Économiquement, et pour faire simple, une appréciation importante de la monnaie d’un pays rend ce dernier moins compétitif, enfin rend ses usines et ses industries moins compétitives en tout cas dans un premier temps.
À la longue, une monnaie forte est sensée vous permettre de monter en gamme et d’avoir une industrie encore plus forte, surtout que les matières premières vous coûtent moins cher.
C’est vrai à condition que le mouvement d’appréciation de votre devise soit très doux et se passe dans le temps car il est évident qu’une augmentation de 20 ou 30 % de la valeur de votre monnaie en 24 mois ne laisse pas du tout le temps nécessaire à vos industries pour adapter leur compétitivité.
Dès lors, dans un monde ouvert et concurrentiel, il faut baisser les prix, ce qui veut dire baisser les marges, ce qui veut dire… sacrifier les investissements de demain !
Charles SANNAT
Les revenus des compagnies américaines au quatrième trimestre 2015 n’avaient plus été aussi bas depuis 2009, en pleine crise financière mondiale.
Les ventes d’iPhone de la compagnie Apple ont chuté pour la première fois et le plus important réseau de grande distribution du pays, Walmart, a enregistré sa première baisse des recettes depuis 35 ans. En cause : un dollar fort et la détérioration de l’économie internationale. La saison comptable pour le dernier trimestre 2015 se termine aux USA et les nouvelles sont plutôt mauvaises : vendredi 19 février, Walmart annonçait une baisse de ses recettes trimestrielles de 1,5 %, et de presque 8 % du revenu net. Surtout, il s’agit du premier fléchissement des résultats annuels de la compagnie depuis 1980 (une baisse de 0,7 %, soit 482,1 milliards de dollars gagnés en 2015).
Hormis la concurrence accrue avec les leaders du commerce en ligne, ce ralentissement est dû au renforcement du dollar et à la détérioration de la situation économique sur les principaux marchés émergents, y compris en Chine et au Brésil. Au final, les recettes du segment international de Walmart au quatrième trimestre ont baissé de 9,7 %, pour atteindre 32,7 milliards de dollars.
Chez Apple, du point de vue financier, les affaires vont bien. D’octobre à décembre 2015 (pour la compagnie c’est le premier trimestre de l’année fiscale 2016) la société a augmenté ses recettes de 1,7 % en glissement annuel jusqu’à 75,9 milliards de dollars. Mais la société de recherche Gartner a également publié un rapport le 18 février, qui note qu’au quatrième trimestre 2015 les ventes d’iPhone se sont réduites pour la première fois de l’histoire (-4,4 % par rapport à octobre-décembre 2014).
Ce constat est d’autant plus notable que les ventes de smartphones ont augmenté de 9, 7% sur la même période dans le monde (bien qu’il s’agisse de la plus faible croissance depuis 2008). Le directeur des recherches de Gartner, Anshul Gupta, indique que le dollar fort a été un facteur négatif pour Apple.
Le dollar a pris de la valeur en 2015 alors que tout le monde attendait l’augmentation du taux directeur de la Réserve fédérale des USA (Fed). En fin de compte la Fed ne l’a augmenté qu’en décembre (de 0-0,25 à 0,25-0,5 %). Au contraire, les monnaies régionales comme le rouble, le rial brésilien ou la livre turque ont subi des dévaluations tout au long de l’année. En raison de la baisse des prix des matières premières et du ralentissement de la croissance en Chine, l’économie mondiale a affiché l’an dernier la pire croissance depuis la crise de 2008-2009.
Pour 2016, les prévisions macroéconomiques ne sont rassurantes ni pour les États-Unis ni pour le reste du monde. Sachant qu’elles sont constamment revues à la baisse. Deux prévisions mises à jour ont été publiées entre le 16 et le 19 février. En particulier, l’agence de notation Moody’s a abaissé le pronostic de croissance du PIB du G20 pour 2016 de 2,8 à 2,6 %, et pour 2017 de 3 à 2,9 %.
“Nous nous attendons à une croissance très lente de l’économie mondiale en 2016-2017. Les conséquences négatives de l’adaptation des producteurs de matières premières aux prix constamment en baisse, la croissance significative des importations chinoises et le durcissement des conditions de financement dans certains pays émergents prévalent sur les facteurs positifs comme la politique monétaire et créancière de stimulation en Europe, au Japon et aux USA”, a déclaré la vice-présidence de Moody’s Marie Diron.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui réunit les pays développés, a réduit ses prévisions de croissance de l’économie mondiale de 3,3 à 3 % en 2016, et de 3,6 à 3,3 % pour 2017. Selon l’OCDE, l’économie américaine ne progressera que de 2 % cette année au lieu de 2,5 %. Les prévisions du PIB chinois sont maintenues à +6,5 %, ce qui est inférieur par rapport aux 6,9 % enregistrés l’an dernier.”On s’attend à ce que la croissance mondiale stagne globalement. Les dernières données macroéconomiques étaient décevantes et les indices témoignent d’un ralentissement des plus grandes économies malgré les faibles cours pétroliers et les taux d’intérêt bas”, souligne Catherine Mann, chef économiste de l’OCDE.
Tous ces pronostics négatifs ont poussé la Fed à renoncer à ses plans initiaux de multiplier son taux directeur par quatre cette année — sans parler de l’objectif d’une inflation contenue à 2 %. Les optimistes comme la Bank of America prédisent deux cycles d’augmentation, en juin et en décembre, de 0,25 % à chaque fois. D’autres s’attendent dans le meilleur des cas à une seule augmentation vers la fin de l’année.
Le mercredi 17 février, les protocoles de la dernière réunion du Comité fédéral d’open market (FOMC) de la Fed ont été publiés, qui soulignent que l’institution pourrait reporter l’augmentation de son taux directeur à cause du ralentissement de l’économie chinoise, de la volatilité des marchés financiers mondiaux et de l’incertitude dans l’économie des USA.
“Nous avons évoqué la révision des avis exprimés plus tôt sur la trajectoire rationnelle de changement des taux”, indique le rapport. Toutefois, au regard des turbulences accrues dans le monde, même ce report de l’augmentation des taux ne changera certainement rien au renforcement du dollar. La prise de risque reste minimale et les investisseurs continuent de retirer leur argent des marchés émergents pour l’investir dans les actifs en dollar, moins risqués.
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