Je vous reproduis ci-dessous le dernier billet de Charles Gave qui est le président de l’Institut des Libertés.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Charles Gave est un “libéral”.
Mais pour un “libéral”, il a un avantage énorme : je ne l’ai, je crois, jamais entendu proférer la moindre ânerie, ce qui me plaît évidemment beaucoup. Alors peu importe les chapelles idéologiques, l’essentiel est tout ce qui nous rassemble, c’est l’essentiel, et l’essentiel c’est évidemment la recherche de la vérité, de la justesse, de la compréhension.
Charles Gave nous livre donc quelques considérations au sujet des mots, du “verbe” et de son utilisation par la police de la pensée.
Des propos et une vision à méditer.
Charles SANNAT
Trump, le Logos et les Révolutionnaires Français
Pour les Grecs anciens, le ‘’Logos’’ constituait l’essence même de la Raison qui au travers de la connaissance d’une langue permettait la discussion et la démonstration lors d’un débat de type éthique, politique ou scientifique.
Tout citoyen, tout homme d’État devait avoir une maîtrise parfaite du Logos, c’est-à-dire des éléments de langage qui permettaient de communiquer avec les autres citoyens lorsque des discussions sur l’avenir de la Cité avaient lieu. Et celui – ou ceux- qui contrôlaient le mieux le Logos contrôlait ipso facto la Cité presque automatiquement.
Et donc, dès les origines de notre civilisation est apparu le concept que contrôler et comprendre le langage amenait à dominer le système politique. Et toute notre civilisation s’est construite sur ce concept qui fut renforcé lorsque les Chrétiens assimilèrent le Logos à Dieu : « Au commencement était le Verbe (Logos), et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. »
L’idée centrale de notre Civilisation fut donc que le Logos, la Raison et Dieu dans le fond c’était la même chose et que s’attacher à comprendre l’œuvre de Dieu par la raison et l’expliquer par la parole c’était faire œuvre Divine et servir les hommes.
D’où vint le développement de la Science dans les pays Chrétiens et pas ailleurs. Et du coup, tout bon dictateur comprit qu’empêcher les gens de se parler était essentiel s’il voulait garder le pouvoir et donc qu’il fallait contrôler le Logos si l’on voulait contrôler le Peuple, ce qui nous amena aux totalitarismes du XXe siècle.
Cette réalité fut expliquée par Georges Orwell dans son livre 1984, qui ne faisait que décrire la situation qui existait en Union soviétique et dans les pays communistes en 1948.
Dans cet ouvrage, Big Brother n’essaie pas de contrôler le Logos qui pour les Grecs anciens était synonyme de « Raison » mais bien au contraire d’imposer une nouvelle façon de parler, la « novlangue » qui empêchera les citoyens de communiquer les uns avec les autres, chaque mot voulant dire presque exactement le contraire de ce qu’il signifiait dans son acceptation initiale. Paix veut dire guerre, les camps de concentration sont appelés des écoles, la vérité veut dire le mensonge et ainsi de suite.
Le but final est bien sûr d’abord d’empêcher toute discussion entre citoyens, et donc tout complot contre le pouvoir, mais aussi et surtout de signaler les « déviants » qui utiliseraient les mots dans leur acceptation originale.
Et pour mettre ces déviants en prison, un ministère de la Vérité est créé qui s’occupe avec beaucoup de compétence d’envoyer les mauvais sujets en rééducation, ce qui en novlangue veut dire bien sûr à la mort…
Tout cela est connu et a été analysé mille fois.
Mais ce qui n’a pas été expliqué c’est le pourquoi de cette tentative visant à empêcher les hommes de communiquer les uns avec les autres? Pour garder le pouvoir, certes, mais cela n’est pas suffisant comme explication.
Et c’est là qu’intervient Chantal Delsol un des derniers géants intellectuels qui reste à notre pays dans son livre prodigieux d’intelligence et de culture, La Haine du Monde, totalitarismes et postmodernité, aux éditions du cerf .
Car j’ai enfin compris, grâce à elle, pourquoi les grandes dictatures du dernier siècle s’appuyaient toutes sur une tentative de destruction de la Raison, du Logos et donc de Dieu.
En voici l’explication, ou la raison, les deux mots étant merveilleusement synonymes dans ce cas.
Au XVIII, comme chacun le sait, nous avons eu en Écosse, en Grande-Bretagne, aux USA et en France un bouillonnement d’idées que l’on a coutume d’appeler « Les Lumières ».
Les Lumières anglo-saxonnes s’attachèrent à établir un système de gouvernement – la Démocratie – qui permettait à chaque homme de se réaliser pleinement en limitant la capacité qu’avait le pouvoir de brouiller le Logos.
En France, il en alla différemment.
Le but n’était pas d’établir un système de gouvernement qui permette aux hommes de discuter entre eux sans s’entre-tuer mais de prendre le pouvoir politique pour changer l’homme et créer de ce fait un « homme nouveau ».
Et pour créer cet homme nouveau, il fallait d’abord casser tous les liens qu’il pouvait avoir avec les autres hommes et donc détruire tous les corps intermédiaires tels les affinités locales, les églises, les écoles les familles…
Il fallait créer un homme sans racines.
Et le lien le plus profond qui nous unit aux autres, c’est bien sur le langage, le « logos » qu’il fallait détruire en priorité si l’on voulait construire cet homme nouveau.
Les anglo-saxons voulaient établir une société conforme aux demandes du Logos, les Français, tels Satan avant eux, voulaient remplacer le Logos et devenir des Dieux et bien sûr ils amenèrent l’enfer en se prenant pour des démiurges.
Pour arriver au résultat cherché, les héritiers des lumières françaises mirent en effet en place une tyrannie comme l’histoire en connut peu. Cette tentative échoua comme chacun le sait dans le sang, les massacres de dizaines de millions d’innocents et la misère physique, morale et intellectuelle.
Et donc il est exclu de recommencer une fois encore à tuer des gens par millions pour engendrer un homme nouveau.
Mais l’idée n’a pas disparu, bien au contraire, et ses partisans continuent à la pousser en utilisant sans répit deux armes extraordinairement puissantes.
La première c’est l’exclusion et la deuxième c’est la dérision.
Commençons par l’exclusion.
La novlangue était une tentative pour renverser le sens même du Logos et cela ne pouvait marcher que s’il existait des camps de concentration. Faute de camp de concentration, les partisans de l’homme nouveau ont décidé que quiconque parlerait de racines chrétiennes, locales, familiales, professionnelles, historiques et que sais-je encore serait d’abord interdit d’expression dans tous les média ou dans tous les lieux de savoir et ensuite que sa carrière s’arrêterait pour toujours (voir le sort des universitaires qui ont contribué au Livre Noir du Communisme par exemple, ou les ennuis de Renaud Camus).
Et en bons Marxistes/Trotskistes, ils ont manœuvré depuis trente ans pour prendre le contrôle de toutes les institutions ou la parole s’exprime. Et pour mieux repérer les déviants, ils ont remplacé la novlangue, fondée sur le mensonge, par le politiquement correct, c’est-à-dire par l’interdiction faite à quiconque de prononcer certains mots comme Patrie, Famille, Ville, Chrétienté pour en finir par interdire les mots « homme » ou « femme ».
Le nouvel homme – ou la nouvelle femme – ne peuvent même plus se rattacher à leur sexe puisqu’il DOIT être détaché de tout ce qui relierait à ses racines. Et pour arriver à leurs fins, ils pratiquent non seulement l’exclusion mais aussi et surtout la dérision.
Quiconque en effet a un discours fondé sur l’enracinement de la personne humaine dans sa famille, dans sa ville, dans sa Nation ou que sais-je encore est automatiquement traité comme un débile profond, un « beauf » qu’il est urgent de couvrir de sarcasmes et d’insultes du type Français rancis ou Pétainistes, de partisans de la petite Angleterre pour ceux qui ont voté le Brexit, le comble ayant été atteint quand Madame Clinton a traité la moitié de la population américaine de « déplorable ».
Pour faire bref, la Liberté d’expression est pour eux et pour eux seuls tant il est entendu que ceux qui ne sont pas d’accord ne peuvent être que fous.
Ce que disaient déjà leurs grands amis des totalitarismes précédents qui, ne pouvant plus massacrer leurs opposants, les mettaient dans des asiles de fous.
Il est donc tout à fait évident qu’« ils » ont remplacé le totalitarisme « dur » par un totalitarisme « mou » aussi efficace que son ancêtre pour empêcher le Logos de dominer le monde comme il le devrait. Et cela fait trente ans qu’ils y travaillent sans relâche, ce qui explique le désert intellectuel qui règne dans tous nos pays.
Et tout d’un coup, stupéfaction !
Monsieur Trump est élu en ayant prononcé au cours de sa campagne TOUS les mots interdits et il a un but et un seul, faire disparaître le pouvoir que ces nuisibles s’étaient accaparé.
Et du coup, on assiste à un spectacle extraordinaire : tous ces gens-là courent en rond comme des poulets sans tête en proclamant son « illégitimité » ou en disant qu’il est fou, ce qui exactement ce que disait les communistes à Moscou de leurs opposants.
Mais la réalité est différente : c’est eux qui sont illégitimes puisqu’ils ont voulu imposer au peuple ce que le peuple ne voulait pas, au nom de je ne sais quel cauchemar millénariste.
La réalité profonde est que le peuple aime ses racines.
Et je ne peux m’empêcher de sourire : encore une fois, « les voies du Seigneur sont impénétrables » puisque le Logos est en train d’être rétabli à grands coups de tweeters par le Président élu le plus improbable de l’histoire américaine.
Le règne du Logos rétabli par Tweeter : on me l’aurait dit, je n’y aurais pas cru.
Charles SANNAT
Source Charles GAVE pour l’Institut des Libertés ici