Plafonner les indemnités de licenciement est une négation d’un principe fondamental du droit.

Je m’explique.

« La juste réparation du préjudice. »

Voilà le principe sur lequel sont fondées nos décisions de justice.

Nous pouvons en débattre et discuter de ce principe, mais je le trouve plutôt bon et sage.

C’est parce que chaque cas est différent, et chaque préjudice différent, que chaque indemnité est différente !

C’est le cas pour tous les aspects de la vie. Lorsqu’il y a un accident de voiture, les juges vont tenir compte, pour la fixation de l’indemnité « réparatrice », de la situation, des revenus perdus, du nombre d’enfants à charge, mais aussi de leurs âges respectifs. Bref, l’idée c’est d’être juste.

Cela signifie que lorsque l’on applique un barème, on se met dans une situation où l’on ne peut plus individualiser la réparation.

C’est sur ce principe qui était supprimé que j’ai exprimé mon désaccord avec les ordonnances Macron.

C’est maintenant aux juges de faire de la résistance et c’est une bonne nouvelle que de voir les contre-pouvoirs s’exercer enfin !

« Deux jugements en six jours écartent cette disposition s’appliquant à un salarié victime d’un licenciement injustifié et à laquelle Emmanuel Macron est très attaché. »

Voici ce que nous relate cet article du Monde :

« L’affaire tranchée à Amiens concerne Fidèle T., employé dans un commerce d’alimentation générale. Celui-ci avait saisi les prud’hommes en février 2018 après avoir appris que son patron voulait le licencier pour faute grave. Les juges ont considéré que la rupture du contrat de travail était infondée et qu’il fallait dès lors dédommager le salarié pour le préjudice subi. Or, ont-ils rappelé dans leur décision, la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) indique qu’une juridiction nationale, en cas de congédiement injustifié, doit pouvoir ordonner l’octroi d’une «indemnité adéquate» ou toute autre forme de réparation «appropriée».

Conclusion, pour les conseillers prud’homaux d’Amiens : les textes issus de la réforme de 2017 «sont contraires à la convention 158 de l’OIT» et l’entreprise est condamnée à verser un dédommagement de 2 000 euros, soit un montant dont les juges sous-entendent qu’il est supérieur à ce qui est fixé dans les ordonnances. Précision importante : le jugement du 19 décembre 2018 a été rendu par une formation dans laquelle siégeaient deux conseillers salariés et deux conseillers employeurs, ce qui signifie que l’un de ces derniers, au moins, adhérait à l’analyse juridique développée dans la décision. »

L’article se conclut par la phrase suivante : « Les plafonds d’indemnisation, inscrits dans la loi, représentent «un obstacle à l’exercice de leur fonction de juger, dont on peut rappeler le caractère fondamental dans tout État de droit ». Ils sont en quelque sorte « bloqués, bridés dans ce qui constitue l’un de leurs rôles essentiels : la réparation du préjudice ».

Voilà qui est dit et qui correspond en tout point aux objections qui avaient été soulevées au moment de ces ordonnances.

Des ordonnances qui ont été signées sans vote évidemment des députés et de la « représentation nationale »… La crise institutionnelle et démocratique que traverse notre pays trouve aussi une partie de ses causes dans ces choix de passage en force et de marginalisation aussi bien des corps intermédiaires que des parlementaires devenus de simples godillots !

Charles SANNAT

Source Le Monde ici

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