C’est un excellent papier que nous livre Charles Gave dans son dernier billet, et il exprime parfaitement ce qui doit l’être notamment sur les mécanismes de la dette et les mécanismes monétaires.
Ses concluions politiques sont également à mon sens les bonnes et je les partage sans réserve!
Charles SANNAT
Chers lecteurs
J’ai reçu cette petite missive de la part de l’un des fidèles parmi les fidèles de l’IDL.
Mon très cher IDL,
Adhèrent de l’IDL par conviction, je m’exerce donc au prosélytisme libéral. Jusqu’à maintenant je bataillais en utilisant les arguments et les références de vos courriers électroniques que je transmettais à mes amis et à mes opposants (une bonne nouvelle pour l’IDL : vos ennemis vous lisent aussi, mais c’est aussi le problème).
Je viens de subir deux humiliants camouflets par le propos de Charles Gave repris par Jean-Jacques Netter sur « l’annulation en toute simplicité de la dette japonaise ». Ce propos placé à l’état brut est hautement subversif. Il eut sur moi un effet curarisant. Sommes-nous arrivés au pays des réducteurs de dettes ?
Réponse du premier groupe : selon les nombreux Français d’en bas, qui croient encore au petit Jésus soviétique, depuis l’éradication de l’industrie hexagonale, qui libéra le monde ouvrier du travail, les dettes sont une nouvelle invention des capitalistes (les banquiers) pour s’enrichir sur le dos du petit peuple. Ces opposants pensent que le libéralisme vient de découvrir la transmutation, « fusionner la BOJ avec le Trésor pour annuler la dette », Avec cette formule, l’illusionniste Mario Draghi peut maintenant transformer le plomb en or.
Réponse du deuxième groupe : nos éternelles élites frivoles, qui depuis l’écroulement de juin 1940 prennent l’aveuglement, l’immobilisme et la lâcheté pour des vertus cardinales : « la France fera comme le Japon, elle annulera les 40 % de dettes encore nationales, ce qui engendrera un effet vertueux sur le pouvoir d’achat, selon leur parabole de la multiplication des fonctionnaires » … CQFD. Un Canadien anglophone m’a même dit, qu’il était temps d’organiser un grand jubilé planétaire, au sens biblique du terme, afin d’annuler toutes les dettes des états.
Moi, je n’y comprends plus rien, je pense que mes bouquins d’économie vont rejoindre les vieux grimoires de l’école de Salamanque.
Pourriez-vous faire un petit effort pédagogique pour expliquer ce qui se passe réellement avec l’annulation de dettes « à la japonaise » et pourquoi cela ne fonctionne pas partout. Ensuite je pourrai reprendre mon bâton de pèlerin. Je me refuse à croire que le père Noël habite rue du Ranelagh.
Désolé pour mon courrier, mais « sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur », même si je garde l’encensoir à portée de main.
Sincères Salutations
Voici ma réponse
Cher lecteur
Vous posez là une question essentielle. Comme le disait Milton Friedman, un repas gratuit, ça n’existe pas.
Je vais essayer de vous répondre, en expliquant qu’il y a dette et dette.
Commençons par une petite histoire
Un homme arrive dans un village et se rend à l’hôtel local pour y passer la nuit.
Il réserve une chambre, paye d’avance les 100 euros demandés et sort visiter le village.
Le propriétaire de l’hôtel prend les 100 euro et se précipite chez le boulanger pour lui régler les 100 euro qu’il lui devait. Le boulanger qui devait 100 euro au boucher les prend et solde sa dette. Le boucher se précipite chez le docteur à qui il devait 100 euro, lequel prend le billet et va payer 100 euro à la prostituée du village qui elle-même devait 100 euro à l’hôtelier.
Les dettes de tout le monde sont donc soldées.
En fin d’après-midi, le visiteur revient et dit qu’après tout il va continuer son voyage, reprend ses 100 euro et s’en va.
Et merveille des merveilles, tout le monde dans le village s’est désendetté et se sent beaucoup mieux, alors que rien de plus n’a été produit.
Que démontre cette petite fable : Le village s’est simplement rendu compte qu’une communauté fermée, c’est-à-dire qui n’a pas de contact avec l’extérieur ne PEUT PAS avoir de dettes vis-à-vis d’elle-même. Si j’emprunte de l’argent à mon fils, le bilan de la famille ne change pas, l’accroissement de ma dette étant compensée par une augmentation des actifs de mon fils, les deux s’annulant si je fais un bilan consolidé de la famille.
Venons-en au Japon : La dette de l’Etat Japonais est considérable mais entre 95% et 98 % de cette dette est détenue par des entités Japonaises (individus, sociétés, fonds de pension etc.…).
La banque centrale nippone remplit le rôle de mon visiteur en rachetant la dette de l’Etat local. Cette dette, émise sur les dernières années quand les taux étaient à deux %, cote aujourd’hui aux alentours de 110 % puisque les taux sont à zéro. Les épargnants Japonais qui ont souscrit à cette dette à 100% gagnent 10% et personne ne se plaint.
Ce que fait la banque centrale est tout simplement de remplacer des obligations qui rapportent aujourd’hui zéro par des billets de banque qui rapportent aussi zéro. Personne n’y perd encore une fois.
Est-ce que cela va déclencher une crise inflationniste au Japon ? Pas sûr du tout puisque la vélocité de la monnaie « billets de banque » est très inférieure à la vélocité de la monnaie « crédit bancaire » Par contre, cela veut dire que le Japon ne pourra plus abriter un système bancaire « à réserve fractionnelle » et que les banques japonaises sont condamnées, ce qui difficile à expliquer en quelques lignes. Il n’y a pas de repas gratuit disait Milton Friedman et il avait raison. Ceux qui vont payer la note sont les banques de dépôts qui vont disparaitre, pour être remplacées par des caisses d’épargne, prêtant leurs dépôts et rien de plus …
Ce que tout cela montre est simplement qu’un pays qui est endetté vis-à-vis de lui-même n’a pas de dette.
Et donc la Chine, par exemple, dont tout le monde vous explique qu’elle est horriblement endettée n’a en réalité pas de dette.
La France est dans une situation tout à fait différente et pour deux raisons.
Environ 70% (?) de la dette de l’Etat français seraient détenus en dehors de France, et ça c’est vraiment de la dette et non pas un jeu comptable. Les intérêts qui seront payés sur cette dette devront être prélevés sur le travail ou l’épargne des Français, dont le niveau de vie baissera d’autant. Si les Français étaient endettés vis-à-vis d’eux-mêmes, le paiement des intérêts correspondrait à un transfert d’une partie de la population vers l’autre et n’aurait aucun effet sur la richesse nationale. Ce n’est pas le cas quand on paye ces intérêts à l’épargnant Qatari ou Hollandais. Quant au remboursement, il suffit de voir là où les Grecs sont pour comprendre qu’emprunter à l’étranger est toujours facile mais que rembourser est une autre affaire.
Cette dette a été émise dans une monnaie que la banque de France ne peut pas imprimer puisque le privilège régalien de battre monnaie a été transféré à la BCE, ce qui constitue une inimaginable perte de souveraineté. Les seuls pays qui ont fait faillite dans l’histoire sont ceux qui ont emprunté dans une monnaie qu’ils ne pouvaient pas imprimer.
Venons-en à la situation actuelle de notre pays : La France a un déficit de son budget d’environ 3,5% de son PIB et un déficit de son commerce extérieur d’environ 2 % du même PIB. Ce qui veut dire qu’il nous faut emprunter chaque année l’équivalent de 5% de la richesse produite en France simplement pour maintenir notre niveau de vie étal.
A ce rythme, à la fin du deuxième mandat de monsieur Macron, notre dette aura quasiment doublé, ce qui est inenvisageable. Nous avons donc devant nous la certitude d’une baisse profonde de notre niveau de vie dans les dix ans qui viennent.
Si nous devions payer des taux de marché, c’est-à-dire si la BCE n’achetait pas notre dette en la subventionnant, ce qui d’ailleurs avait été formellement interdit par les traités, personne ne nous prêterait de l’argent à 0%. Les taux sur les obligations à 10 ans seraient à 3% au minimum. Ces taux plus élevés accéléreraient le processus de faillite.
Quoiqu’il en soit, notre niveau de vie devra baisser à terme d’au moins 10% pour que nous retournions à l’équilibre du commerce extérieur d’abord, puis du budget en y faisant des coupes sombres, ce qui va finir par arriver.
Et le pays qui sonnera la fin de la recréation, ce ne sera pas la France mais bien sûr l’Allemagne.
Pour faire simple, et comme je n’ai cessé de l’écrire depuis la création de l’Euro, nous sommes en train d’être mis en tutelle financière par l’Allemagne, et un jour (quand ?) les autorités de ce pays décideront de serrer le garrot que nous nous sommes mis autour du cou, un peu comme ils l’ont fait à la Grèce.
Pour conclure, quelques idées simples :
Un Etat qui est endetté auprès de sa population n’est pas endetté. Ce n’est pas le cas de la France
Un Etat qui est endetté vis-à-vis de l’étranger est l’état d’une nation qui va perdre son indépendance. Nous y sommes.
Un Etat qui s’endette dans une monnaie qu’il ne peut pas imprimer a perdu sa souveraineté et est géré par des incompétents ou pis encore par des fous qui ont un « projet politique ». Notre nouveau Président porte ce projet politique fièrement alors que son parti a rassemblé 14% des électeurs inscrits lors des législatives.
Un Etat qui bloque le taux de change de sa monnaie à un niveau surévalué par rapport à son principal concurrent, l’Allemagne, tue ses entrepreneurs tout en favorisant les rentiers/fonctionnaires chez nous et les entrepreneurs en Allemagne, jusqu’au jour où le pays fera faillite.
La simple réalité est que la France a été trahie par ceux qui gèrent son état. Les hommes de Davos qui gouvernent notre pays n’ont comme ambition que la disparition de la France et cela depuis des lustres puisque la dérive a commencé avec Giscard. Dans ces conditions, acheter des obligations émises par ce même état relève de la trahison. Le Français responsable et aimant son pays ne doit en aucun cas confier son épargne à quiconque approche de près ou de loi l’Etat français car c’est se rendre complice d’une forfaiture.
C’est ce que je recommande depuis des années, et les résultats sont très satisfaisants.
J’espère avoir répondu à vos interrogations
Charles GAVE