Une faillite “sèche” d’un Etat survient à partir du moment où l’énEtat concerné ne peut pas monétiser sa dette, ou dit autrement lorsqu’il n’a pas de banque centrale autonome. C’est le cas des pays européens.
Tant que la BCE soutient les différents membres de la zone euro, il n’y a pas à craindre de faillite brutale d’Etat ni de crise à la grecque comme cela avait été le cas en 2011. Encore faut-il que le consensus politique européen soit suffisant, et c’est lorsqu’il faudra payer les uns pour les autres que les problèmes risquent de se poser.
Si la monétisation permet d’éviter une faillite brutale et la cessation de paiement, cela n’empêche, en revanche, nullement la perte de valeur de la monnaie qui se matérialise par des taux d’inflation allant de fort à très très fort, et il vous suffit de penser aux exemples vénézuélien, argentin ou encore zimbabwéen.
Charles SANNAT
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Covid-19: les États feront-ils faillite? «Des accidents très sérieux sont devant nous»
Le niveau record de 277.000 milliards de dollars (233.400 milliards d’euros) d’endettement mondial devrait être atteint d’ici la fin 2020. Sans surprise, la crise du Covid-19 l’a fait exploser. Pour l’économiste Jean-Jacques Rosa, des défauts de paiement de pays et d’entreprises seront inévitables. Entretien-choc.
Les chiffres sont tels qu’il devient difficile de se les représenter. D’après une récente étude de l’Institute of International Finance (IIF), l’endettement mondial devrait passer le cap historique des 277.000 milliards de dollars (233.400 milliards d’euros) d’ici la fin de l’année.
Le collectif regroupant plus de 400 banques et institutions financières opérant à travers la planète note que la dette globale avait déjà crue de 15.000 milliards de dollars fin septembre, pour atteindre 272.000 milliards. Ce sont les États, majoritairement développés, qui sont responsables de près de la moitié de cette augmentation, souligne l’étude.
De nombreuses économies à travers la planète ont sorti l’artillerie lourde pour faire face à la crise. À coups de centaines de milliards, les plans de relance se sont multipliés. Aux États-Unis par exemple, un nouveau plan d’aide fait l’objet d’âpres discussions entre Républicains et Démocrates. Il doit prendre la suite d’un premier soutien de plus de 2.200 milliards de dollars adopté en mars.
Une augmentation du risque de faillite
Du côté de la France, ce sont 100 milliards d’euros qui ont été mis sur la table en attendant le fonds de relance européen de 750 milliards d’euros, toujours bloqué par la Pologne et la Hongrie.
«Il faut faire attention avec les chiffres bruts de dette. C’est la capacité de remboursement des institutions financières endettées qui compte. Aujourd’hui, les chiffres sont tellement colossaux, notamment au niveau de la masse monétaire, que vous entendez parler de milliers de milliards de dollars ou d’euros. Mais l’essentiel quand on parle de dette est le ratio entre l’endettement et les revenus qui permettent de résorber cette dette», relativise au micro de Sputnik Jean-Jacques Rosa, docteur en économie.
Reste que ce dernier juge les niveaux d’endettement actuels «extrêmes». Aux États-Unis, la dette totale (publique comme privée) devrait augmenter jusqu’à 80.000 milliards de dollars en cette fin d’année. Ce sont 9.000 milliards de plus qu’à la fin 2019. La zone euro n’est pas en reste, puisque la dette y a augmenté de 1.500 milliards de dollars lors des neuf premiers mois de l’année. Elle a atteint 53.000 milliards à la fin du mois de septembre.
Quelles conséquences pour l’économie pourrait avoir un endettement si colossal?
«La première est l’augmentation du risque de faillite des débiteurs. Avec un tel niveau d’endettement, le moindre accident sérieux dans le flux des revenus peut se traduire par une insolvabilité définitive», répond Jean-Jacques Rosa, auteur de «L’euro: Comment s’en débarrasser» (Éd. Grasset).
L’augmentation du niveau d’endettement touche particulièrement les pays développés. La dette représentait ainsi 432% de leur PIB total à la fin du troisième trimestre 2020 contre 380% à la fin 2019. Même les économies émergentes, traditionnellement moins endettées, sont également frappées. Leur ratio dette/PIB atteignait environ 250% fin septembre et 335% pour la Chine.
L’IIF note que les plus importantes augmentations du ratio d’endettement du secteur non financier ont été constatées au Liban, en Chine, en Malaisie et en Turquie, dont l’économie est en très mauvaise posture depuis plusieurs semaines. D’ici la fin 2021, environ 7.000 milliards de dollars d’obligations et d’emprunts syndiqués de pays émergents arriveront à échéance. Pour 15% d’entre eux, ils sont libellés en dollars. Problème: malgré des taux faibles, la baisse des recettes fiscales avec laquelle doivent composer les pays émergents fait que le remboursement de ces dettes est «beaucoup plus coûteux».
«Impossible de rembourser»
Jean-Jacques Rosa assure que les politiques monétaires menées actuellement sont en grande partie responsables de ce niveau d’endettement planétaire:
«Quand vous inondez les économies avec de la création monétaire, cela va de pair avec la baisse des taux d’intérêt. Un tel contexte rend extrêmement tentant l’endettement. En voulant lutter contre des récessions successives depuis le début des années 2000, les dirigeants, notamment des États-Unis et de l’Union européenne, ont mis en place des politiques monétaires ultras laxistes. Ceci est la source d’une partie conséquente du problème.»
Les taux d’intérêt sont effectivement très bas, voire négatifs pour certains pays comme la France qui emprunte à 10 ans à -0,340, ce 23 novembre. Dans le même temps, de nombreuses Banques centrales ont mis en place de vastes programmes de rachats d’actifs et de prêts pour soutenir l’économie.
Le 9 avril dernier, la Réserve fédérale américaine (FED) annonçait 2.300 milliards de dollars de prêts, majoritairement destinés aux entreprises et collectivités locales impactées par la crise du Covid-19. La FED «devrait certainement être contrainte d’étendre au-delà de fin 2020 les différents programmes de soutien mis en place depuis le printemps dont une grande partie arrive à expiration dans les semaines à venir», note ce 23 novembre Saxo Bank, citée par Capital.
Du côté du Vieux Continent, la Banque centrale européenne (BCE) a dégainé son PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) d’un montant de 1.350 milliards d’euros. 600 milliards ont déjà été dépensés et l’enveloppe continue de se vider.
«Il y a d’importantes incertitudes sur la manière dont l’économie mondiale pourra se désendetter à l’avenir sans conséquences négatives importantes pour l’activité économique», prévient l’IIF.
«Cela me paraît impossible de rembourser. Je pense que nous assisterons à des défauts de paiement de pays et d’entreprises. Des accidents très sérieux sont devant nous», alerte quant à lui Jean-Jacques Rosa.
D’après l’économiste, il sera difficile d’aller plus loin dans l’austérité, qu’il qualifie de «cercle vicieux»: «C’est la déflation par la dette. Plus vous renforcez l’austérité pour rembourser la dette et servir les intérêts, plus vous affaiblissez les économies.»
«À l’époque de la crise grecque, je soutenais qu’il fallait annuler une partie de leur dette, car dans le cas contraire, leur économie se retrouverait dans l’incapacité de redémarrer. C’est ce qu’il risque de se passer à une plus grande échelle», conclut l’expert.
Source Agence de Presse russe Sputnik.com ici