Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Mes chers et fidèles lecteurs.
La dernière étude d’Oxfam fait couler beaucoup d’encre, et c’est bien normal.
Faut-il être opposé à la richesse ou à la propriété privée ? Bien évidemment que non.
La propriété privée et l’accumulation de capital, c’est-à-dire de richesse, sont à la base du développement économique mondial. Or, il est important de constater ce qui est bien et ce qui est mal.
Ce qui est bien, c’est que malgré les inégalités d’aujourd’hui, nous vivons mieux en 2019 que nous vivions il y a un siècle. De l’espérance de vie à nos conditions de vie, tout est mieux, ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait s’en satisfaire.
Ce qu’il y a de moins bien, c’est qu’évidemment nous voyons apparaître à nouveau des problèmes que nous pensions justement avoir réglés.
Du ruissellement à l’évaporation !
Ce qu’il faut distinguer, c’est deux choses essentielles. Le fait d’accumuler et le fait de réguler. Il ne peut y avoir de propriété privée que si cette dernière est « régulée » par des contre-pouvoirs qui vont permettre d’éviter que du ruissellement nous passions à l’évaporation industrielle.
Je m’explique.
Si vous accumulez de la richesse, cela ne pose pas de problème ou très rarement si vous n’êtes pas en situation d’abus de pouvoir.
L’abus de pouvoir dans l’accumulation de richesse c’est évidemment la corruption, les conflits d’intérêts ou encore la situation de monopole. C’est le capitalisme de connivence. Nous sommes en plein dedans. C’est une déviance du capitalisme qu’il faut combattre, car cela devient, comme je le disais hier, le totalitarisme marchand.
Prenez l’exemple d’une réussite fabuleuse comme Amazon. Le problème d’Amazon, c’est sa position de monopole et de toute-puissance qui en fait un monstre froid qu’il faudra démanteler justement au nom des lois sur les monopoles. Nous parlons ici de contre-pouvoir.
Établir des contre-pouvoirs ne signifie pas remettre en cause la propriété privée. Bien au contraire. C’est rendre la propriété privée juste.
Dit autrement, ce sont les règles morales du juste usage de votre propriété. Ce juste usage c’est faire la différence entre propriété privée et privante, propriété futile et fertile.
Sans morale, plus de limites !
Cela nous amène à la morale. Nous sommes dans un monde où la morale c’est ringard, dégueulasse. Il y a le Prôôôgrèèèès (à dire en bêlant comme des ânes) et la morale, qui vous rappelle forcément des vertus rances et moisies… Beurk, immonde.
Sauf, que tout ne se vaut pas, et que dans un monde où l’on aime détester la morale, où il est de bon ton de critiquer la moralité, il ne faut pas s’étonner d’arriver à une société du plus fort, où plus rien n’entrave les pulsions des êtres humains que nous sommes… et que l’appât du gain soit sans limite.
La morale est un contre-pouvoir aussi vieux que l’humanité. Supprimez la morale et vous avez un monde sans foi ni loi : économiquement, exploiter l’autre jusqu’à la mort n’est plus un problème moral.
Lors d’un dîner en ville à la campagne, ce week-end, nous évoquions l’affaire Ghosn, et je faisais référence au salaire d’un de ses prédécesseurs dans un groupe concurrent, à savoir Jacques Calvet, patron dans les années 90 du groupe PSA.
Monsieur Calvet devait gagner chaque mois quelque chose comme 200 ou 300 000 francs, ce qui veut dire 30 000 euros ou 360 000 euros annuels, ce qui est une poignée de cerises comparée aux dizaines de millions perçus par Carlos Ghosn.
La morale c’est ce qui fait qu’un pompier pompe pour 2 000 euros par mois !
La morale rejoint par extension l’engagement et le sens de son travail, et c’est ce qui fait que les gendarmes gendarment, que les pompiers pompent ou que les infirmières soignent, sans oublier les enseignants qui enseignent pour des salaires de misère allant de 1 500 à 2 000 euros par mois.
La morale c’est ce qui rend la vie en société plus supportable.
La morale c’est aussi ce qui peut nous unir au lieu d’un individualisme forcené qui nous oppose.
Morale, contre-pouvoir, fiscalité sont autant d’éléments qui permettent d’organiser un ruissellement positif pour la société plutôt qu’une évaporation systématique de tous les profits.
L’une des causes principales de nos maux est « institutionnelle », dans la mesure où, pour une large part, nos institutions ont été dévoyées, notre morale collective et laïque a été laminée et détruite, les contre-pouvoirs, annihilés.
Logiquement, les profits s’évaporent, ils fuient, ils s’évadent, fiscalement. On nous rapine, et l’on nous demande en plus de trouver cela très bien et d’applaudir des deux mains.
Les vraies questions!
Alors comment fait-on pour éviter le développement de ce capitalisme de connivence ?
Comment définir des contre-pouvoirs efficaces ?
Quel rôle de contrôle permanent pour les citoyens ?
Comment remettre de la morale dans notre éducation et nos comportements ?
Comment concevoir une société plus juste sans qu’elle soit oppressive à l’égard de ceux qui créent et entreprennent ?
Comment encourager le vertueux ?
Comment améliorer nos institutions pour instituer le ruissellement profitable à tous, et éviter l’évaporation nuisible à chacun ?
Comment doit-on utiliser la monnaie ?
Voilà des questions (liste non exhaustive) absentes, mais qui méritent certainement, elles, un véritable grand débat ! Parce que franchement, savoir si je dois rouler à 80 ou à 90… je m’en fiche royalement, dans le sens où cela n’est pas l’essentiel et qu’il ne faut pas se laisser enfermer dans des sujets insignifiants. Quand on occupe notre temps de cerveau disponible avec la limitation de la vitesse à 80 km/h, on ne parle ni des banques, ni de la monnaie, ni des institutions, ni des contre-pouvoirs, ni de la place des citoyens.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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