.
Pour être bien clair, je ne suggère pas qu’il s’agit du seul catalyseur de la hausse depuis l’élection. Clairement, le retour de l’exubérance en raison des attentes sur les baisses d’impôts, le rapatriement et les infrastructures ont dopé l’optimisme. (…) Cependant, les attentes ont été déçues (…), si bien que la FED est en position précaire, en train de resserrer des politiques monétaires qui ne sont pas compensées par des politiques fiscales.
Bien sûr, il n’y a pas que la FED qui a commencé à couper le robinet des liquidités, c’est aussi le cas de la Bank of England et de la Banque centrale chinoise.
Alors que la Banque du Japon et la BCE ont récemment suggéré qu’elles pourraient également se mettre à fermer le robinet, tout ceci suggère que l’illusion de la liquidité pourrait bientôt s’évaporer.
Les effets secondaires dangereux de l’illusion de la liquidité
L’illusion de la liquidité a des effets secondaires dangereux. Le processus de désendettement des deux derniers cycles a débouché sur des tempêtes boursières alors que les appels de marge ont alimenté un cycle de liquidation des actifs financiers. Cette disparition de « l’effet de richesse » a pesé sur la consommation, ce qui a poussé l’économie en récession, entraînant à son tour des conséquences sur la dette des entreprises et des ménages, débouchant sur des défauts, des annulations et des faillites. (…) »
Article de Lance Roberts, publié le 13 avril 2017 sur realinvestmentadvice.com