Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Il est important de rappeler ce qui se joue collectivement.
Comme il était à redouter, ce qui devait arriver arriva.
C’est, pour le moment, une évidente insurrection. Elle n’est pas localisée aux Champs-Élysées, comme les caméras de médias tellement parisiens et parisianistes peuvent le montrer ou le laisser croire. Elle touche tout le pays. De Toulouse à Marseille, de la préfecture incendiée du Puy-en-Velay à la dévastation qui a frappé la ville de Narbonne.
Il est important de rappeler à tous ce qui se joue, et aux premiers d’entre nous qui président (encore) aux destinées de cette grande nation.
La Révolution de 1789, ce sont des centaines de milliers de morts à l’échelle d’un pays qui, à l’époque, ne comptait évidemment pas presque 70 millions d’habitants.
Une insurrection tourne vite en révolution, et la révolution, si elle peut être séduisante, est évidemment porteuse de grandes violences. Non, pour être plus précis, une révolution violente c’est la certitude d’immenses massacres.
Éteindre l’insurrection ne se fera pas par la répression, mais par une solution politique.
L’État doit d’ailleurs plus redouter 500 000 coléreux soutenus par 80 % de la population que 1 million de cégétistes soutenus par … 1 million de cégétistes ! C’est ainsi que naissent les insurrections qui terminent en révolution.
Par et pour le peuple ? Non, par l’élite et pour l’oligarchie !
L’une des causes profondes de notre malaise collectif c’est évidemment que les politiques menées ne le sont plus pour et par le peuple, mais par les élites contre le peuple.
Il importe peu, d’un point de vue analytique, que ce que je dis ici soit vrai ou faux. Non pas que la vérité n’ait pas d’importance, mais parce que la situation démocratique est vécue et ressentie de cette manière-là par le peuple de France.
Les élites font la politique de Bruxelles.
Les élites font la politique du FMI.
Les élites font la politique des marchés.
Les élites font la politique de la solvabilité.
Peu importent les mots que vous utilisez. Nos gilets jaunes veulent être remis au centre des préoccupations, de la politique et… de l’action publique, de même que les 80 % de Français qui les soutiennent.
Bien évidemment, toutes les violences sont intolérables, mais pour tout vous dire, je n’ai pas trop peur des violences auxquelles nous avons assisté ce week-end. N’imaginez pas un seul instant que je les tolère. Pour le coup, je partage l’avis de Castaner, ministre de l’Intérieur, qui expliquait qu’il fallait protéger les personnes plus que les biens. Les dégâts matériels restent des dégâts matériels. C’est désagréable, parfois très triste, mais cela reste du matériel. Ce qui me fait peur, c’est la montée terrible de cette colère dont j’essaie, avec mes modestes moyens, de prévenir du danger qu’elle représente si elle n’est pas traitée à la racine.
Demain, ou samedi prochain, les fourches sortiront à nouveau. Un jour, il y aura mort d’homme. On pendra les riches ou ceux que l’on croit riches, et comme à chaque fois dans ces moments de l’histoire, c’est le vent de l’anarchie qui balaiera notre pays. Au Puy-en-Velay, le préfet était enfermé à triple tour dans son bureau et refusait d’en sortir. Assiégé. À ce niveau, nous ne sommes presque plus en insurrection, mais bien en révolution.
Les causes sont complexes, multiples, mais comme tous les problèmes, même les plus complexes, si on regarde avec le cœur, comme disait si justement Saint-Exupéry, alors l’essentiel devient visible pour les yeux.
L’essentiel tient en 3 mots.
Par et pour le peuple.
Ces trois mots qui justifient tout, qui expliquent tout et qui sont à la base de toute notre société, ont été oubliés depuis 40 ans par nos dirigeants successifs. Tous.
Le dernier en date, celui qui se fait siffler avenue Kléber, n’est que l’incarnation de la fin d’un processus de négation de la justification de l’action publique.
Le peuple a, depuis des décennies, l’impression de se faire prendre pour un imbécile. Quand il vote non à un référendum, on lui fait un traité sur ce qu’il vient de refuser. Mépris démocratique évident.
Nous sommes confrontés à l’arrogance d’élites qui se pensent éclairées et susceptibles de mieux décider de notre avenir que chacun de nous.
Des élites qui pensent mieux penser que tous les autres qui sont méprisés et dont il faut faire le bonheur à l’insu de leur plein gré.
Ils sont tellement enfermés dans leur arrogance et leur mépris qu’ils pensaient que cela durerait toujours et que cela resterait toujours indolore.
Macron n’est pas responsable de tout. Il est l’aboutissement, le summum de ceux qui ne dirigent plus pour le peuple et par le peuple. Pourtant, tout n’était pas à jeter, loin de là. Désormais, plus rien n’est audible, et les gilets jaunes ne rentreront pas chez eux. Samedi prochain, le peuple ira encore à Paris faire entendre ses demandes.
Son exigence. Par et pour moi ! Je suis le peuple proclame le peuple. Alors justement, ce cri doit être entendu.
Il ne faut pas tomber dans le piège uniquement de la taxe qui sera baissée. La situation exige de remettre le peuple au centre des choix et des complexités et d’accepter d’abandonner un peu de pouvoir.
Il existe un très beau concept : celui de subsidiarité. L’essentiel de la solution et d’une gouvernance moderne y est. C’est parce que ce principe est oublié que nous sommes dans la situation de blocage qui est la notre.
La subsidiarité.
Dit très simplement, le principe de subsidiarité c’est le fait qu’une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur….
“Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. Ainsi, lorsque des situations excèdent les compétences d’une entité donnée responsable de l’action publique, cette compétence est transmise à l’entité d’un échelon hiérarchique supérieur et ainsi de suite. Le principe de subsidiarité veille à ne pas déconnecter la prise de décision publique de ceux qui devront la respecter. C’est en somme la recherche du niveau hiérarchique pertinent auquel doit être conçue une action publique.
La signification du mot latin d’origine (subsidiarii : troupe de réserve, subsidium : réserve / recours / appuis) reflète bien ce double mouvement, à la fois de non-intervention (subsidiarité) et de capacité d’intervention (suppléance).”
Une politique qui respecte le principe de subsidiarité est une politique qui n’impose rien. Elle est menée par et pour les gens. Elle vient en aide, elle est par nature bienveillante et ne cherche en aucun cas à se substituer justement à la responsabilité individuelle de chaque personne.
Elle doit respecter l’autonomie de tous. Elle n’est, par nature, jamais autoritaire et toujours limitée. C’est un peu la plus petite intervention possible.
Prenons l’exemple concret d’une famille. Nous travaillons, nous ne pouvons pas assurer forcément l’instruction de nos enfants. Alors la structure familiale qui est la nôtre demande l’aide de l’école. Les problèmes se posent quand l’école oublie le principe de subsidiarité et qu’elle n’est plus là pour donner des leçons de lecture et de l’instruction, mais pour faire l’éducation à la place des parents… Dès lors, petit à petit, l’école devient détestée, elle se referme sur elle-même, et devient une immense machine dictatoriale qui sait mieux que les familles ce qui est bon pour leurs enfants.
Vous voyez bien ce qui ne fonctionne plus dans la gestion politique. Partout. À tous les niveaux, la subsidiarité a été oubliée. De l’école à la politique, du village forcé à être regroupé en communauté de communes qui éloigne les décisions de la vie des gens et de l’échelon le plus proche.
La politique, parce que personne n’y a prêté trop d’attention, est devenue autoritaire. On décrète en haut et on impose en bas. La seule question que se posent nos mamamouchis est de savoir comment avoir la bonne communication, la bonne propagande pour faire “passer la pilule”.
L’action publique n’est plus ressentie comme par et pour le peuple, mais comme la bonne propagande pour faire avaler aux gens et aux peuples la politique faite par et pour une petite oligarchie de multinationales.
La réponse est simple : redéfinir l’action publique et redonner le pouvoir au peuple…
Macron a un mot à dire : j’ai entendu.
Je ne peux pas diriger contre vous, mais qu’avec vous. Il faut dire au président que dans une “start-up nation”, les salariés c’est le peuple, mais qu’il ne se méprenne pas. On ne peut pas licencier un peuple.
On peut le réprimer.
On peut l’emprisonner.
On peut le tuer.
… Mais on ne peut pas le licencier.
J’ai entendu et nous remettons immédiatement le peuple au cœur de l’action publique.
Désormais, toutes les décisions seront prises par le peuple et pour le peuple qui ne déléguera à l’échelon supérieur que ce qu’il ne peut pas faire à son échelon.
Cela implique un terrible abandon de pouvoir auquel nos mamamouchis ne sont évidemment pas encore prêts.
Cela implique que tous les mamamouchis se mettent au service des gens et de la population.
Nous avons donc encore vécu un moment de violence, et les messages que je peux recevoir ne m’incitent pas à l’optimisme. Alors, inlassablement, nous devons, chacun en fonction de nos moyens, parler à l’intelligence et à la raison de tous.
Néanmoins, il faut dire. Il faut avoir le courage de dire ce qu’il passe. Il ne faut pas faire plaisir, il faut dire. Il faut prévenir.
Il faut dire que les gens veulent faire la politique qu’ils souhaitent, et cette politique n’est sans doute pas celle souhaitée par notre “aimable” oligarchie.
Si elle n’entend pas la sourde colère du peuple, il se passera la même chose qu’à chaque fois : une révolution. Et quand la France se soulève, ce n’est jamais pacifique ni de tout repos. Ce n’est donc pas souhaitable. La réponse politique est donc urgente.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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