Le gouverneur de la Banque de France Villeroy de Galhau était invité sur RTL.

Voici la transcription de son intervention. Il a confirmé que la perte de PIB lors du premier confinement était de 31 % et que lors du second confinement elle n’est “que” de 12 %… cela confirme mon estimation de -3 à -4 % point en moins… de PIB en plus… de ce que l’on a perdu.

Vu la situation sanitaire, il y a de forte chance que le gouvernement renforce le confinement pour les deux dernières semaines de novembre afin de tenter de sauver les fêtes de fin d’année en tous cas en partie !

Charles SANNAT

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Bonjour François VILLEROY de GALHAU.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA

Et merci de venir nous donner en exclusivité les chiffres de votre enquête de conjoncture, les chiffres de l’activité économique française qui viennent de tomber. Alors, ce sont des chiffres que vous publiez tous les mois, mais évidemment, ceux-là revêtent un caractère particulier, car ils arrivent après le couvre-feu et le nouveau confinement. Tout simplement, qu’est-ce que cela donne ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Vous avez raison, ce sont des résultats très intéressants, parce que c’est la première photographie que nous faisons à partir des déclarations de 8.000 entreprises et PME sur les effets économiques pour elles de ce deuxième confinement. Je précise que nous avons interrogé ces entreprises pour l’essentiel à partir du vendredi 30 octobre, donc du premier jour du confinement. Alors, bien sûr, ce deuxième confinement a un effet significatif, négatif. Je dis tout de suite le chiffre: l’estimation serait que par rapport à ce qui était la normale, c’est-à-dire l’activité avant Covid, nous perdons 12 %. C’est nettement plus qu’en octobre, avant le confinement, où on en était à moins 4 %, mais…

ALBA VENTURA

Mais ça vient après une période de, entre guillemets…

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

De forte reprise…

ALBA VENTURA

Voilà, de forte reprise…

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Il y avait une forte reprise cet été. Mais c’est nettement moins lourd que l’effet du premier confinement. C’est près de trois fois moins lourd, puisqu’au mois d’avril, on en était à moins 31 %. Donc voyez, – 12 % contre – 31 %. Cela montre, on va y revenir dans le détail, que nous avons appris collectivement à travailler tout en protégeant les salariés.

ALBA VENTURA

Donc une chute moins forte que celle du premier confinement. D’abord, j’ai juste une question, est-ce que vous pouvez déjà évaluer ce que ça pèserait sur l’économie si jusqu’à Noël, nous étions confinés ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Nous ne faisons pas de prévisions sur l’ensemble du trimestre parce que cela va dépendre effectivement de ce qui se passe sur le mois de décembre. Mais, Alba VENTURA, je peux vous dire ce matin quelle est notre estimation sur l’ensemble de l’année 2020. Avant la deuxième vague, nous pensions qu’on aurait une récession d’un peu moins de 9 %. Nous pensons aujourd’hui que sur l’ensemble de l’année 2020, on sera entre moins 9 et moins 10 %. Notre estimation plus précise, nous la publierons à mi-décembre, et elle dépendra bien sûr de la suite de ce confinement.

ALBA VENTURA

Donc une récession entre moins 9 et moins 11 %.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Moins 9 et moins 10 %.

ALBA VENTURA

Et moins 10 %. Quels secteurs souffrent plus que les autres ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Il y a effectivement des grandes différences entre secteurs.C’est ce qu’apporte aussi notre enquête, parce que les entreprises répondent de tous les secteurs. Les secteurs qui souffrent le plus, ce sont d’abord ceux qui sont directement fermés, c’est l’hébergement, restauration, ce sont les commerces et un certain nombre de services à la personne. Et là, il n’y a pas de surprise, si j’ose dire: ce n’est pas un confinement light, contrairement à ce qu’on entend parfois, l’effet est pratiquement le même qu’au mois d’avril. Ce qui change, ce sont les secteurs qui continuent, et là il y a trois grandes différences par rapport au premier confinement. La première , c’est tout ce qui est l’industrie et la construction, les usines, les chantiers…

ALBA VENTURA

Le bâtiment…

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Le bâtiment, exactement; on s’était pratiquement arrêté en avril, on continue grâce aux protocoles sanitaires, c’est le progrès qui est intervenu. La deuxième différence, ce sont les services, non pas les services à la personne fermés dont je parlais tout à l’heure, mais les services aux entreprises, cela, c’est les progrès du télétravail. Et la troisième différence, et ça, nous savons que c’est une différence de confinement, ce sont les services publics qui cette fois-ci continuent.

ALBA VENTURA

Permettez-moi de revenir sur la restauration et l’hôtellerie, secteurs extrêmement touchés, est-ce que vous vous attendez à de nombreuses défaillances, j’entendais un expert de la restauration dire : une entreprise sur deux ne s’en sortira pas.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Ce qu’on voit aujourd’hui sur l’ensemble de l’économie française, ce sont des défaillances qui restent à un niveau modéré: elles ne sont – quitte à vous surprendre – pas plus élevées que l’an dernier. Mais bien sûr, sur ces secteurs-là, il est essentiel de continuer de déployer, d’appliquer vite toutes les mesures d’urgence que nous avions apprises à mettre en place au printemps. Ces mesures d’urgence sont globalement efficaces, la trésorerie des entreprises paraît assez bien préservée. On a beaucoup débattu – vous le savez, Alba VENTURA – est-ce que la France fait moins que les autres? C’est difficile de comparer, parce qu’il y a eu des effets d’annonce un peu partout. Mais aujourd’hui, quand nous regardons les chiffres, le paquet des mesures d’urgence en France apparaît à peu près équivalent à nos voisins européens dans ce qui est effectivement dépensé cette année: ce sera entre 4 et 5 % du PIB, ce qui est énorme.

Je peux ajouter que quand on regarde l’effet de cet amortisseur public qui a été mis en place, il est assez efficace en France : à la fin du troisième trimestre, nous avons à peu près rattrapé l’économie allemande. Nous avions “plongé” plus au printemps dernier, mais nous avons rebondi beaucoup plus cet été. La perte d’activité mesurée toujours par rapport à la normale est de moins 4 % à fin septembre en France comme en Allemagne. Donc voyez, cela a été des mesures difficiles, je mesure pour ceux qui nous écoutent combien c’est pénible, combien il y a d’incertitudes. Mais globalement, ces mesures d’urgence ont joué leur rôle d’amortisseur en France.

ALBA VENTURA

Alors, vous nous dites, une récession entre 9 et 10 %, quand on se projette sur les mois à venir, forcément, on s’inquiète. La Commission européenne a estimé dans ses prévisions jeudi qu’on ne reviendrait pas à une situation d’avant crise avant 2023, vous êtes d’accord avec elle ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Je crois qu’il est trop tôt pour le dire, il y a beaucoup d’incertitudes comme vous l’avez souligné. Donc, nous publierons nos prévisions pour 2021 et 2022, et nous en déduirons quand est-ce qu’on peut espérer revenir au 100 %, à la normale, à la mi-décembre.

ALBA VENTURA

Permettez-moi de revenir sur les mesures d’urgence dont vous parliez, le plan de relance du gouvernement, est-ce que vous dites formellement ce matin : il suffira ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Le plan de relance, c’est peut-être plutôt un plan de reconstruction et de transformation. Cela pose la question au fond de savoir comment nous allons nous en sortir , je crois que c’est une question que beaucoup de ceux et celles qui nous écoutent se posent.

ALBA VENTURA

Mais, non, je me permets de vous interrompre parce que le rapporteur du Budget du Sénat, Jean-François HUSSON, qui est pourtant membre de la majorité, dit que ce plan de relance arrive trop tardivement, qu’il est mal calibré, il pense qu’il faut des mesures de court terme, il dit même que ce plan de relance, c’est esbroufe et baratin sur certains points.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Je ne suis pas sûr que M.HUSSON fasse partie de la majorité, surtout quand j’entends ces propos, mais je ne me prononcerai pas sur telle ou telle expression politique.

ALBA VENTURA

Mais il arrive tardivement ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Non, parce le plan de relance n’est pas seul, c’est la deuxième jambe d’une certaine façon. Il y a avant toutes les mesures d’urgence dont je parlais à l’instant et qui ont été massives. Mais au-delà des chiffres, si vous voulez bien, évidemment, la traversée est difficile, évidemment, la mer est agitée et tous les Français le ressentent: d’où toutes les questions que vous évoquez. Mais je crois que nous réussirons, à trois conditions si vous si vous me permettez. La première, c’est que chacun soit au maximum à son poste de travail, dans l’équipage France. Pour vous donner un exemple, mon rôle à moi, celui de la BANQUE DE FRANCE, c’est de garantir que les Français, les PME continuent à bénéficier de financements sains pour tous leurs projets, immobiliers ou d’investissement. Il y a une deuxième condition, c’est que le brouillard dans cette traversée se dissipe un peu autour de nous, ce sont les incertitudes…

ALBA VENTURA

Mais ça veut dire quoi concrètement ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Je vais être très précis, ce sont les incertitudes économiques internationales, et là il y a quand même une bonne nouvelle, c’est l’élection de monsieur BIDEN ce week-end. Les Etats-Unis devraient devenir plus prévisibles et contribuer à la diminution des incertitudes qui pèsent très négativement dans cette crise…

ALBA VENTURA

C’est une bonne nouvelle pour vous donc ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

C’est une bonne nouvelle. On va le voir déjà sur le climat. Après, on verra le degré de coopération des Etats-Unis. Il reste très important que l’Europe s’affirme, elle ne doit pas tout attendre de l’Amérique. Il y a une troisième condition, c’est que dans cette traversée, nous éclairions le cap, le but: les acteurs économiques, y compris les entreprises, ont besoin d’un maximum de clarté; le but, c’est une reconstruction de l’économie qui ne soit pas à l’identique. Ce doit être une transformation pour une économie meilleure. Cette crise est très difficile, très lourde, mais ell peut être aussi une opportunité d’une économie qui soit plus écologique -c’est la transformation face au climat-, qui soit plus digitale-avec davantage de possibilités pour les entreprises et les ménages-, et qui soit aussi plus qualifiée; il est très important de garder la bataille des compétences. Parmi ceux qui souffrent aujourd’hui, il y a les jeunes,:mettons vraiment encore plus le “turbo” sur l’apprentissage, la formation professionnelle. Il faut donc le cap d’une reconstruction dont notre économie sortira transformée.

ALBA VENTURA

François VILLEROY de GALHAU, on entend beaucoup dire que les banques ont joué le jeu, s’il n’y a pas de reprise dans les prochains mois, est-ce que vous, premier banquier de France, vous demandez aux banques de reporter d’un an le remboursement des PGE, les prêts garantis par l’Etat, qui doivent commencer à être remboursés, je crois, à partir d’avril ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Je ne suis pas le premier banquier de France, parce que la BANQUE DE FRANCE, contrairement à son nom, n’est pas une banque habituelle, mais elle est le superviseur des banques, effectivement. Vous parlez des PGE, on peut d’abord relever qu’ils ont été effectivement un succès français. Je vous donne, là aussi, la comparaison par rapport à l’Allemagne: 120 milliards de PGE en France, 45 seulement en Allemagne. Sur la possibilité de report d’un an, elle est ouverte, et les banques s’y sont engagées, et c’est bien. Nous veillerons à ce que pour leurs clients qui leur demandent, il puisse y avoir contractuellement, par accord entre la banque et son client, une prolongation d’un an du différé. Je crois que c’est une bonne chose.

ALBA VENTURA

Vous avez le sentiment que pour ce deuxième confinement, l’aspect sanitaire a pris le pas sur l’aspect économique ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU

Je suis toujours prudent, Alba VENTURA, sur cet arbitrage qu’on décrit entre le sanitaire et l’économique. Vaincre enfin la crise sanitaire, et Dieu sait que c’est difficile, ce virus est un ennemi durable, résistant, vaincre enfin la crise sanitaire, c’est la meilleure réponse économique que nous puissions apporter. Tant qu’il y aura cette incertitude sanitaire, les chefs d’entreprises auront du mal à investir, et les Français auront du mal à consommer. Le progrès, je crois, c’est que nous avons appris à prendre des mesures sanitaires, tout en continuant à travailler et à produire ; c’est cela que montrent les chiffres que nous publions ce matin.

ALBA VENTURA

Merci beaucoup, François VILLEROY de GALHAU.

YVES CALVI

Le gouverneur de la BANQUE DE FRANCE qui annonce sur RTL une baisse de 12 % du PIB français en novembre, sur l’année, entre 9 et 10 %, je précise qu’il s’agit bien entendu d’une prévision. Globalement, les mesures d’urgence ont joué leur rôle d’amortisseur, vient de nous dire François VILLEROY de GALHAU. Et le sénateur HUSSON, nous avons vérifié, il est bien membre du parti Les Républicains, ce qui explique pourquoi il tape à boulets rouges sur le plan gouvernemental. Merci à tous les deux.

Source Banque de France ici

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