Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Ce rapport était attendu, et il ne déçoit pas par la dérive majeure qu’il initie dans la doctrine juridique, civile et conceptuelle de l’entreprise. À mes amis à l’hémisphère gauche plus développé, tenez bon, et je compte sur votre bienveillance pour dépasser les premiers paragraphes de ce raisonnement où vous pourriez penser que seul mon hémisphère droit et libéral s’exprime. Ceux qui sauront tenir découvriront que tout cela est encore une fois bien plus complexe qu’il n’y paraît et que la juste position d’équilibre nécessite un peu de temps pour pouvoir apparaître.
L’idée de base est que l’entreprise doit considérer qu’elle est “d’intérêt général”.
Philosophiquement, l’intérêt général a ceci de gênant et de considérablement pénible qu’il est le principe qui sous-tend toutes les dictatures et qu’il était le fondement idéologique de l’ex-Union soviétique.
C’est assez simple à comprendre : l’intérêt général écrase volontairement et consciemment les intérêts individuels. Par conséquent, très rapidement, les défenseurs de l’intérêt général deviennent des commissaires politiques zélés de ce qui est bien ou mal.
Dire cela est fondamental, mais le dire ne signifie pas que seul l’intérêt individuel serait convenable. À l’idée d’intérêt général peut donc être opposée l’idée de “bien commun”, qui a le mérite de posséder une double vision. Le bien n’est commun qu’à partir du moment où il est respectueux du bien commun au sens de collectif mais aussi du bien individuel. Il n’y a pas de bien commun rejetant le bien individuel et donc l’individu.
Si cette lutte sémantique peut sembler du “coupage de cheveux en quatre”, il n’en est rien.
Et dès les toutes premières pages du rapport, l’aspect extrémiste et fasciste vert apparaît au grand jour avec la première des recommandations de ce rapport
Changer le code civil !!
Recommandation n°1 : ajouter un second alinéa à l’article 1833 du Code civil : « […] La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
Rappelons dès maintenant qu’une entreprise n’a pas du tout à considérer autre chose que son intérêt propre, sinon ce n’est plus une entreprise privée mais d’intérêt général… Entre une entreprise d’intérêt général et une association, il n’y a plus grande différence.
Vous me direz mais Charles, pour vous, l’environnement c’est important ! Évidemment !! Non seulement c’est important mais c’est même de notre responsabilité collective que de prendre soin du bien commun ! Prendre soin du bien commun passe par une prise de conscience et une éducation des gens, pas par la propagande ou la culpabilisation – ces deux éléments servant uniquement à mettre en place une fiscalité de plus et de plus en plus lourde qui ne pèse que sur les braves gens, qui sont certainement ceux qui polluent le moins au quotidien !! Je ne vous parle pas de la pollution comparée de votre voiture diesel avec les avions au décollage à Roissy toutes les 60 secondes, ou les énormes cargos pleins de chinoiseries, sans oublier les centrales à charbon allemandes qui polluent la France quand les vents soufflent dans le mauvais sens, ou encore vos poubelles jaune, verte et marron qui terminent toutes dans le même incinérateur puisque l’on est incapable de recycler de telles quantités.
L’écologie est une nécessité. L’écologie actuelle est fasciste. Elle est dictatoriale. Elle ne se discute pas. Elle ne se débat pas. Elle s’impose.
Et elle veut même s’imposer dans la définition de ce qu’est une entreprise.
Ne pas confondre les concepts de base du code civil et la loi !
Si une entreprise doit suivre ses intérêts propres, il n’en demeure pas moins que la somme des intérêts collectifs ne forme pas forcément le bien commun.
C’est là qu’intervient précieusement la loi.
La loi peut imposer et impose déjà des milliers de règles, règlements divers et variés tous plus compliqués les uns que les autres. Nous n’en manquons pas. Nous avons même un tel trop-plein, que créer, faire, devient parfois impossible – former par exemple un jeune couvreur, mais que l’on ne peut pas faire monter sur le toit parce qu’il est trop jeune…
La considération des entreprises pour leurs enjeux sociaux passe par la loi pas par le code civil qui définit ce qu’est une entreprise.
Je voulais aussi vous faire remarquer à ce niveau-là du raisonnement l’hypocrisie dramatique de la chose.
“La considération des entreprises pour leurs enjeux sociaux et environnementaux.”
Vous avez bien lu cette phrase ?
Au moment où l’on a réduit de manière considérable le code du travail, au moment où ce dernier est dépecé, démantelé, où les indemnités de licenciement sont désormais plafonnées, et au moment même où nous avons des “ruptures conventionnelles collectives”, on nous explique qu’il faut parler, dans le code civil, de la “considération des entreprises pour leurs enjeux – risques et opportunités – sociaux et environnementaux”.
Puis arrive la raison d’être de l’entreprise !
C’est la seconde grande recommandation de ce rapport.
“Confier aux conseils d’administration la formulation d’une raison d’être visant à éclairer l’intérêt propre de la société et de l’entreprise ainsi que la prise en considération de ses enjeux sociaux et environnementaux”.
Vous allez me dire, mais Charles, voyons, c’est plutôt bien !! Eh bien non, ce n’est pas bien !! Pourquoi me demanderez-vous ?
Vous savez ce que c’est que la raison d’être d’une entreprise ?
C’est l’un des concepts que l’on vous enseigne en MBA, ou dans les conseils d’administration effectivement, c’est même l’un des concepts marketing les plus puissants.
Ce qui sous-tend toutes les communications brillantes d’entreprises performantes c’est justement la définition de leur raison d’être.
Apple, Nike, Samsung, Coca-Cola ou McDo sont autant d’entreprises que vous connaissez tous et qui ont une maîtrise parfaite, totale, complète du “storytelling” – ce qui peut se traduire par une compétence très forte pour vous raconter une histoire, une histoire qui permet de vendre, pour vous permettre d’acheter.
Ces histoires sont toutes basées sur un même point de départ : la définition de la raison d’être de l’entreprise.
Alors les raisons d’être de nos entreprises seront toutes plus belles les unes que les autres, ce sera séduisant, élégant, parfois même enthousiasmant, et cela ne viendra pas protéger l’esprit des gens, mais au contraire viendra mettre en place un outil redoutable dans les mains des entreprises.
En légalisant la raison d’être, en la gravant dans le marbre, je pourrais doctement expliquer avec de beaux concepts que la raison d’être de tel laboratoire pharmaceutique est de protéger tous les individus du maximum de maladies en favorisant le plus possible le recours systématique à la vaccination, à promouvoir des campagnes accessibles à tous, car notre raison d’être à nous, laboratoire, c’est de vous aimer. Et notre façon de vous aimer, c’est de vous piquer ! Vous piquer et vous vacciner, pour votre bien, et notre raison d’être c’est de rendre obligatoire toutes ces vaccinations pour être certains de sauver le maximum de gens.
L’intérêt général est le principe de toutes les dictatures.
N’oublions pas cela. L’intérêt général c’est la négation de l’intérêt individuel, c’est donc la base conceptuelle de toutes les dictatures.
N’oublions pas non plus que nous sommes dans un monde où l’hypocrisie n’a jamais été aussi importante. On vous prend une ancienne grande syndicaliste qui signe un rapport merveilleux où l’on pourrait presque penser que les entreprises en sortiraient affaiblies.
C’est effectivement ce que l’on pourrait croire.
En réalité, la considération que l’on doit apporter aux enjeux sociaux ou environnementaux reste un concept tellement flou que seules les lois existantes ont une réelle utilité, cela restant finalement complètement inutile.
Ensuite, cette histoire de raison d’être est bien plus dangereuse qu’il n’y paraît au premier abord.
Le mal est toujours séduisant. Vous en avez encore un exemple sous les yeux.
Une entreprise ne peut poursuivre son intérêt propre que jusqu’au moment où elle vient en contradiction avec le bien commun, en mettant en danger par exemple la vie des gens comme le font régulièrement les laboratoires pharmaceutiques, ou en polluant comme le font chaque jour de très nombreuses industries.
Pour préserver le bien commun, la loi est l’outil que les hommes et les civilisations utilisent depuis la nuit des temps.
Tout ce qui se passe à un moment où jamais les entreprises n’ont autant gagné, n’ont autant nuit et à l’environnement et aux êtres humains par des comportements humainement désastreux, est une belle escroquerie intellectuelle dont nous sommes les héros.
La vérité rend libre.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »
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