Je ne résiste pas à partager avec vous une inquiétude de fond sur l’avenir que l’on peut réserver aux discours du terrifiant abbé Pierre.

Pensez donc, voici que cet homme ose faire des appels (à titre posthume) à la haine et à la violence qui constituent désormais des délits d’incitation à la haine ; la loi par son inflation ayant une très fâcheuse tendance à fabriquer chaque année un peu plus de coupables que l’année précédente.

Je pense qu’en toute chose la pondération et la tempérance sont de grandes vertus. Je pense également que la violence est rarement l’arme la plus redoutable. Je crois aussi au pouvoir important de la réflexion qu’il faut favoriser même quand l’époque est aux tweets de 140 caractères, aux « clashs » et aux émoticônes et toutes autres dénégations de la richesse de nos capacités de penser collectives.

Pour ne pas se tromper il faut réfléchir beaucoup!

Réfléchir beaucoup, mettre en perspectives, et ne pas se laisser impressionner par les cris et autres hurlements émotionnels à la mode, de rigueur, ou attendus.

Il faut condamner la violence. Il ne faut même plus chercher à comprendre les origines de la violence ou des violences. Non, il faut condamner, se désolidariser (ce qui implique d’avoir été solidaire), ne pas être « complice ». Pourtant à l’origine de toute les violences, se trouve, souvent, l’injustice. L’injustice est la mère de toutes les violences. Il est fondamental de penser les violences et de savoir de quoi elles peuvent se nourrir, où elles prennent leurs sources.

Voici ce qu’en disait l’Abbé Pierre…

« Vous avez plus de sang sur vos mains d’inconscients que le désespéré qui a pris des armes pour essayer de sortir de son désespoir ».

Faut-il interdire l’Abbé Pierre et sa fondation pour incitation à la haine?

Dans notre époque hystérique, je pose la question.

Faut-il interdire l’abbé Pierre, lui qui dénonçait aussi « violemment » les dérives de notre monde et de nos sociétés.

Lui, qui « violemment » tapait du poing sur la table pour rappeler à nos puissants leurs devoirs d’humanité.

Faut-il interdire l’abbé Pierre, lui qui « justifie » presque, « comprend » les violences, et va même folie ultime jusqu’à mettre sur le même plan la violence sociale avec certaines violences physiques?

N’est-il pas dangereux de laisser croire que prendre les « armes » contre les « désespoirs » n’est pas plus coupable au regard de Dieu que d’exercer une violence sociale, politique ou économique à l’égard des peuples?

Enfin, ne faut-il pas interdire le prénom même de Pierre, puisque cela désigne également un objet naturel qui se transforme en « ob-jet » utilisé comme projectile devenant ainsi une arme par destination au même titre que les lunettes de piscine ou même les slips que portent ces messieurs et que l’on pourrait toujours transformer en fronde et ou lance-pierre.

Il n’y a pas dire, il faut peut-être interdire l’abbé Pierre… Evidemment l’abbé Pierre, ne fait que rappeler la violence première, créatrice de toutes les autres violences, et que la violence des puissants est bien plus grave au regard de Dieu et de la morale que celle des gueux qui l’utiliserait pour se libérer de la première.

Cela ne justifie pas la violence ici-bas, mais ne fermera pas la porte des cieux à certains « violents ».

Toutes les violences ne sont pas égales.

Pour le reste, en toutes circonstances, préservez la vie, ne laissez pas les passions l’emporter sur les raisons, et servez-vous de la force redoutable… de la non-violence comme l’abbé Pierre l’a évidemment toujours fait.

Charles SANNAT

Please complete the required fields.