Depuis la hausse initiale de l’or, dans les heures qui ont suivi l’élection de Donald Trump, le cours est sous pression. Pour jauger ce qui attend le métal jaune, nous allons disséquer les différentes forces qui peuvent l’influencer. Voici une analyse qu’il faut lire comme quelques autres et que j’ai donc le plaisir de partager avec vous.
Charles SANNAT
Par le passé, nous avons affirmé que pour tout investisseur qui souhaite considérer l’ajout d’un actif à son portefeuille, et cela vaut pour l’or, l’actif en question doit satisfaire 2 conditions : il doit afficher une faible corrélation par rapport aux autres actifs en portefeuille et il doit présenter des perspectives de retour positif. Examinons les changements qui ont lieu dans le paysage de l’or et dans le contexte de l’élection.
L’or en tant qu’actif de diversification ? Depuis 1971, le cours de l’or affiche une corrélation zéro par rapport à l’indice S&P 500, selon notre analyse (-0,016 sur la base des rendements quotidiens, pour être précis). De ce point de vue, l’or peut être considéré comme un actif de diversification à long terme. Cela dit, il y a des périodes de corrélation positive et d’autres de corrélation négative.
Nous reparlerons plus en détail des obligations lorsque nous aborderons les moteurs principaux. Afin de savoir si cette corrélation, relativement élevée par rapport aux obligations, va durer, on s’en réfère à l’histoire : elle devrait s’évaporer assez rapidement. Autrement dit, dans le contexte de l’or, en tant qu’actif de diversification, nous pensons que les arguments positifs à long terme sont solides, mais certains investisseurs pourraient ne pas les apprécier, lorsque la corrélation aux actions ou aux obligations réapparaît. Par le passé, nous avons dit que l’or pourrait bien être l’un des actifs de diversification les plus « faciles », du fait qu’il est plus simple d’investir dans le métal jaune que de mettre en place, par exemple, une stratégie long/short actions ou devises qui, par nature, pourrait également avoir une corrélation zéro par rapport aux autres classes d’actifs. Mais cette diversification facile a un prix : cette basse corrélation n’est pas stable, si bien que durant certaines périodes la corrélation peut être élevée.
L’or dans le contexte d’un revers boursier
Toujours sur le thème de l’or, en tant qu’actif potentiel de diversification, son cours a affiché un retour positif durant tous les marchés baissiers des actions, depuis 1971, avec une seule exception notable, celle que j’appelle le marché baissier provoqué par Volcker, lorsque les taux d’intérêt grimpèrent substantiellement :
Nous allons parler des taux d’intérêt dans une seconde, mais laissez-moi vous expliquer l’une des raisons fondamentales pour laquelle l’or a pu bien se comporter, durant chacun de ces marchés baissiers. Durant une période de compression de la prime de risque, soit lorsque les prix des actifs risqués, que sont par exemple les obligations spéculatives ou les actions, sont élevés, nous pensons en effet que ces prix deviennent vulnérables si la prime de risque grimpe à nouveau. C’est-à-dire que si pour quelle que raison que ce soit le marché permet une valorisation encore plus élevée de ces actifs, cela pourrait créer des vents contraires, aussi bien pour les actions que pour les obligations. En fin de compte, l’or pourrait à nouveau briller, grâce à sa basse corrélation avec les actifs risqués, à l’occasion d’un marché baissier.
L’or va-t-il fournir un rendement positif ?
Si les investisseurs apprécient la diversification, ils apprécient encore plus les rendements positifs. Nous avons connu une liquidation notable sur le marché obligataire, depuis l’élection, alors que le cours de l’or, comme on peut le voir ci-dessus, est depuis peu corrélé à celui des obligations. Alors, que se passe-t-il ? Nous avons affirmé que le plus grand concurrent de l’or est l’argent liquide : si les investisseurs compensent pour conserver du cash, les arguments en faveur de l’or, actif non productif, sont réduits. Une bonne compensation du cash serait par exemple un taux d’intérêt réel acceptable. Actuellement, les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire le taux moins l’inflation, sont proches de zéro (nous mettrons de côté la discussion au sujet des calculs de l’inflation officielle, c’est-à-dire s’ils prennent totalement en compte ou non l’augmentation du coût de la vie). La question est de savoir à quel point la présidence de Trump change la donne. Les 2 thèmes principaux qui me viennent à l’esprit sont les dépenses d’infrastructures et la dérégulation :
- Les dépenses d’infrastructures : nous pensons premièrement que Trump réalisera de telles dépenses, et deuxièmement qu’elles seront inflationnistes. Trump est un « faiseur d’accords », donc il pourrait promettre à certains sénateurs de construire leur pont tant désiré, qui ne mène nulle part, en échange de la construction de son mur. Il s’agit d’une façon simplifiée d’affirmer qu’il devrait être possible, à Washington, de dépenser de l’argent en faisant des promesses « à gauche et à droite », même si les Républicains plus rigoureux font objection. Dans un environnement de faible chômage, nous pensons que cela provoquera une inflation des salaires. (…)
- La dérégulation : même si le Congrès ne vote pas les propositions de Trump, il devrait avoir une influence substantielle sur le mode de fonctionnement des agences gouvernementales, ce qui suggère qu’il pourrait tenir ses promesses de dérégulation du secteur privé. (…) C’est notamment parce que les entreprises ont préféré acheter des actifs financiers, plutôt que d’investir, que les obligations à long terme rapportent si peu. De fait, si la liquidation du marché obligataire reflète les velléités des entreprises d’investir davantage, nous pensons que ce sera négatif pour le prix de l’or.
Nous pouvons également citer les baisses d’impôt. Il faudra voir leur poids, lorsqu’elles seront décidées, mais toute simplification de la fiscalité devrait aussi encourager les investissements. Nous n’avons pas vu Trump proposer une solution sérieuse pour enrayer les coûts grandissants des avantages sociaux. Ce qui signifie qu’avant même que Trump n’arrive à augmenter les dépenses gouvernementales, les déficits devraient gonfler dans les années à venir. Nous n’avons pas encore abordé l’impact potentiel d’une guerre commerciale. En ce moment, le marché semble suggérer que Trump puisse faire volte-face par rapport à sa rhétorique anti-globalisation. Nous pensons cela du fait que le dollar serait vulnérable face à une guerre commerciale, et étant donné que les États-Unis ont besoin de l’étranger pour financer leur déficit. Le Royaume-Uni est un exemple récent d’un pays qui compte beaucoup sur l’étranger pour se financer et qui a vu sa devise souffrir, lorsque les barrières commerciales se sont élevées (le Brexit ayant provoqué l’élévation de telles barrières). Le dollar pourrait ne pas décliner, par rapport au peso mexicain ou à une autre devise d’un pays émergent, mais il pourrait baisser par rapport aux devises majeures et par rapport à l’or.
Quel futur pour le cours de l’or ?
Nous nous attendons à voir les différentes forces citées ci-dessus se livrer bataille. Pour le moment, il semble que le marché anticipe une croissance réelle plus élevée, grâce à la dérégulation, avec une Fed en mesure de faire grimper les taux, alors que l’économie reprend.