Je vous laisse prendre connaissance de cette tribune d’Yves Mersch, membre du directoire et vice-président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE.

Cela m’en bouche presque un coin !

La phrase la plus choquante est la suivante :

“Nous analyserons plus précisément la responsabilité individuelle des membres de la direction : un dirigeant ayant commis une faute, ou passé sous silence une faute commise par un pair, ne pourra plus invoquer la responsabilité collective de l’organe de direction

Cela veut dire que les chaînes d’irresponsabilités seraient brisées ?

Si cela va jusqu’au bout alors ce sera une véritable révolution, une révolution intellectuelle qu’il faudra d’ailleurs étendre à tout le reste de la société, car partout, les grandes multinationales organisent volontairement des chaînes d’irresponsabilités pour se protéger et diluer au maximum les responsabilités individuelles de chacun et de leurs entreprises… au bout du compte, c’est toujours un lampiste qui paye, un sous-traitant, un petit qui lui, n’a jamais eu les moyens d’organiser son irresponsabilité.

Il ne lui reste plus que la prison et l’insolvabilité.

Charles SANNAT

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La BCE place la barre plus haut en matière de gouvernance des banques

Tribune libre d’Yves Mersch, membre du directoire et vice-président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, publiée dans divers organes de presse le 1er octobre 2020
1er octobre 2020

Pour une banque, l’intégrité et la compétence de ses dirigeants constituent l’une des lignes de défense majeures contre la mauvaise gestion et la fraude. Malheureusement, ce rempart n’est pas toujours solide. Il incombe avant tout aux banques elles-mêmes de s’assurer que les membres de leur organe de direction sont aptes à s’acquitter de leurs fonctions. La BCE, quant à elle, effectue l’ultime contrôle qualité des dirigeants des plus grandes banques de la zone euro : le « fit and proper », dans le jargon des superviseurs. Et ce terme technique recouvre une de nos missions de surveillance prudentielle les plus ardues.

Au cours de la seule année 2019, la BCE a évalué l’aptitude de 2 967 personnes, pour plus de 100 groupes bancaires. Nous tablons sur un même ordre de grandeur pour cette année.

Mais les chiffres ne permettent pas d’exprimer toute l’ampleur de la tâche. Nous examinons le profil des dirigeants des banques au regard des normes énoncées par une directive de l’UE adoptée en 2013, ou plutôt des textes de loi qui ont transposé ces normes au niveau national. La manière dont la directive a été transposée – ou pas (encore) transposée – varie cependant selon les États membres. La directive prescrit, entre autres, que les membres de la direction doivent disposer de l’honorabilité et des connaissances, des compétences et de l’expérience nécessaires pour remplir leurs attributions. Ils doivent faire preuve à tout moment d’honnêteté, d’intégrité et d’indépendance d’esprit, et pouvoir consacrer un temps suffisant à l’exercice de leurs fonctions.

Souvent, la notion légale des concepts de réputation, d’indépendance d’esprit et de disponibilité diverge d’un pays à l’autre. Quels types de faute pourraient rendre une personne inapte à devenir ou à rester membre d’un organe de direction ? Dans quelle mesure les procédures judiciaires en cours doivent-elles être prises en compte ? Quel poids convient-il d’accorder à une condamnation pénale passée ? La réponse à ces questions diffère suivant le pays. Par ailleurs, le droit national peut soumettre l’évaluation de l’aptitude à des échéances plus ou moins longues, voire ne fixer aucune échéance. Il peut aussi imposer aux banques d’obtenir l’approbation des autorités avant de procéder à des nominations, ou, au contraire, autoriser une approbation a posteriori.

Pour mieux tenir compte de cette hétérogénéité et respecter les règles formulées par la directive, la BCE a travaillé avec les contrôleurs bancaires nationaux afin d’élaborer, dans la mesure du possible et du droit applicable, une interprétation commune des critères d’aptitude. Nous avons ainsi pu lever quelques-uns des principaux obstacles, mais cela ne suffit pas.

Nous franchissons à présent une nouvelle étape. La BCE s’apprête en effet à combler les lacunes existantes en évaluant les dirigeants des banques de façon plus stricte et plus intrusive. Nous accorderons toujours plus d’attention à l’impact des dirigeants sur la solidité et la stabilité de leur établissement. S’il ressort de notre évaluation qu’une personne n’est pas apte à occuper le poste envisagé, nous nous prononcerons contre sa nomination (ou son maintien), conformément aux règles de l’Union européenne. Nous étudierons également plus en détail tous les éléments qui pourraient entacher la réputation de la personne en question, par exemple l’existence de condamnations pénales antérieures ou de procédures judiciaires ou administratives en cours.

Ce durcissement progressif de nos exigences s’accompagnera d’un accroissement de la transparence, qui consistera à expliquer plus clairement nos attentes concernant les membres de la direction des banques. La BCE publiera une version révisée de son guide relatif à l’évaluation de l’honorabilité et de la compétence. Nous analyserons plus précisément la responsabilité individuelle des membres de la direction : un dirigeant ayant commis une faute, ou passé sous silence une faute commise par un pair, ne pourra plus invoquer la responsabilité collective de l’organe de direction. Le guide explicitera aussi dans quelles situations et de quelle manière l’apparition de nouveaux éléments pourrait nous conduire à réexaminer l’aptitude des membres de la direction.

Le processus d’évaluation gagnera en efficacité et en accessibilité grâce à un portail en ligne, que les banques pourront utiliser pour déposer leurs demandes d’évaluation. La BCE encouragera les banques à soumettre leurs demandes avant que les personnes concernées ne prennent leur poste, pour que les évaluations prudentielles puissent être menées plus tôt. En parallèle, la BCE consolide son processus interne de prise de décision en instituant un département consacré à ces évaluations, mais aussi un comité des sanctions, lesquels garantiront l’indépendance et la régularité des travaux.

L’intégration du secteur bancaire européen laisse toujours à désirer dans plusieurs domaines. Il en va de même pour les critères d’aptitude des membres de la direction des banques. Les cas d’inadéquation de la gouvernance et les divergences entre normes nationales sont de moins en moins supportables. Le caractère incomplet et disparate de la transposition, en droit national, de la législation de l’UE ne devrait pas saper les efforts de la BCE visant à renforcer encore la bonne gouvernance des banques européennes. Une plus grande harmonisation de la législation nationale, dans l’idéal au moyen d’un règlement européen directement applicable dans tous les États membres, appuierait sans conteste ce processus.

Source BCE via le Service de Supervision Bancaire ici

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