Mes chères impertinentes, chers impertinents,
Greensill n’est pas franchement une entreprise très connue du grand public, et pour cause, elle ne vend aucun produit qui serait susceptible de retenir votre attention.
Greensill est une entreprise, ou plutôt était, vue qu’elle est en faillite “financière”.
Elle n’était pas une banque.
Elle n’était pas une compagnie d’assurance.
Elle n’était pas un fonds spéculatif.
Elle n’était rien de tout cela, globalement on peut résumer son activité à une société d’affacturage et c’est là que cela devient compliqué pour de très nombreuses entreprises dans le monde.
Explication.
L’affacturage, en gros et pour faire simple c’est le “refinancement du poste client”. Bon dit comme cela, je vous l’accorde, ce n’est pas simple. Mais pas de panique nous allons traduire ces termes pompeux en langage compréhensible par tous. Le “poste client” en comptabilité dans les entreprises, c’est la facturation. Vous “facturez” vos clients, qui vous payent. Mais comme vous le savez sans doute, et en France c’est un sport national, vous vendez aujourd’hui, mais vous aurez les sous dans trois mois !
Du coup vous faites appel à un “Factor” qui vous avance tout de suite les sous (moins sa commission, le taux d’intérêt et la prime de risque) et vous lui transférez la créance (la facture) et du coup, c’est lui qui sera payé.
Mais comme vous l’imaginez également, nous sommes dans un monde “d’inventivité” financière. Du coup une société comme Greensill est allée encore plus loin dans la logique en faisant de l’affacturage inversé, (aussi connu sous les noms de supply chain finance ou reverse factoring).
Pas de panique, c’est très simple là aussi malgré des termes compliqués.
L’affacturage inversé est une solution de financement pour les entreprises où contrairement à l’affacturage normal au lieu d’être à l’initiative du fournisseur qui souhaite financer ses créances clients (comme dans l’affacturage classique), ce type de financement est au contraire mis en place à l’initiative du client, qui permet ainsi à ses fournisseurs de financer aisément leurs créances sur lui avec l’aide d’une société d’affacturage (factor).
Comme les subprimes… une grosse louche de “titrisation” !
Et comme Greensill est allée encore plus loin que loin, et que la soupe était bonne, vous savez quoi ?
Ils ont fait de la “titrisation” comme à la belle époque de la crise des subprimes dont le monde entier ne s’est jamais vraiment remis.
Ils ont pris toutes ces créances et les ont mis en paquet, pour créer des produits financiers qu’ils pouvaient revendre à leurs clients en manque de placement.
C’est ainsi que Greensill a regroupé tout plein de factures appelées créances pour les revendre via des placements financiers à des collectivités allemandes par exemple. Bon, il doit bien y avoir également quelques fonds éligibles à l’assurance-vie qui doivent également avoir un peu de “greensill” dans leurs comptes, ce qui pourrait entraîner de ci, de là, quelques blocages.
Il y en a pour 145 milliards de dollars.
Une grosse somme, mais à mon sens, elle n’est pas de nature à présenter un risque systémique.
Rien que sur un plan de relance, les Etats-Unis viennent de mettre 1 900 milliards de dollars sur la table.
Le plan PEPP en Europe c’est 1 850 milliards d’euros.
Nous avons de quoi sauver Greensill.
Mais le plus grave c’est l’activité de base qui est interrompue.
Il y a deux choses vraiment grave dans cette histoire.
Le premier ce sont les vrais effets dans la vraie vie.
En effet, il y a de vraies entreprises qui se financent en refinançant les factures qu’ils vont encaisser dans trois mois avec Greensill qui les payait tout de suite, et une entreprise qui ne rentre plus de sous est une entreprise qui risque à son tour de se trouver très vite en cessation de paiement.
Le second, c’est que depuis la crise des subprimes de 2008, il semblerait que nous n’ayons toujours rien compris au risque de la titrisation.
Elle n’est pas le mal en soi, mais elle doit être hyper encadrée et très surveillée pour ne pas devenir opaque et faire peser des risques systémiques.
Pourquoi Greensill est en faillite ?
Parce que comme lors de la crise des subprimes, des doutes apparaissent sur la valeur des actifs et des créances détenues, titrisées et revendues à d’autres.
Vous pensez acheter des bonnes créances, du bon immobilier lors de la crise des subprimes, et vous rachetez des trucs où l’emprunteur ne paye plus son crédit immobilier. Ici vous achetez des créances que des clients ne pourront pas honorer parce que eux-mêmes en faillite ou fermés en raison de la pandémie.
Les incertitudes sont largement suffisantes pour que plus personne n’accorde sa confiance. Greensill ne trouve plus de financements car elle ne peut plus revendre ses paquets de créances titrisées et donc continuer ses opérations.
En réalité Greensill finance des entreprises parce qu’elle peut revendre ces dettes à des épargnants. Lorsqu’il n’y a plus personne pour acheter les prêts que Greensill fait, alors les opérations cessent car ils n’ont pas les fonds propres suffisants.
Et c’est la faillite.
Les Etats au secours !
Rassurez-vous, normalement, il ne devrait pas y avoir d’effondrement comme en 2008, car le marché de l’affacturage semble nettement plus petit que celui des subprimes, mais, il faut surveiller la situation comme le lait sur le feu, car cette histoire pourrait être un peu comme le canari dans la mine.
Le premier signal d’alerte du coup de grisou qui se profile sur l’économie mondiale.
Les Etats et les banques centrales seront à la manœuvre pour éviter le pire.
La main visible de l’argent publique arrêtera l’effet domino.
A nouveau, et comme à chaque fois, nous socialiserons les pertes après avoir privatisé les gains.
Restez à l’écoute.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
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“Rassurez-vous, normalement, il ne devrait pas y avoir d’effondrement comme en 2008, car le marché de l’affacturage semble nettement plus petit que celui des subprimes”
Certes, sauf que les subprimes résultaient de la titrisation de créances pourries de particuliers. On n’était plus dans l’économie réelle depuis longtemps, puisqu’un “subprime” définit un débiteur quasi-insolvable au moment même où on lui accorde son crédit. L’opération de base (l’acquisition immobilière à crédit) est déjà en soi, dès le départ, une magouille financière sur laquelle le département “risques” de la banque a fermé les yeux en se disant “je vais titriser pour diluer le risque”.
La titrisation des créances d’affacturage concerne au contraire des entreprises qui produisent et, surtout, qui emploient des gens.
La cascade des faillites d’entreprises, des impayés et des faillites personnelles, risque d’être de dimension biblique.
Bonjour Charles,
100% d’accord avec votre prévision : “nous socialiserons les pertes après avoir privatisé les gains”.
Le capitalisme existe-t-il encore ?
Le communisme est mort, soit.
Le “communocapitalisme” qui l’a remplacé et s’acharne à détruire les PME et artisans à grands coups de normes n’est-il pas pire ?
plus je m’intéresse à la finance, plus je trouve que ça ressemble à un film d’horreur :o)
Un grand merci Charles, C’est clair comme explication.
Le Plan Comptable prevoit de distinguer le poste “clients” du poste “clients douteux”…
Pourriez-vous éviter d’utiliser « du coup » toute les 2 phrases,
Il existe de nombreux synonymes qui n.alourdissent pas le texte et le rend plus agréable
donc, ainsi, alors, c’est pourquoi, comme ça, comme cela, conséquemment, d’où, de ce fait, dès lors, en conclusion, en conséquence, ergo, par conséquent, par suite, partant
Merci
On n’aura peut-être pas d’effet 2008, ça pourrait ne pas empêcher quelques entreprises qui bénéficiaient de ses services de passer 1 sale 1/4 d’heure (source : Le Dauphiné) :
“Si Greensill coule pour de bon, des dizaines de milliers d’emplois sont menacés. Parmi lesquels ceux de l’empire du magnat de l’acier Sanjeev Gupta (GFG Alliance, premier emprunteur de Greensill), qui possède notamment, en France, les sites industriels d’Ascoval et Hayange”
Ce ne sont peut-être pas les plus gros sites sidérurgique du monde, mais ils fournissent un peu d’acier par exemple. Et qui dit qu’ailleurs en Europe il n’y en a pas d’autres ?
Greensill avait sa propre banque en Allemagne, Greensill Bank AG suspendue par le régulateur Allemand. Si des entreprises outre-Rhin oeuvrant dans la sidérurgie ont bénéficié de ses services, ça peu aussi secouer 1 peu.
Et quand on sait qu’il commence à y avoir des pénuries d’acier alors que les économies ne tournent pas encore à plein régime, ça promet un peu de sport.
N’oublions pas Softbank qui là aussi a près les difficultés qu’elle a rencontré avec Wework a fait un bon investissement avec Greensill.
Quand on va réellement ouvrir le couvercle de la boite, on pourrait avoir de “jolies” surprises.
c’est bien le vice du capitalisme”pourquoi tuer l’ours si on a pas dejà vendu la peau” sauf que l’on vend la peau d’un ours qui n’existe pas ou plus,c’est tout le principe du pret qui est en cause et qui est la plaie de notre civilisation car les aigrefins s’y engouffrent et comme le charançon dans le blé bousillent l’intégralité du silo,la solution interdire ces sociétés parasites qui “aident” avec des bouées en plomb les canards boiteux à survivre
Bonne nouvelle…. mais c’est normal, avec le QFS qui se met en place, ce genre de gymnastique criminelle n’aura plus lieu, donc toutes ces boites nuisibles disparaitront.
La dette privée est supérieure a la dette publique dans la majorité des pays occidentaux selon l’économiste Gael GIRAUD. Et dans la logique de socialisation des pertes après avoir privatisé les gains il est logique de braqué les projecteurs dans les medias sur la dette publique sans diffuser a la population les explications de ce qui se passe.
Nous sommes sommes obèse en matière d’information mais l’information essentielle ne passe pas. D’ou le travail d’éducation populaire vital a faire. La aussi ca fait parie de la stratégie. On nous sature d’information soit inutile, soit qui utilise le ressort emotionel, soit qui travestit la réalité… Et les médias meanstream se garde bien de choisir et mettre en avant l’information essentielle. Il ne faut surtout pas éduquer la population au mécanisme de socialisation des pertes et privatisation des gains.
Mais POURQUOI les politiques n’interdisent-ils pas le “magouilles” financières comme les produits dérivés ou la titrisation ???
Ce qui prouve encore une fois que c’est bien la finance qui dirige le monde et non les gouvernements !
La mafia s’est reconvertie dans la finance et la politique .
On peut quand même se demander comment une commune allemande de moins de 50.000 habitants a réussi à s’en coller pour 37 millions d’euros d’un produit de placement dont le plus novice des étudiants en économie sait qu’il est par nature risqué.
A nouveau, et comme à chaque fois, nous socialiserons les pertes après avoir privatisé les gains.
Hélas, mille fois hélas !
Socialiser les gains après avoir privatisé les pertes, euh mais suis je bête, c’est l’ancien régime économique, si tant est qu’ il ait pu exister !
Merci au commentaire d’hier qui conseillait Raphaël Rossello: 2.20 intervienw avec quelques longueurs, mais instructif: complètement en phase avec ce qu’ on dit ici depuis des années, Bill Bonner aussi: acheter 3 % de croissance avec 6 % de dette, c’est être en récession de 3 % depuis au bas mot trente ans pour les USA, idem avec la BCE à un niveau différent.
Productivité en baisse, le gâteau diminue et tous en veulent encore et quand même leur part…mais personne ne veut voir que le gâteau a diminué…alors la folie continue, monétisation de la dette, depuis le covid celles des USA est passée de 4000 Mds de $ à 20 000. Il est impossible de ne pas en payer les conséquences comme dit par Charles les conséquences de tenter de régler est aussi douloureux que ne rien faire.
Aure exemple donné: une entreprise française profitable de 7000 salarié et 20 mille emploi induits ne peut pas être aidée (par un prêt à 2 %) par l’ Etat qui se retranche derrière Bruxelles qui interdit ( concurrence patati) les prêts à moins de 10 pour cent. Dis autrement, la dite entreprise doit dégager au bas mot 10 % de rente ! Or le taux sain de rendement en ce bas Monde est aussi celui de la Terre, de la Forêt: 2 % par an. Rien ne peut survivre à un prélèvement supérieur.
Ce taux étant peu ou prou aussi celui que les intermédiaires se prennent en frais (1,5 % en moyenne sur fonds en euros), l’investisseur ne s’en satisfait pas, et ainsi en découlent ces mouvements de cavalerie ( titrisation etc) pour faire cracher de la rente. Intéressante aussi la différence faite entre accumuler du patrimoine ( but des hyper riches) et faire fonctionner la société en dégageant de vrais revenus issus d’une vraie création de richesse, encadré par des règles morales forcément (cf Guido Hülsmann)
C’est un banquier d’ affaire qui le dit: viser la pérennité, ne pas perdre plutôt que d’essayer de gagner trop ! Car ensuite ces milliers de gens mis au chômage, qui va les indemniser ? Et une ETI de plus qui s’en va ? Les politicard de tous bord en prennent pour leur grade…
Tous ces Requins sans scrupule qui construisent tous ces montages financiers pervers et ultra-juteux, il faudrait leur coller 999 années ferme de geôle et de travaux forcés à casser des cailloux, afin qu’ils ne nuisent plus à personne.
Une nouvelle crise de type SubPrimes et c’est le Monde Entier qui plonge dans une Nouvelle Grande Dépression de Type 1929 et/ou dans une 3ème guerre Mondiale….
Il me semble préférable de ne surtout pas sauver Greensill, ce genre de société est nuisible. L’argent des citoyens ne doit surtout pas servir à sauver ces prédateurs de la société. Je pense d’ailleurs que toute tentative dans ce sens provoquerait la fureur populaire
Il est préférable d’accorder des délais aux entreprises réelles et que chacun cesse petit à petit de vivre sur la dette et d’en générer
Bon, dans un sens ou dans l’autre faut aussi débusquer la combine Green+Sill :
Green est une société d’affacturage et Sill une société autre qui rachète les créances de Green pour les “titriser” et les refourger.
Et là ça devient de la pate feuilletée; meme si le dit marché des Greens n’est pas énorme, celui des Sills peut etre plus conséquent.
Cette histoire finira mal, des ingénieurs fous ont aussi voulu construire des machines qui défiaient les lois de la physique.
Un exemple récurant: “le mouvement perpétuel”.
Jamais cela n’a fonctionné.
Pour la création de richesse c’est pareil! Il n’y a que les “go go” qui veulent s’enrichir sans efforts. Dans se cas c’est toujours un autre naïf qui fait le travail sans en récolter le fuste prix.
B. Rooman à Bruxelles.