© Sputnik. Rosneft / Service de presse
À l’époque, la corporation pétrolière américaine ExxonMobil — alors dirigée par Rex Tillerson, actuel secrétaire d’État américain — avait demandé d’être libérée de ces limitations en faveur de ses projets communs avec Rosneft : en vain. Sa deuxième demande — déjà sous la présidence de Donald Trump — a subi le même sort.
Maxine Waters, congressiste et démocrate de l’État de Californie, connue pour sa rhétorique antirusse, a présenté au Congrès un projet de loi “interdisant toute exception par rapport aux sanctions concernant les projets pétroliers avec la Russie”. D’après les experts, la démocrate craint que Rex Tillerson, ancien patron d’ExxonMobil et secrétaire d’État actuel, influe sur une décision éventuelle de l’administration concernant les sanctions. Quoi qu’il en soit, ce dernier a déjà assuré — sous serment — n’avoir jamais exercé de pression pour lever les sanctions antirusses, et plus d’une fois souligné qu’il ne voyait aucune raison de le faire après sa nomination.
Maxine Waters propose d’inscrire dans la loi américaine le texte suivant:
“Interdire aux citoyens américains d’obtenir des licences ou toute autre autorisation leur permettant de participer à des projets liés à l’extraction de pétrole par le forage en eaux profondes (y compris sur le plateau continental) ou depuis les couches de schiste, si le résultat de ces activités pourrait être l’extraction du pétrole sur le territoire de la Fédération de Russie ou dans des régions maritimes contrôlées par cette dernière.”
L’auteure de l’initiative est une partisane fervente des sanctions antirusses. Maxine Waters a même été victime d’un canular téléphonique pendant lequel des prankers russes lui ont suggéré d’adopter une position plus ferme envers Moscou. Ces derniers affirmaient notamment que les forces russes étaient déjà entrées dans la ville de Lvov en Ukraine, et que des hackers russes avaient réussi à s’ingérer dans les élections au Limpopo pour faire chuter le président Barmaleï et le remplacer par Aïbolite, “marionnette du Kremlin” (il s’agit en réalité de personnages de la littérature russe).”En cas de nécessité les États-Unis seront de votre côté les gars. Concernant de nouvelles interventions dans ces pays… Je ne connais pas le nombre exact d’agents de nos services là-bas, mais nous avons besoin de plus d’informations sur ce sujet. Il me faudra faire une déclaration concrète quand je leur aurais parlé”, a-t-elle indiqué.
Le secrétaire d’État dans le viseur
D’après l’analyste Andreï Manoïlo, l’objectif du projet de loi de Maxine Walters est de porter atteinte à la réputation du secrétaire d’État Rex Tillerson, qui a dirigé par le passé la société ExxonMobil : suite à l’introduction des sanctions antirusses, l’administration Obama avait permis à ExxonMobil de mener à leur terme les travaux inachevés avant de suspendre l’activité de l’entreprise dans le cadre de sa coentreprise avec Rosneft. Le ministère de la Justice avait notamment cessé d’octroyer des licences de forage à toutes les entreprises américaines, ExxonMobil y compris.
La société avait demandé en 2015 de lever l’interdiction de forage sur le plateau continental en mer Noire mais l’administration d’Obama avait rejeté cette requête.
À l’époque l’entreprise était dirigée par Rex Tillerson, l’actuel secrétaire d’État américain, qui critiquait les sanctions antirusses. Après sa nomination à la tête de la diplomatie des USA, il a pourtant souligné qu’il ne voyait aucune raison de les lever. La deuxième demande de l’entreprise a été présentée peu de temps après l’investiture du 45e président américain. Suite à la publication par la presse d’informations sur cette requête, de nombreux sénateurs — notamment les républicains John McCain et Marco Rubio ainsi que le démocrate Adam Schiff — se sont opposés à la levée des interdictions.
En 2015, l’entreprise soulignait déjà que les pertes causées par les sanctions pourraient atteindre 1 milliard de dollars. Selon Alexandre Novak, ministre russe de l’Énergie, ces mesures de Washington affectent surtout les sociétés américaines.
Le potentiel russe
Selon l’US Geological Survey, le plateau continental arctique renferme 13 % des réserves mondiales de pétrole. Aujourd’hui, les trois quarts de cette région sont contrôlés par la Russie et le Canada.
Les réserves du plateau arctique russe se chiffrent à 585 millions de tonnes d’après un rapport de Sergueï Donskoï, ministre russe des Ressources naturelles et de l’Écologie. “Au 1er janvier 2017, les réserves de pétrole des catégories ABC1+C2 connues et exploitables sur le plateau arctique russe se chiffrent à 585 millions de tonnes, alors que le volume de gaz libre des catégories ABC1+C2 atteint 10 489 milliards de mètres cubes”, souligne-t-il.
Qui est la cible du Congrès?
Selon les experts, le potentiel pétrolier de l’Arctique russe se chiffre à 100 milliards de tonnes.
“Le plateau continental arctique constitue la dernière réserve d’extraction de pétrole en Russie. Selon nos estimations, l’Arctique produira 60 millions de tonnes de pétrole d’ici 2030 mais le développement de ce secteur dans la région est très coûteux et n’est rentable qu’à condition que les prix dépassent 80 voire 100 dollars le baril”, souligne Valeri Nesterov, analyste de Sberbank CIB. 90% de toutes les ressources prometteuses d’hydrocarbures se trouvent sur le territoire russe, notamment — près de la moitié — sur le plateau arctique russe, indique Roustam Tankaev, expert en chef de l’Union russe des producteurs de pétrole et de gaz.
“Quand le Congrès américain adopte une loi empêchant les entreprises nationales de travailler dans cette région, il torpille l’avenir de toute l’industrie pétrogazière américaine. En effet, la surface du plateau continental russe selon les organisations internationales se chiffre à 4,1 millions de kilomètres carrés. À titre de comparaison, toute l’Union européenne n’occupe que 4,2 millions de kilomètres carrés. Sachant que cette dernière va se réduire après le Brexit, les législateurs américains devraient prendre en considération les dimensions de ces territoires”, conclut-il.