Le danger des mécanismes d’arbitrages privés fait peser sur les finances publiques un risque évident, mais tout cela n’est pas qu’une question d’argent, c’est aussi une question de principe démocratique.

Dans une démocratie, la justice peut-elle être privée? La réponse est évidemment non, car cela revient à nier le fondement de toute loi à savoir que la loi sert à protéger les faibles des forts et à éviter la loi de la jungle.

La justice privée c’est par définition la loi du plus fort, en l’occurrence du plus puissant et du plus riche.

Charles SANNAT

La conclusion du traité de partenariat atlantique (TTIP) entre les Etats-Unis et l’Union européenne risque de centupler le nombre de plaintes portées par les investisseurs privés contre les autorités publiques pour perte de profits.

On a récemment appris que le Royaume-Uni a été contraint de payer huit millions d’euros au groupe Eurotunnel à titre d’indemnisation des dépenses assumées par ce dernier entre 1999 et 2002 pour empêcher les migrants d’entrer sur le territoire britannique, rapporte le quotidien The Independent.

Même si cette somme ne pèse pas lourd dans la totalité des dépenses supportées par le royaume, elle est néanmoins très importante, et ceci pour différentes raisons. Le fait est que le cas d’Eurotunnel constitue un exemple classique de l’application du mécanisme de règlement des litiges entre l’investisseur et l’Etat (ISDS). Il s’agit notamment de tribunaux d’arbitrage autorisant les entreprises privées à poursuivre les gouvernements nationaux pour perte de profits. Parmi les autres exemples cités par The Independent figure le cas de la société énergétique suédoise Vattenfall, qui a attaqué en justice le gouvernement allemand pour avoir renoncé au nucléaire civil.Même si des cas comme celui d’Eurotunnel sont pour le moment assez rares en Europe, leur nombre augmentera au centuple avec l’entrée en vigueur du Traité de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), dont les tribunaux ISDS constitueront un élément intégrant.

Le journal cite une étude de la London School of Economics (LSE) selon laquelle le Canada est actuellement le pays le plus sanctionné dans le cadre du mécanisme de règlement des litiges entre l’investisseur et l’Etat. Ces sanctions sont infligées par les tribunaux ISDS en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé entre Ottawa et Washington. Il s’agit d’un document similaire au TTIP.La London School of Economics souligne à cette occasion que le Canada ne détient que 8% des investissements directs américains, tandis que le Royaume-Uni en détient 13%. Il est donc facile d’en déduire que le gouvernement britannique devrait faire face à autant — sinon davantage — de procédures engagées dans le cadre de l’ISDS que le pays de l’érable.

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