“Comme dans les années 1970, l’inflation aux Etats-Unis est en partie due à une politique monétaire accommodante
Le scénario observé aujourd’hui outre-Atlantique rappelle celui d’il y a cinquante ans, lorsque la hausse des prix était trop rapidement attribuée aux seuls chocs pétroliers.

« It’s the economy, stupid » : « c’est l’économie, idiot », avait soufflé un conseiller de Bill Clinton, en 1992, pour expliquer la victoire du démocrate face au républicain George Bush père, dans la foulée d’une récession. « It’s the inflation, stupid », serait-on tenté de paraphraser, à l’approche des élections de mi-mandat qui s’annoncent très difficiles pour le parti démocrate. La hausse des prix, qui a atteint 7,5 % en janvier, un record depuis 1982, se transforme en poison pour le président des Etats-Unis, Joe Biden.

Certes, l’inflation n’est pas encore le premier sujet de préoccupation des Américains, comme elle le fut au début des années 1980. Mais elle rogne le pouvoir d’achat des salariés, tandis que le pessimisme se diffuse dans le pays : le moral des consommateurs mesuré par l’université du Michigan est au plus bas depuis dix ans, tandis que seuls 25 % des Américains pensent que le moment est opportun pour acheter un logement, découragés par la spéculation, la hausse du prix des matériaux de construction et le renchérissement du loyer de l’argent.

L’économiste néokeynésien Larry Summers, qui alerta dès le printemps 2021 sur les risques inflationnistes, met en garde contre les ravages politiques encourus, notamment à gauche. « L’inflation contribue de manière significative à la méfiance envers les institutions et au pessimisme quant à l’avenir. C’est une chose terriblement importante à un moment où nos institutions démocratiques sont remises en question », explique dans The Harvard Gazette l’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton. « Si l’inflation avait été mieux maîtrisée, il est fort possible que l’élection de Richard Nixon en 1968 et celle de Ronald Reagan en 1980 n’auraient pas eu lieu. »

Sauf, que je pense, et je peux bien évidemment me tromper, puisqu’il ne s’agit pas là d’une vérité absolue mais des conclusions d’une analyse, que nous ne sommes pas face à une inflation de type monétaire.

Pourtant, il y aurait toutes les raisons de le penser.

Jamais l’impression monétaire par les banques centrales partout dans le monde et de manière simultanée n’a été aussi importante.

Et pourtant.

Et pourtant, il y a encore deux ans, fin 2019, le monde se battait plutôt contre des facteurs déflationnistes très forts.

Alors qu’est-ce qui a changé aussi brutalement en deux ans ?

La pandémie bien sûr qui a déstabilisé les chaînes de production et de logistique mondiales.

Mais pas que.

La Chine veut un nouveau partage de la valeur ajoutée et de la richesse mondiale. Elle détient désormais toutes les usines ou presque, elle fait les prix aussi bien à l’achat (matières premières) qu’à la vente (produits finis).

Nous avons lancé la transition écologique partout dans le monde au même moment.

Nous atteignons les limites de notre système de production basé sur une réalité physique et des limites liées à nos capacités d’extraction et de transformation des ressources naturelles.

Vous pouvez imprimer autant de billets que vous voulez. S’il n’y a plus de pétrole, il n’y a plus de pétrole.

L’inflation actuelle n’est pas monétaire.

Elle est l’expression des limites de notre modèle de croissance infinie dans un monde fini.

Charles SANNAT

« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »

Source Le Monde.fr

Please complete the required fields.