Ce décret est passé pendant la trêve des confiseurs.

J’espère que vous avez aimé vos bonbons. Enfin, pas forcément vous, mais ceux parmi vous qui pensaient naïvement que comme fonctionnaires, ils bénéficiaient de la sécurité de l’emploi.

Rassurez-vous.

Pour le moment c’est toujours le cas. Vous bénéficiez de la sécurité de l’emploi, mais vous pouvez à partir du 1er janvier 2020 être dûment convoqué par votre chef de service adoré pour que ce dernier, dans son immense mansuétude, vous fasse bénéficier d’une nouvelle expérimentation de ruptures conventionnelles….

Ce n’est rien mes amis.

Juste une expérimentation qui va tout de même durer 6 ans selon ce même décret ! 6 ans pour expérimenter, cela ressemble fichtrement à du “temporaire qui dure” !

Bref, pendant 6 ans “la procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative du fonctionnaire ou de l’administration”.. vous l’aurez compris, la partie importante de la phrase, c’est “à l’initiative de l’administration”. Vous allez aimer aller travailler tous les jours alors que l’on vient de vous dire que franchement si vous partiez ce serait mieux pour tout le monde.

Cela ouvre bien évidemment la porte à tous les abus, à toutes les pressions, à toutes les outrances psychiques. Vous avez aimé les problèmes RH chez Orange ? Vous allez adorer l’expérimentation de 6 ans dans la fonction publique !!

Décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique:

La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative du fonctionnaire ou de l’administration, de l’autorité territoriale ou de l’établissement dont il relève.
Le demandeur informe l’autre partie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre signature.
Lorsque la demande émane du fonctionnaire, celle-ci est adressée, au choix de l’intéressé, au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination.
Dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle.
Cet entretien est conduit par l’autorité hiérarchique ou l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire ou son représentant.
Il peut être organisé, le cas échéant, d’autres entretiens.

Pour vérifier par vous même, c’est directement sur le site LégiFrance ici

Mais ce n’est pas tout, il y a aussi le Décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles. Sur LégiFrance ici

La sécurité de l’emploi, il faut en parler !

Est-ce bien ou mal ?

Cela nous renvoie à la sécurité de l’emploi, et nous ne devons pas faire l’économie d’un débat sur ce sujet, d’où le fait que si ouvrir aux fonctionnaires la possibilité de recourir à une rupture conventionnelle n’est pas forcément une mauvaise idée en soi, il faut parler de la sécurité de l’emploi, de sa nature, de ses limites, et il faut que cela s’accompagne d’un grand débat démocratique.

C’est parce qu’un juge ne doit pas subir de pression de la part du pouvoir pour vous juger qu’il doit être indépendant, et donc doit bénéficier de la sécurité de l’emploi, c’est la même chose pour toutes les professions un peu à risque “démocratique”, comme le contrôleur des impôts ou encore le policier ou le gendarme.

Lorsque l’on commence à intégrer des manières de pousser les gens dehors, lorsque l’on introduit des systèmes de “primes” à la performance du genre à celui qui mettra le plus d’amendes, alors, on dénature totalement le poste concerné, et sa vocation.

Pour le reste, beaucoup de fonctionnaires sont malheureux dans leur travail, et la sécurité de l’emploi est aussi une prison certes dorée, mais une prison tout de même. Organiser la succession des vies professionnelles et le besoin de renouvellement aussi bien des institutions que des gens est une bonne idée, mais cela doit être le fruit d’une réflexion commune, collective.

Enfin, en termes de “management”, ou de gestion des carrières, il est évident, qu’il faut pouvoir sanctionner ceux qui abusent de la sécurité de l’emploi. Ils sont loin d’être majoritaires, mais là n’est pas la question.

Ce sujet est donc très vaste et à tiroirs. C’est la gestion des carrières, ce sont les sanctions des tire-au-flanc, c’est permettre des portes de sortie à ceux qui en ont assez et qui aujourd’hui ne peuvent pas partir avec le chômage, ce sont aussi les fondements même de la justification de la sécurité de l’emploi à l’origine servant à protéger les fonctionnaires des pressions politiques, bref, pourquoi pas… mais pas par un décret en catimini pendant les fêtes !

Charles SANNAT

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