Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
C’est un article récent d’Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph ici, que je n’avais pas traduit depuis fort longtemps mais qui nous livre comme toujours, une information très importante.
En effet, il nous apprend que la Bundesbank (la banque centrale allemande) « a averti qu’elle pourrait subir de lourdes pertes si un grand pays quittait l’euro et faisait défaut sur ses dettes envers le système de la Banque centrale européenne, mais a averti que toute tentative de préparation à une telle crise pourrait se retourner contre elle en déclenchant une attaque spéculative »…
Rien que ce premier constat est alarmant. Le premier point c’est que les pertes seraient lourdes, le second, c’est que le fait de s’y préparer serait admettre le risque et la probabilité des pertes et donc créer un mouvement auto-réalisateur. Vous avez donc ici les raisons du grand mensonge que l’on vous sert sur la solidité de l’euro qui est une vaste foutaise.
La réalité, c’est que la vérité est indicible sans déclencher une perte de confiance catastrophique menant à l’effondrement. Donc, tout le monde se tait et fait semblant que les choses peuvent encore durer un peu plus longtemps.
D’ailleurs Marcello Minenna, directeur à la commission italienne des valeurs mobilières, a déclaré qu’il serait insensé d’établir une procédure de sortie de l’euro gravée dans le marbre. Les fonds spéculatifs tournent en rond comme des requins pour la mise à mort.
Le sujet des pertes liées à TARGET
« Si le texte de la Bundesbank s’en tient à la ligne standard selon laquelle un démantèlement de l’euro est hypothétique, il admet néanmoins – après des années d’obscurcissement – que le système interne de règlement Target2 de la BCE entraîne des coûts inévitables pour l’Allemagne et les autres États membres de l’UEM si jamais il se produit. Elle donne également l’impression que les autorités monétaires n’ont pas de stratégie claire pour faire face à une telle crise ».
Dans le système TRAGET les crédits à l’égard de l’Allemagne ont atteint 920 milliards d’euros, soit 27% du PIB allemand. Les achats d’obligations par la BCE dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif ont exacerbé les déséquilibres, devenant de fait un canal déguisé de fuite des capitaux en provenance d’Italie.
« Les engagements de Target2 de la Banque d’Italie de l’autre côté du grand livre se sont élevés à 481 milliards d’euros. La Banque d’Espagne doit un montant record de 403 milliards d’euros et la banque centrale portugaise 79 milliards d’euros »…
Oui vous voyez, dans ce système de compensation des flux monétaires en zone euro, l’Espagne est en déficit de 403 milliards, ou de 481 pour l’Italie… comme vous le voyez les montants sont très importants.
Le FMI également est inquiet !
« Le Fonds monétaire international affirme qu’il serait difficile d’empêcher qu’une crise de la dette souveraine en Italie n’engloutisse l’Espagne et le Portugal. La BCE pourrait donc être confrontée à une crise Target2 proche de 1 000 milliards d’euros si le gouvernement rebelle italien déclenchait une réaction en chaîne avec ses billets ” minibots ” – dont il prétend qu’ils sont nécessaires pour couvrir 52 milliards d’euros d’arriérés de l’État envers les entrepreneurs et ménages italiens »… Et oui, l’Italie doit 52 milliards d’euros (pas franchement comptabilisés à ses fournisseurs).
D’après la Bundesbank si un pays quitte l’Euro et que sa banque centrale manque à ses engagements Target2, la BCE devra d’abord utiliser son propre capital et ensuite les fonds des autres banques centrales sur la base d’une “clé de répartition”.
La logique serait que cette séquence finisse par se transformer en appel de marge. Les contribuables allemands, néerlandais, finlandais ou français pourraient être obligés de faire de gros chèques pour renflouer leur banque centrale…
« Pour Clemens Fuest, directeur de l’IFO Institute d’Allemagne, la BCE devra à un moment donné tirer un trait sur la situation. Elle ne devrait pas continuer à accorder des crédits illimités à la Banque d’Italie si la coalition populiste de Rome défie les autorités de l’UE et poursuit des politiques budgétaires qui sapent l’union monétaire ».
L’Italie ne paierait sans doute pas malgré les menaces !
« Mario Draghi, président de la BCE, déclare que la Banque d’Italie sera responsable de la dette de Target2 jusqu’au dernier euro si l’Italie quitte l’union monétaire – bien que ce passif ne soit pas enregistré par Eurostat dans le ratio de la dette italienne au PIB.
En réalité, ces dettes sont un champ de mines légal. Les contrats sont soumis au principe de Lex Monetae. Le professeur Minenna, expert de Target2 à l’Université Bocconi, affirme que la Banque d’Italie est légalement autorisée à rembourser l’argent en lires au taux de change en vigueur sur le marché.
Dans le cas d'”Italexit”, la BCE serait confrontée à une décote de 60 pc sur ses crédits Target2 italiens. Il y aurait une énorme dévaluation par rapport au nouvel euro, qui ne serait plus le même sans l’Italie ».
Pour M. Minenna un « Italexit » sera considéré comme un défaut technique selon les règles de l’ISDA. Le taux de recouvrement de la dette serait d’environ 40pc. Il s’agirait d’un choc financier majeur. “La Bundesbank perdrait beaucoup d’argent”, a-t-il dit. Il en serait de même pour toutes les autres banques centrales résiduelles de l’UEM.
Vers une renégociation de la dette italienne… ou la sortie de l’euro!
« En fin de compte, les créanciers italiens seront confrontés à un choix : soit accepter la défaillance désordonnée d’Italexit, soit placer la dette du pays sur une “voie durable” en allongeant les échéances, soit en appliquant une décote de taux d’intérêt, soit les deux. “Si vous continuez à ajouter de la pression, le verre se brisera à un moment donné,” dit-il.
Le professeur Hans-Werner Sinn de l’Université de Munich a déclaré que le régime Target2 est une tromperie systématique du peuple allemand. Les déséquilibres ne se corrigent pas d’eux-mêmes – contrairement aux créances de la Bundesbank qui ont été longtemps revendiquées – et les crédits existants ne seront jamais récupérés. “Ils sont déjà perdus”, a-t-il dit.
Dans tous les cas l’argent est déjà perdu affirme ce professeur, et il a parfaitement raison. Le résultat est connu, ce qui nous est encore inconnu c’est la manière dont se dérouleront les événements.
L’Italie sortira-t-elle de la zone euro? Les Allemands partiront-ils les premiers? Ou encore, y aura-t-il une renégociation de la dette italienne comme ce fut le cas avec la Grèce et des pertes pour les créanciers? Y aura-t-il une faillite de l’Italie? Personne n’en sait rien, mais la dette italienne n’est plus soutenable, et la dette française ne le sera pas encore très longtemps.
Pour tout dire, la dette française n’est déjà plus soutenable, mais cela ne se voit pas encore.
Nous ne paierons pas toutes ces dettes parce que nous ne pouvons pas le faire. L’une des dernières hypothèses consiste à voir les banques centrales dont la BCE imprimer le nombre de billets nécessaires pour que la partie de Monopoly se poursuive à l’infini ou presque.
Dans tous les cas, c’est la valeur de l’épargne qui souffrira.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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