C’est histoire triste est finalement assez « classique » hélas, où les bons sentiments ne font jamais une bonne gestion.

Précurseur et « utopiste », Laurent Dupuy avait converti toute la flotte de son entreprise de transport au gaz

: des camions flambant neufs, malheureusement mis en service juste avant la guerre en Ukraine et qui conduisent aujourd’hui l’entrepreneur alsacien au bord de la faillite.

« On fait un métier très polluant, je le sais, mais on porte l’écologie dans notre ADN, c’est important pour nous », explique le patron de « Dupuy L’éco-logique ». « On voulait rouler plus propre, on a donc commencé en 2020 par faire un test avec quatre camions fonctionnant au GNL (Gaz Naturel Liquéfié, NDLR). Comme ça a parfaitement fonctionné, j’ai ensuite décidé de changer toute ma flotte pour 15 camions modernes roulant au gaz. »

Mais les délais de livraison, allongés avec les perturbations dues au Covid, font qu’il reçoit ses nouveaux véhicules en février et mars 2022. Pile au début de la guerre en Ukraine.

– Explosion des prix –

Résultat, pour faire le plein dans les rares stations fournissant du GNL, la société doit débourser l’an dernier jusqu’à 4,50 euros par kilo de gaz – l’équivalent d’un litre de carburant – contre moins d’un euro avant la flambée des prix. Intenable pour le transporteur qui perd 900.000 euros et va demander lundi son placement en redressement judiciaire.

« Avec le recul, je reprendrais des camions au gaz, j’ai eu raison », maintient M. Dupuy. « La technologie est là, les véhicules sont performants. Sinon on ne résoudra pas les problèmes de pollution. On est obligé d’aller dans ce sens ! On nous a demandé de faire du vert, moi j’ai été le premier à faire du vert et à passer tous mes camions au gaz. Mais malheureusement on ne pouvait pas imaginer qu’il y aurait la guerre en Ukraine et une telle spéculation sur le prix du gaz ».

Si je suis triste pour ce monsieur, son entreprise et ses employés, il ne faut jamais oublier quelques règles de gestion simples, auxquelles il ne faut jamais déroger.

1/ Les bons sentiments ne font pas les bonnes décisions.

2/ Il faut toujours diversifier et ne jamais mettre tous ses oeufs dans le même panier, et passer toute sa flotte au gaz était une erreur.

3/ Avoir raison trop tôt c’est avoir tort.

4/ Avoir raison contre le marché c’est avoir tort.

Si vous êtes transporteur, il ne faut pas être innovant. Il faut être avec la grande masse qui « protège ».

Si tout le monde ou si 95 % des camions roulent au diesel, il faut rouler au diesel, car Paris est approvisionné à 95 % par les camions diesel… ils rouleront et auront donc du disel. Les camions au gaz étaient totalement insignifiants dans ce qu’ils déplacent comme marchandises, ils n’ont pas été sauvés.

Le « too big too fail » fonctionne dans tous les secteurs importants.

C’est un très beau cas d’erreur stratégique de base, c’est très triste, mais cela doit servir de base de raisonnement.

Charles SANNAT

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