Il se discute actuellement une loi qui pose de très sérieuses questions démocratiques.

Évidemment, il faut savoir se protéger et protéger nos entreprises et leurs savoir-faire. C’est une évidence.

Mais derrière cette demande légitime, et disons-le même cette nécessité imposée par une compétition internationale exacerbée, se cache le diable.

Car comme chacun sait… le diable se cache dans les détails, et les détails de cette loi à venir ne sont pas si clairs ou évidents que cela.

En effet, tout l’enjeu est de trouver un subtil et délicat équilibre entre la protection des informations sensibles des entreprises et la liberté d’informer. Pourtant, l’inquiétude est au plus haut du côté des journalistes ou des lanceurs d’alerte.

Le Sénat a durci le texte en 1re lecture. 

Voici ce qu’en dit Le Monde, que l’on ne peut pas vraiment taxer de complotisme primaire !!!

« Le Sénat a adopté dans la nuit du 18 au 19 avril en première lecture une proposition de loi controversée sur le secret des affaires, en allant même au-delà du texte voté le 28 mars par l’Assemblée nationale. Ce texte, destiné à transposer en droit français une directive européenne de juin 2016, donne une définition large des informations qui doivent être protégées de la concurrence et prévoit l’indemnisation du préjudice civil de l’entreprise victime en cas de détention illégale ou divulgation d’un tel secret.
La proposition de loi, signée Raphaël Gauvain, député de la majorité, a provoqué de très vives oppositions en raison de craintes pour la liberté d’informer et d’entraves mises aux lanceurs d’alerte.

Un grand nombre de sociétés de journalistes (dont celles du Monde, de Radio France ou des Échos), le Syndicat national des journalistes ainsi que de nombreuses associations de défense des libertés et de lutte contre la corruption (Transparency International, la Ligue des droits de l’homme, Greenpeace, etc.) ont signé une lettre ouverte au président de la République pour dénoncer un texte qui inverse les principes, où «le secret devient la règle, et les libertés des exceptions». Selon cette lettre, «des scandales tels ceux du Mediator, du bisphénol A ou des “Panama Papers” pourraient ainsi ne plus être portés à la connaissance des citoyens».

Procédures « bâillons »

Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a réaffirmé mercredi devant le Sénat que cette transposition est «équilibrée» et ne comporte «aucune restriction des libertés publiques». La proposition de loi prévoit de fait que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention ou la divulgation d’une information est «intervenue pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information».

Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a durci le texte en élargissant la définition du secret des affaires aux informations qui ont «une valeur économique», alors que le texte initial parlait de «valeur commerciale». Le Sénat a également supprimé l’article introduit à l’Assemblée pour instaurer une amende civile destinée à sanctionner les procédures abusives qui seraient intentées contre des journalistes ou des lanceurs d’alerte. »

Ce que l’on appelle « procédures bâillons », c’est tout simplement le fait d’utiliser la justice en épuisant votre adversaire en le faisant crouler sous les frais nécessaires à sa défense.

Votre adversaire gagne la bataille judiciaire mais après x jours de garde à vue, après x milliers ou centaines de milliers d’euros dépensés en frais d’avocat pour faire valoir son éventuel « bon droit ».

Au bout du compte, si vous êtes un petit journal, un blogueur ou un quotidien en difficulté, vous ne vous lancerez pas contre un mastodonte pesant des milliards de dollars ou d’euros et capable de vous poursuivre en justice pendant des années, même à tort.

Ce que vient de faire le Sénat en retirant les sanctions contre les procédures purement abusives revient à donner un permis de bâillonner en faisant payer. C’est, pour tous les gens épris de liberté d’expression, un permis de tuer cette liberté.

De surcroît, je ne connais pas un seul cas de figure où un grand journal aurait divulgué des secrets industriels, des plans, recettes ou savoir-faire uniquement pour le plaisir !!

Cette loi aura donc aussi un impact fondamental, et c’est encore peu perçu sur le droit du travail et le droit social, en ouvrant la voie à la ruine de certains salariés passés à la concurrence et je pense par exemple aux commerciaux ou aux ingénieurs. Cela peut être un outil de blocage redoutable de l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs.

Charles SANNAT

Source Le Monde ici

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