Les menaces de rétorsion symbolique de l’Union européenne semblent avoir porté leurs fruits. En effet, le constructeur de motos (Harley) est une des plus grandes entreprises du Wisconsin, l’État de Paul Ryan, président de la Chambre des Représentants. Quant au bourbon, c’est un produit phare du Kentucky, d’où vient le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell…
C’était donc des symboles ciblés sur des poids lourds de la politique américaine. Cela montre également que Trump n’est pas un dictateur isolé, mais bien un président qui est obligé de composer aussi avec les réalités d’une classe politique.
Il ne faut ni sous-estimer Trump, ni surestimer non plus son pouvoir.
Charles SANNAT
Alors que le Président américain souhaite imposer des taxes à l’acier et à l’aluminium importés, M. Juncker a répondu en menaçant plusieurs produits américains de contre-mesures. Jérôme Lambert, député de Charente, analyse pour Sputnik ces échanges perçus comme le début d’une guerre économique.
Le 2 mars dernier, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, annonçait des « contre-mesures visant les produits américains, notamment Harley Davidson, le bourbon et les jeans Levi’s », avec une rhétorique peu habituelle pour l’homme, qui avait ajouté « Nous aussi, nous pouvons être stupides ».
Il répondait ainsi au Président des États-Unis, qui s’était engagé la veille à augmenter les droits de douane américains sur l’aluminium et l’acier importés, de 10 et 25 % respectivement.
« L’ensemble des importations en direction des États-Unis serait concerné, donc l’Europe serait visée. C’est la raison pour laquelle la Commission européenne a d’ores et déjà annoncé qu’elle prendrait des mesures pour rééquilibrer les choses », explique Jérôme Lambert, vice-président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
En ciblant Harley Davidson et le bourbon, M. Juncker n’attaque pas à l’aveugle. Le député de Charente confirme d’ailleurs la volonté politique derrière le choix des produits concernés par d’éventuelles contre-mesures européennes :
« Ces produits ont dû être pensés par la Commission européenne comme étant des produits sensibles, dont la taxation produirait un effet dans l’opinion et dans la classe dirigeante américaine de façon à les amener à réfléchir. »
Le constructeur de motos est une des plus grandes entreprises du Wisconsin, l’État de Paul Ryan, président de la Chambre des Représentants. Quant au bourbon, c’est un produit phare du Kentucky, d’où vient le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell.
M. Ryan et M. McConnell comptent parmi les Républicains les plus influents à l’heure actuelle et tous deux sont des chevilles ouvrières de la politique de Donald Trump de par le rôle qu’ils occupent dans chacune des deux chambres du pouvoir législatif.
En 2002 déjà, Georges W. Bush avait décidé d’imposer une majoration des droits de douane sur certains produits d’origine européenne. Et à l’époque déjà, l’Union européenne avait mis en place des contre-mesures plus politiques qu’économiques en visant les oranges de Floride, alors gouvernée par Jeb Bush.
L’économiste belge André Sapir expliquait dans le Washington Post que l’Union européenne « veut frapper des domaines et des États politiquement sensibles » afin d’essayer de « changer le cours d’une décision qui n’a pas encore été prise ». Une analyse partagée par M. Lambert :
« J’espère qu’il y a une fenêtre pour éviter la guerre d’une manière générale. Elle prend aujourd’hui la forme commerciale, économique. Le mot guerre est toujours brandi et ce sont des éléments qui font peur et qui doivent être évités. »
De son côté, le ministre des Finances allemand, Sigmar Gabriel, dénonçait une décision américaine « incompréhensible » et déclarait que les augmentations tarifaires souhaitées par Donald Trump étaient « punitives » et qu’il fallait y répondre « de manière décisive ». Le député tempère ces propos et explique son positionnement :
« La position que j’ai sur ces mesures, dans un sens ou dans un autre, c’est que ce ne sont jamais de bonnes pratiques. La guerre américano-japonaise était au départ une question de taxation sur des produits sensibles, voire vitaux pour les Japonais. Quand on commence à brandir l’arme de la guerre économique, on ne sait pas trop où cela va finir. »
Mais les États-Unis ont-ils réellement les moyens d’engager une guerre commerciale avec l’Europe ? Interrogé à ce sujet, Jérôme Lambert explique que la question n’est pas de savoir si les parties peuvent se permettre un tel affrontement, mais de savoir comment l’éviter.
« Nous avons tout intérêt à tout mettre en œuvre pour empêcher M. Trump de parvenir à créer des tensions supplémentaires dans le monde. C’est parce que nous avons des relations commerciales fortes que nous devons résister et empêcher cette dérive dans les relations entre l’Europe et les États-Unis. »