Il faut à tout prix rassurer les manants que nous sommes et que les moutons ne cèdent pas à la panique alors qu’évidemment c’est une mutation phénoménale que connaît le marché du travail, et cette étude stupide passe, disons-le, totalement à côté de l’essentiel.
Elle passe tellement à côté que ce n’est pas possible que ce ne soit pas volontaire.
“Selon une étude, l’ubérisation de l’économie crée plus d’emplois qu’elle n’en détruit”
Voilà donc la grande conclusion à laquelle vous devez tous applaudir et qui vous permettra d’aller vous rendormir tranquillement. Le chômage et la précarité sont bien des drames individuels et pas collectifs ! Dans un cas, VOUS avez un problème, dans l’autre NOUS avons un problème. Si c’est vous, il n’y a pas d’impact collectif, si c’est NOUS, alors la révolution des manants pourrait guetter.
Cette étude de la Coface peut aboutir à cette conclusion car elle a comparé le nombre de défaillances et de créations d’entreprises dans les secteurs des transports et de l’hébergement, et donc est en mesure d’affirmer que “l’ubérisation de l’économie crée plus d’emplois qu’elle n’en détruit”…
J’espère que vous voyez déjà quand même le gros problème !
Car ce n’est évidemment qu’un volet ! Avant, vous aviez des salariés, maintenant vous avez des indépendants ! Donc une très forte hausse des créations d’entreprises, enfin entreprises unipersonnelles surtout et majoritairement sous forme d’auto-entrepreneurs.
Bref, comme aux USA, l’ubérisation de la société c’est la bascule généralisée du salariat à “l’entrepreneuriat”.
“Le développement des VTC a certes bousculé le secteur des taxis. Entre 2013 et août 2016, les faillites ont augmenté, en Île-de-France, de 135 %. Mais sur la même période la création de VTC a été multipliée par 7, ce qui “a largement compensé l’augmentation des défaillances”, relativise Rippe-Lascout.
Ainsi, en août 2016 on comptait 14 404 créations d’entreprises de VTC sur un an, et 746 destructions d’emplois chez les taxis. Ce qui représente 12 218 créations d’emplois réels (en considérant que 80 % des chauffeurs VTC exercent cette activité à temps plein et 20 % à mi-temps) en France” !
En affirmant cela, ils disent des bêtises car en réalité, la seule conclusion à laquelle on peut arriver c’est qu’il y avait, à Paris, besoin de beaucoup plus d’offres de transport en taxi et que si l’État avait donné plus de licences de taxis cela aurait aussi créé du travail… Dans cette étude, on ne sait pas non plus quels sont les revenus. Est-ce que désormais tout le monde gagne bien sa vie et le gâteau a grossi, ou est-ce que tout le monde gagne mal sa vie parce que l’on a partagé le gâteau… C’est une immense différence évidemment !
Pour l’hôtellerie, c’est la même chose… En pire !
En ce qui concerne le secteur de l’hébergement, l’hôtellerie traditionnelle à Paris “réagit moins brutalement à l’arrivée d’AirBnB jusqu’aux attentats” de l’année 2015, pointe l’étude, qui ne quantifie pas les emplois créés ou détruits par l’économie collaborative.
L’étude recense ainsi entre 2012 et 2014 une croissance “exponentielle” des annonces sur la plateforme AirBnB à Paris (25 000), croissance qui “n’a pas affecté les défaillances des hôtels”, explique M. Rippe-Lascout.
Dynamique qui s’inverse après les attentats, avec une augmentation des défaillances et un taux de remplissage qui diminue. Depuis les attentats, les défaillances dans l’hôtellerie parisienne connaissent une hausse de 117 %, selon l’étude.
Entre juin 2015 et juin 2016, la fréquentation touristique a diminué d’environ 5 points “alors que le trafic aérien a augmenté de 3 %”, rappelle la Coface.
Mais les attentats n’expliquent pas à eux seuls cette inversion de tendance. M. Rippe-Lascout l’attribue à une “combinaison” des deux éléments : les attaques djihadistes et l’augmentation de chambres proposées à Paris, qui a presque doublé en un an pour dépasser fin août 55 000″…
Et là, sur ce secteur spécifique, si on refait l’étude de la Coface dans deux ans, on va se rendre compte que de très nombreux hôtels vont fermer car il n’y aura plus de place pour les miteux deux étoiles incapables de suivre les normes de sécurité et de confort que n’ont pas les appartements des personnes privées.
On se rendra compte que les effets de seuils sont incontournables et quand il y a 25 000 chambres AirBnB ça va, mais qu’à 55 000 les hôtels sont dépassés…
Bref, l’ubérisation de la société ne fait pas que supprimer des emplois, c’est avant tout une mutation phénoménale de notre manière de considérer l’emploi et le salariat.
Et disons-le tout net, très peu de gens l’ont vraiment compris. Quant aux politiciens de la génération de Juppé, ils n’ont strictement rien saisi.
Charles SANNAT