Le hasard veut que les événements financiers importants abondent cette semaine. Aux États-Unis, la FED va relever son taux directeur, mettant le pays sur les rails de la normalisation du loyer de l’argent. Aux Pays-Bas, une élection sous tension pourrait porter un nouveau coup à une zone euro fragile. En Grande-Bretagne, Theresa May pourrait finalement recourir à l’article 50 et démarrer le processus de sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni.
L’événement le plus significatif, cependant, et comme c’est souvent le cas, pourrait être celui auquel on ne prête quasiment pas attention. Dimanche, l’Islande a mis fin à ses contrôles des capitaux, retournant enfin à la normale après l’effondrement bancaire catastrophique de 2008 et 2009.
Pourquoi est-ce important ? Parce que l’Islande fut le seul pays à défier le consensus mondial en ne sauvant pas ses banques. Il est vrai que cela a provoqué un choc sur le système. Mais il fut relativement court, et une fois le sale moment passé, le pays a rebondi, plus fort que jamais.
Il y a sûrement une leçon à tirer de tout ceci : il est peut-être préférable de laisser les banques tomber dans le précipice. La prochaine fois, nous devrions suivre l’exemple de l’Islande.
La crise de 2008 a atteint tous les pays du monde. Pourtant, peu de nations ont été détruites comme l’a été l’Islande. Un pays minuscule, dont la population n’est que de 323 000 habitants, avec pour fers de lance de son économie la pêche à la morue et le tourisme, avait choisi de déréguler son secteur financier pour se lancer ensuite dans une frénésie du crédit. Ses banques se mirent à gonfler comme la grenouille. Lorsque la confiance s’est effondrée, la messe était dite pour ces banques.
Dans tous les autres pays du monde, la sagesse conventionnelle décréta que les financiers devaient être sauvés. L’alternative aurait été la catastrophe. Les DAB se seraient taris, le commerce aurait été paralysé et l’activité économique se serait effondrée pour nous faire vivre un remake des années 30. L’État n’avait pas d’autre option que de mettre amplement la main au portefeuille pour payer la note, quel que soit son montant, afin de maintenir en vie le système financier.
Mais l’Islande n’avait pas une telle option à sa disposition. Les dettes de ses banques s’élevaient à 86 milliards de dollars, une facture impossible à régler pour une économie au PIB annuel de 13 milliards de dollars à l’époque. Même Gordon Brown, en mode « sauveur du monde », aurait pu rechigner à s’engager sur de tels montants. L’Islande a fait la seule chose qu’elle pouvait faire dans de telles circonstances : laisser ses banques faire faillite, leurs clients étrangers apprenant rapidement la nouvelle à leurs dépens.
Que s’est-il ensuite passé ? L’Islande s’est-elle effondrée ? Dans les années qui suivirent, les Islandais ont-ils grelotté dans leurs maisons congelées, à survivre en mangeant des queues de morue tout en se demandant s’ils allaient pouvoir s’acheter un paquet de bougies pour y voir clair jusqu’à la fin de l’hiver ?
La réalité est quelque peu différente. Bien sûr, ils ont traversé des périodes très difficiles. Les taux d’intérêt ont explosé jusqu’à 18 % dans le but de tenter de stabiliser une monnaie qui s’est effondrée de plus de 80 %. Des contrôles stricts sur les flux entrants et sortants des capitaux furent imposés. Le PIB de l’Islande, sans surprise, a été immédiatement frappé de plein fouet en chutant de presque 7 % en un an.
En tout, 4 ménages islandais sur 10 furent déclarés techniquement insolvables, principalement à cause de crédits hypothécaires libellés en devises étrangères qu’ils avaient contractés à l’apogée du boum. Le FMI a dû intervenir via un paquet de mesures visant à empêcher le pays de couler dans les profondeurs glaciales de l’Atlantique Nord.
Les conséquences furent presque aussi terribles que l’avait prédit le consensus économique dominant. Les banques sont allées au tapis, entraînant avec elles l’économie. Mais avec une surprise à la clé : comme les faits l’ont montré, l’Islande s’est redressée assez rapidement.
L’année dernière, l’Islande a enregistré une croissance impressionnante de 7,2 %. Le chômage n’a fait que baisser pour atteindre les 3 %, ce qui signifie le plein-emploi virtuel (ceux qui veulent travailler ont du boulot). L’année dernière, la couronne islandaise s’est appréciée de 18 % par rapport à un panier de devises rivales alors que les investisseurs mondiaux commençaient à investir dans sa reprise rapide. Les taux d’intérêt ont baissé régulièrement, passant des niveaux d’urgence à 5 %, un taux long durable qui récompense les épargnants tout en rendant le crédit et les investissements accessibles. Son ratio dette/PIB a baissé jusqu’à 68 % en 2015, ce qui est significativement moins que celui du Royaume-Uni.
Ce week-end, avant l’ouverture des marchés, l’Islande a enfin supprimé la dernière des mesures d’urgence qui furent mises en place après l’effondrement. Le Premier ministre, Bjarni Benediktsson, a annoncé que toutes les restrictions concernant les mouvements entrants et sortants de capitaux sont levées. La décision devrait « augmenter la confiance dans l’économie islandaise » ainsi que « faciliter les investissements étrangers directs ».
Nul doute que ce sera le cas. Comme on peut le constater, l’Islande a complètement récupéré de son effondrement, son économie est désormais l’une des plus performantes du monde développé (malgré le fait que ce pays ne fait ni partie de l’Union européenne, ni de la zone euro, comme l’ignorent les partisans de l’UE de façon bien commode). Beaucoup de pays tueraient pour afficher une croissance de 7 %.
Le contraste avec le reste du monde est éloquent. En Grande-Bretagne, la Royal Bank of Scotland a toujours pour actionnaire majoritaire l’État, tandis que le gouvernement a du mal à faire face à son énorme dette. À travers la majorité de la zone euro, l’activité économique est toujours en dessous de ses niveaux de 2007, et dans le cas de pays comme la Grèce ou l’Italie, d’une large marge. La décision de l’Islande de ne pas renflouer ses banques a peut-être été forcée, mais le résultat est loin d’être mauvais.
Il y a certainement une leçon à tirer de tout ceci. Le consensus a insisté sur le fait que nous devions sauver les banques. Si ne nous l’avions pas fait, nous serions soi-disant retourné à l’âge de pierre. Mais il y avait une alternative. En fait, les gouvernements auraient pu se contenter de protéger les dépôts domestiques. Après cela, ils auraient pu simplement dire : désolé, mais il n’y a pas assez d’argent pour rembourser toutes les dettes que les banquiers ont accumulées.
Les créances douteuses auraient été annulées immédiatement plutôt que d’être un boulet traîné pendant des années par le pays. Plus important encore, la morale aurait été sauve. Les comportements irresponsables et inconscients n’auraient pas été encouragés. Les banquiers auraient dû réfléchir à deux fois avant de prendre tous ces risques, ils auraient été conscients des conséquences. Les épargnants auraient dû être bien plus prudents lorsqu’ils confient leur argent à une entité, au lieu de supposer, par paresse, que le gouvernement sera là pour compenser toute perte.
Bien sûr, l’effondrement fut un choc terrible pour l’Islande. Mais les moments difficiles furent brefs, tandis que le rebond est très fort. La prochaine fois qu’une banque s’effondre nous devrions nous en souvenir, et peut-être suivre cet exemple.
Article de Matthew Lynn, publié le 14 mars 2017 sur le site du Telegraph