Notre ami Hubert revient sur cette histoire fameuse de croissance. La croissance et l’obsolescence. C’est quoi donc cette croissance ? Une unité de mesure permettant de quantifier chaque année combien on a acheté de bidules supplémentaires par rapport à l’année d’avant. Des bidules dont on n’a souvent pas du tout besoin et achetés avec de l’argent que nous n’avons pas, et produits généralement bien loin de chez nous, ce qui nécessite d’horribles montants de matières premières et une dépense d’énergie phénoménale pour transporter cette “croissance” de son lieu de production à son lieu de consommation, générant aussi de la “croissance” en termes financiers.
Bref, savoir si cette croissance est soutenable est la question qu’il ne faut pas poser, car la croissance c’est l’alpha et l’oméga de tout le système économique mondial.
Charles SANNAT
L’inflation de l’époque permettait au plus grand nombre d’entre nous de « nous offrir toutes ces merveilles. On appelle cette ère de prospérité « les 30 glorieuses ». On peut résumer cette période (1946-1973) en trois mots : croissance, plein emploi, progrès. Le premier « choc pétrolier » en 1973, donne un coup d’arrêt à la progression de la croissance. Son taux passe brusquement de 5,3 % à -1 %.
Par Docteur Saint James — Travail personnel, CC BY-SA 4.0
Deux phénomènes se produisent simultanément. L’augmentation réelle du prix des biens et services, du fait de la baisse de l’inflation et le taux d’équipement des ménages en biens de toutes sortes (réfrigérateur, lave-linge, lave-vaisselle, télévision, hi-fi, voiture, scooter, etc.) qui atteint son apogée. Ce mouvement est lent… Mais continu.
Il me semble aisé de comprendre que lorsqu’un ménage est pourvu de « tout le confort », il ne va pas acquérir un quatrième réfrigérateur, un deuxième four à micro-ondes, une troisième voiture, une deuxième chaine hi-fi, un cinquième téléviseur… Le marché de l’équipement est FI-NI, au grand dam des constructeurs qui ont toujours « une innnnovation » à nous vendre. C’est alors qu’une idée de génie fait son chemin chez certains… Tous ?… Non, je n’ai pas pensé tous… Quoique :
- Et si, pour continuer à VEN-DRE PLUS, je faisais en sorte de « raccourcir » la vie de mes produits ??… J’en vendrais encore PLUS et plus souvent.
- Voyons voyons, pour augmenter la fréquence de renouvellement de l’achat de mes merrrrveilleux produits, si en plus des « nouveautés » qui tendent à les rendre rapidement périmés, je les fabriquais avec des matériaux… Non pas de moins bonne qualité, j’y perdrais mon exxcccccellente réputation, mais avec des composants ayant une moindre longévité ?? De plus, cela me coûterait moins cher !!!
C’est ce raisonnement qui transforme le phénomène naturel du vieillissement des choses, autrement dit l’obsolescence, en une aberration (mais ôôô combien profitable) qu’est l’obsolescence PRO-GRAM-MÉE. Pour s’assurer le soutien des « politiques », l’argument est malin : Monsieur le Député, lorsque je fabrique mes produits, je crée ou je maintiens des emplois. C’est « la phrase magique ».
Aujourd’hui, pour beaucoup de produits, nous arrivons à la fin d’un marché d’équipement et, sauf quelques secteurs pouvant encore bénéficier de technologies de pointe ou de quelques innovations, nous sommes entrés dans un marché de renouvellement qui, par définition, est plus restreint.
Le langage employé est aussi révélateur. Remarquez comme le terme « consommateur » remplace de plus en plus souvent celui de « client ». IL FAUT CON-SOM-MER. D’autre part, souvent, nous voulons « conserver des emplois » dans des secteurs qui n’ont, économiquement, plus lieu d’être. Comment, dans ce cas, pouvons-nous « honnêtement condamner » l’industriel en question qui aura recours à l’obsolescence programmée pour « survivre » ? Ce sujet de l’obsolescence programmée est bien connu de mes fidèles lecteurs, puisque je l’ai abordé dans mes billets.
Beaucoup de personnes élargiraient leur vision des choses en lisant « Capitalisme, socialisme et démocratie » de Joseph Schumpeter, livre dans lequel il développe la théorie de la destruction créatrice. C’est une réalité qui n’est pas nouvelle : en permanence, des métiers (donc des emplois) disparaissent, d’autres apparaissent.
CE QUE L’ON NE VOIT PAS
Réjouissons-nous, car la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transmission énergétique pour la croissance verte, dans son article 99, crée l’article L213-4-1 du code de la consommation qui nous précise « L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». De plus, il punit cette pratique « d’une peine de prison de 2 ans et d’une amende de 300 000 € ». Celle-ci peut être portée « à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits ».
En première lecture, nous pouvons légitimement déduire que « le législateur » a bien pris conscience du phénomène de l’obsolescence programmée et qu’il entend donner un avertissement clair à ceux qui « abuseraient » de cette possibilité. En relisant attttentivement cet article, deux limites m’apparaissent :
- La sanction n’est pas « si dissuasive » qu’il y paraît quand des dizaines de millions d’euros de profits sont en jeux ;
- Pour « arriver » à la sanction, il faut déjà être en mesure de prouver la pratique de ce délit !! Ce n’est pas gagné d’avance.
Mais que m’arrrrrive-t-il ? Je dois certainement être dans une phase de « pessimisme avancé » pour raisonner de la sorte !!! Je prends d’autant plus conscience de mon « attitude déviante » lorsque j’apprends par la presse que l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP) a, le 18 septembre dernier, déposé une plainte très argumentée en « obsolescence programmée et tromperie » contre plusieurs fabricants d’imprimantes. « Une première depuis 2015 » nous dit Challenges, qui précise : « Il s’agit de la première action judiciaire française sur le fondement du délit d’obsolescence programmée », dit HOP, accusant les fabricants concernés de raccourcir « délibérément » la durée de vie des imprimantes et des cartouches. »
Me voilà prêt à me flageller, que dis-je, flageller n’est pas sufffffisant. Je vais me suicider par noyade, en maintenant ma tête dans le caniveau situé devant mon bureau… Quand, saisi d’une dernière intuition… Je me dis « Pépère, il faut que tu ré-analyse cet article du code de la consommation, tu as dû le lire trop vite ». Aussitôt, je demande à l’employé municipal de ne pas encore ouvrir le robinet qui va alimenter le caniveau destiné à l’exécution de mon funeste projet et je scrute « une dernière fois » mon écran… Je n’en crois pas mes yeux !!!!
Cet article L 213-4-1, créé le 17 août 2015… Est A-BRO-GÉ en date du 14 mars 2016 !!
Nous autres Occidentaux devrions plus facilement souscrire et faire nôtre le principe bouddhique de « l‘impermanence des choses », Anicca.
Mieux… Ou peut-être pire, si l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 abroge cet article, il est remplacé par l’article L441-2 du code de la consommation … Efffffectivement, c’est pire. Voyez vous-même :
Vous avez bien lu… Les sanctions ont disparu !!!
Et la presse qui se félicite de l’action de l’association HOP… En omettant de porter à la connaissance de ses lecteurs le fait, capital, de ce changement dans la réglementation !! Oui, on va traîner (à grands frais) un fabricant d’imprimantes en justice qui, quand bien même et c’est très loin d’être acquis, il serait condamné… Ne subira ni amende ni prison, puisque LA LOI ne mentionne pas (PLUS) de sanctions !!!
QUI, dans ce pays, « fabrique » la loi ? … Le législateur. Mais « qui c’est ce gars » dont les « merdias » parlent toujours et que l’on ne voit jamais ?… Nos chers députés et nos chers sénateurs… Ceux que NOUS élisons !!!! Alors soyons un peu plus cohérents. Au moment de les élire ou les réélire, au lieu de nous contenter de leur belle profession de foi… Souvenons-nous de faits tels que celui que je viens de vous exposer. Ce n’est pas le seul, assurément. Et au cours de leur mandat, il faut leur demander des comptes sur ce qu’ils font.
Connaissez-vous le site de l’observatoire citoyen de l’activité parlementaire ? Il nous permet de connaître, pour tous les députés : les présences relevées, la participation aux travaux parlementaires (entre autres l’élaboration des lois), les questions posées au gouvernement, ses rapports… Tout ce pour quoi nous les avons élus. Nous élisons « notre député » en confiance, oui, mais la confiance n’exclut pas le contrôle !!!
NE SOYEZ PLUS DES PIGEONS, DEVENEZ SEREINS
En quoi tout cela me concerne ? De toute manière, je ne peux rien faire à mon niveau. Et mes sous dans tout ça ?… « Soit le changement que tu veux voir dans ce monde » (GANDHI).
Nous ne pouvons plus faire « comme » si cela ne nous concernait pas. Tout cela NOUS concerne et aussi nos enfants. Il est temps, pendant que nous avons (encore) le droit de le faire, de nous impliquer dans le changement de ce monde. Déjà en NOUS posant les « questions qui fâchent » :
- Ai-je vraiment besoin de tout ce « confort » ? (Pourquoi 3 smartphones ?)
- Quel est le « véritable coût pour la planète » du dernier modèle de réfrigérateur connecté qui me rendra la vie « si confortable » ?
- Cela m’apporte quoi DE PLUS d’acquérir ce téléviseur ultra-haute définition OLED au format XXL… Alors que j’ai une très bonne vue.
Nous, « consommateurs/clients », avons le pouvoir de faire plier les industriels en boycottant leurs produits. Cela « fonctionne » dans d’autres pays. Pourquoi pas chez nous ? Il est temps de prendre NOS responsabilités et nous « mettre au boulot ». Il y a tant à faire.
Chers lecteurs, prenez bien soin de vous. Je vous aime et vous salue.