Non, la crise bancaire n’est pas finie. Elle n’est pas finie car rien n’est réglé. Tous les problèmes ont été mis sous le tapis, ce qui est bien mais ne change rien. Les problèmes ne sont pas seulement les mêmes. Ils se sont aggravés car les montants en jeu sont encore plus importants, partout dans le monde.

La réduction des bilans bancaires reste marginale. Les banques sont toutes trop grosses pour être sauvées.

Nous dansons sur un volcan, et l’euro, lui, moribond, peut éclater d’un instant à l’autre.

Charles SANNAT

Le stock total de prêts non-productifs dans l’Union européenne est estimé à plus d’un trillion d’euros, soit à 5,4 % des crédits en cours, un niveau trois fois supérieur à celui des autres régions majeures du monde. En creusant à l’échelle nationale, c’est encore plus effrayant. Actuellement, 10 des 28 pays de l’Union européenne ont un ratio de prêts non-productifs de plus de 10 % (soit au-dessus de ce qui est considéré comme sûr). Et parmi les pays de la zone euro, dans laquelle les politiques de la BCE ont un impact direct, voici les champions du crédit non-performant :

  • Chypre : 49 %
  • Grèce 46,6 %
  • Slovénie : 19,7 %
  • Portugal : 19,2 %
  • Italie : 16,6 %
  • Irlande : 15,8 %

Permettez-nous d’insister là-dessus : en Grèce et à Chypre, soit deux des pays de la zone euro qui ont bénéficié des plus gros plans de sauvetage, presque la moitié des crédits bancaires sont toxiques.

Il y a ensuite l’Italie, dont les 350 milliards de prêts non-performants représentent environ un tiers des créances douteuses de l’Europe en termes de montant. Les secteurs public et financier de l’Italie ont passé les 18 derniers mois à échouer spectaculairement dans leur tentative de trouver une solution à ce problème. Les deux banques pourries (« bad banks ») que sont les fonds Atlante I et Atlante II, utilisés pour débarrasser le bilan des banques de leurs actifs toxiques, sont l’équivalent d’un couteau à beurre censé parer un coup de machette. Ils sont tellement sous-financés qu’ils ont même eu du mal à maintenir à flot de petites banques régionales comme Veneto Banca et Popolare di Vicenza, qui implorent désormais l’aide de Rome implorant à son tour la clémence de Bruxelles.

Le peu de valeur qui reste aux fonds Atlante I et Atlante II ne cesse de fondre alors que la valeur des « actifs » qu’ils ont achetés, à des prix bien trop élevés (souvent à 0,40 € pour un euro de valeur initiale) poursuit sa baisse. La décision récente des deux plus grandes banques italiennes, UniCredit et Intesa Sao Paulo, de passer en perte une grande partie de leur investissement dans Atlante devrait sans aucun doute décourager le secteur privé d’injecter de l’argent frais afin de renflouer des banques plus fragiles.

Ce qui signifie que quelqu’un d’autre devra intervenir, et vite. Et ce quelqu’un, ce sera presque avec certitude le contribuable européen.

En février, le vice-président de la BCE Vitor Constancio a plaidé pour la création d’une toute nouvelle classe de banques pourries garanties par le gouvernement afin d’aider à l’achat du trillion d’euros de prêts non-performants qui putréfient sur les bilans des banques. L’idée de Constancio ressemble furieusement à la proposition antérieure faite par l’autorité bancaire européenne pour la création d’une énorme banque pourrie à l’échelle de l’Union. (…) Voici comment elle fonctionnerait, selon la présidente de l’ABE Andrea Enria :

« Les banques vendraient leurs crédits non-performants à l’entité et un prix reflétant la valeur économique réelle des crédits, qui sera probablement en dessous de la valeur de départ, mais au-dessus du prix du marché prévalant actuellement sur les marchés non liquides. Les banques éviteront donc probablement des pertes additionnelles.

Le gestionnaire de l’entité aura alors trois ans pour vendre ces actifs à des investisseurs privés. Il y aura une garantie de l’État membre de chaque banque qui transfère ces actifs à l’entité via des bons d’options sur chaque actif de la banque. Cela protégera l’entité de pertes futures si le prix de vente final de l’actif devait être en dessous du prix initial de transfert. »

L’un des gros avantages du lancement d’une banque pourrie à l’échelle de l’Union est qu’il éviterait une sorte de résistance publique qui aurait lieu au niveau national, selon Enria. Les banques italiennes pourraient continuer de vendre leurs créances pourries pour environ 0,40 € l’euro, même si leur valeur réelle, soit celle fixée par le marché, est souvent bien inférieure. La différence entre le prix du marché, lorsqu’il existe, et le prix que la banque reçoit pour ses créances pourries sera compensée par les contribuables européens.

Si le projet reçoit le feu vert, il préparera le terrain de l’une des plus grosses opérations ponctuelles de renflouement des banques européennes de l’histoire. Ce serait un plan Paulson (TARP) à l’européenne avec encore moins de garde-fous et de chances de récupérer un jour l’argent du contribuable. D’après un banquier cité par Reuters, même si l’Allemagne n’a pas encore approuvé le plan de l’ABE, l’Europe parle du développement d’un marché secondaire pour les crédits non-productifs comme étant une priorité. D’après Enria, l’ABE espère finaliser les choses « au niveau européen » au cours du printemps.

Le document inclut également des propositions pour une « restructuration du secteur bancaire » plus large alors que le souci des prêts non-productifs est traité par les États. Cela pourrait découler sur « des fusions entre les banques européennes après qu’elles se soient débarrassées de leurs prêts non-productifs », a déclaré un officiel du secteur bancaire.

Autrement dit, les contribuables européens pourraient potentiellement payer des centaines de milliards d’euros pour sauver une nouvelle fois les banques des conséquences de leurs propres actes, pour renflouer les porteurs de leurs obligations et peut-être même leurs actionnaires, alors que le financement manque pour régler bien d’autres problèmes. Ces banques, une fois sauvées et leur bilan nettoyé, seront ensuite offertes sur un plateau d’argent à d’autres banques, bien plus importantes. Pour récompense d’avoir payé la note, les contribuables se retrouveront avec un système financier encore plus concentré, consolidé et interconnecté, donc encore plus sujet aux abus, à la corruption et aux excès.

Article de Don Quijones, publié le 17 mars 2017 sur WolfStreet.com

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