La Chine va-t-elle à son tour léser les agriculteurs américains ? C’est ce qui risque de se passer avec les mesures de rétorsion prises par la Chine à l’égard des productions agricoles américaines.

La guerre commerciale va dans les deux sens, et même si les États-Unis semblent ne pas risquer grand-chose ou avoir moins à perdre que Pékin, la Chine, elle, a tout de même des conséquences désagréables pour certains pans de l’économie américaine.

Charles SANNAT

La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump contre la Chine a encore frappé les agriculteurs américains. Les taxes douanières ont pratiquement interrompu l’exportation de fèves de soja. Résultat des courses : des milliers d’exploitations agricoles sont au bord de la faillite.

À quoi l’agriculture américaine doit-elle s’attendre et pourquoi les tentatives de sauver ce secteur rappellent de plus en plus l’époque de la Grande Dépression ?

La demande chinoise grandissante en fèves de soja n’a pas échappé à l’attention des producteurs agricoles américains, qui exportent ce produit depuis longtemps. Cette année, les USA ont dédié deux fois plus de terres à cette culture qu’en 2017 – soit 89,1 millions d’acres.

Les agriculteurs espéraient augmenter la part déjà élevée des fèves de soja dans les exportations américaines, dont elles représentent déjà environ 60 %. Mais le conflit de Donald Trump avec le partenaire commercial principal du pays a poussé Pékin à adopter des taxes de 25 % sur le soja américain. La rentabilité de ce dernier est alors devenue pratiquement nulle et ses livraisons en Chine ont diminué de 98 %.
Bien que les fèves de soja soient un produit stratégique pour la Chine, Pékin a pensé, à raison, qu’il existait dans le monde d’autres fournisseurs qui seraient ravis de remplacer les Américains.

D’après le ministère américain de l’Agriculture, en 2017-2018 les USA contrôlaient 35 % du marché mondial des fèves de soja. La part du Brésil était inférieure de seulement 2 %, et l’Argentine et le reste du monde occupaient 14 % du marché. La Chine représentait 4 %.

Le Brésil occupait 47 % du marché chinois du soja, et l’Argentine seulement 5 %. Ces deux pays ont désormais l’intention d’augmenter leurs exportations dans ce pays.

Aujourd’hui, les agriculteurs américains ne peuvent plus compter que sur la fin de la guerre commerciale. Les attentes sont donc particulièrement élevées à l’approche de l’entretien de Donald Trump avec son homologue chinois Xi Jinping la semaine prochaine en Argentine lors du sommet du G20, qui pourrait théoriquement permettre de débloquer la situation.

Mais au regard des nouvelles déclarations belliqueuses de Washington à l’égard de Pékin, et notamment des appels aux compagnies européennes à ne pas acheter de produits de la marque Huawei, les perspectives de reprise d’un commerce normal entre ces deux pays sont pratiquement inexistantes. Les fèves cultivées cette année ont donc peu de chances d’être vendues, même après l’entretien au sommet.

Le fait est que le soja, contrairement au maïs ou au blé, est difficile à stocker. Au moindre contact avec l’humidité, les fèves se transforment en liquide brun moisissant. C’est pourquoi la demande en entrepôts fiables est plus forte que jamais aux USA. Et leurs propriétaires en profitent.

D’après les médias, les prix pour le stockage des graines ont augmenté de 40 % par rapport à l’an dernier. La plupart des agriculteurs ne peuvent pas se permettre un tel luxe et tentent de trouver des options alternatives, raflant sur les étalages des magasins tous les récipients qui pourraient convenir au stockage des fèves au sec. D’autres entreposent même le soja dans des grottes.

À l’époque, le président Roosevelt avait dû adopter une loi spéciale pour aider les fermiers. De nombreux économistes jugent encore aujourd’hui que ce document est discutable : il avait forcé les cultivateurs à détruire leurs récoltes (et les éleveurs leur bétail) pour créer artificiellement un déficit de nourriture sur le marché et faire monter les prix.

Les résultats de cette politique économique sont très bien décrits dans le roman Les Raisins de la colère de John Steinbeck, qui lui a valu le prix Pulitzer.

« Il y a là un crime si monstrueux qu’il dépasse l’entendement. Il y a là une souffrance telle qu’elle ne saurait être symbolisée par des larmes. Il y a là une faillite si retentissante qu’elle annihile toutes les réussites antérieures. Un sol fertile, des files interminables d’arbres aux troncs robustes, et des fruits mûrs. Et les enfants atteints de pellagre doivent mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice. Et les coroners inscrivent sur les constats de décès : mort due à la sous-nutrition – et tout cela parce que la nourriture pourrit, parce qu’il faut la pousser à pourrir. Les gens s’en viennent armés d’épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la rivière, et les gardes les repoussent ; ils s’amènent dans de vieilles guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges, mais on les a arrosées de pétrole. Alors ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre au fil du courant; ils écoutent les hurlements des porcs qu’on saigne dans un fossé et qu’on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d’oranges peu à peu se transformer en bouillie fétide ; et la consternation se lit dans les regards, et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim », écrivait l’auteur en 1939.

Pendant ce temps, Pékin diversifie avec succès ses fournisseurs de fèves de soja. Prochainement, la Russie en fera également partie : l’Extrême-Orient convient parfaitement pour cette culture, et les futures plantations sont bien plus proches de la Chine que leurs homologues américaines.
Selon Valeri Doubrovski, directeur de l’Agence de l’Extrême-Orient pour les investissements, la région s’attend à un afflux d’investissements pour exploiter environ 1 million d’hectares de terres agricoles. La moitié de la somme proviendra de Chine.

La compagnie chinoise COFCO a déjà déposé une requête pour recevoir le statut de résident du Territoire de développement avancé (zone économique spéciale) Mikhaïlovskaïa en Primorié. La compagnie compte construire en Russie un grand élévateur et un entrepôt pour stocker les produits agricoles.

Source Sputnik.com ici

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